Que dit le pape François ?

Les Journées mondiales de la jeunesse de Rio de Janeiro ont été marquées par une quinzaine de discours du pape François. L’occasion pour lui de lancer de vrais messages à la jeunesse, mais aussi à l’Amérique latine et au monde, en reprenant certains des thèmes qui lui sont chers, comme autant de variations sur des thèmes désormais reconnaissables et inlassablement développés.

Frapper à la porte

Le pape François a employé cette expression plusieurs fois, dans des contextes différents, comme pour signifier sa volonté de rencontrer vraiment les Brésiliens lors de son voyage, de ne pas s’en tenir à une simple visite en tant que personnalité. Peut-être aussi une façon de signifier qu’il ne veut pas exercer son ministère de façon autoritaire, mais proche et accessible.

« J’ai appris que pour avoir accès au peuple brésilien, il fallait entrer par la porte de son cœur immense ; qu’il me soit donc permis aujourd’hui de frapper délicatement à cette porte. Je demande la permission d’entrer et de passer cette semaine avec vous. Je n’ai ni or ni argent, mais je vous apporte ce qui m’a été donné de plus précieux : Jésus Christ ! » (Cérémonie officielle de bienvenue)

« Dès le début, en programmant ma visite au Brésil, mon désir était de pouvoir visiter tous les quartiers de cette Nation. J’aurai voulu frapper à chaque porte, dire " bonjour ", demander un verre d’eau fraîche, prendre un "cafezinho" (…), parler comme à des amis de la maison, écouter le cœur de chacun, des parents, des enfants, des grands-parents… Mais le Brésil est si grand ! Et il n’est pas possible de frapper à toutes les portes ! » (Discours à la favéla de Manguinhos)

Sortir

Ne pas rester à l’intérieur de l’Église : voilà l’un des thèmes les plus souvent repris par François. On se souvient notamment de sa prise de parole lors des congrégations générales qui ont précédé le conclave durant lequel il a été élu, en mars dernier ; il avait alors insisté sur l’importance pour les chrétiens d’aller à la rencontre des « périphéries existentielles », là où l’Église n’était pas assez présente.

« Nous ne pouvons pas rester enfermés dans la paroisse, dans nos communautés, dans nos institutions quand tant de personnes attendent l’Évangile ! Ce n’est pas simplement ouvrir la porte pour accueillir, mais c’est sortir par la porte pour chercher et rencontrer ! Encourageons les jeunes à sortir. Bien sûr, nous ne devons pas avoir peur de sortir. Poussons-les à sortir... Avec courage, pensons à la pastorale en partant de la périphérie, en partant de ceux qui sont les plus loin, de ceux qui d’habitude ne fréquentent pas la paroisse. Eux aussi sont invités à la table du Seigneur. » (Messe avec les évêques, les prêtres, les religieux et les séminaristes)

Missionnaires

C’était le thème de ces vingt-huitièmes Journées mondiales de la jeunesse : « Allez, de toutes les nations faites des disciples ». Rien d’étonnant, donc, à ce que la mission et l’importance pour chacun d’y prendre part trouvent une place centrale dans les propos du pape. C’est sans doute l’un des appels que les jeunes retiendront le mieux, tant il aura été pressant et répété.

« Dieu nous demande d’être missionnaires là où nous sommes, là où il nous a placés. Aidons les jeunes à comprendre qu’être missionnaire doit être la conséquence de notre baptême, que c’est un élément essentiel de ce qui fait de nous des chrétiens. Et nous devons aussi les aider à réaliser que le premier lieu où nous sommes appelés à être missionnaires, c’est notre propre maison, le lieu de nos études ou de notre travail, pour évangéliser notre famille et nos amis. » (Messe avec les évêques, les prêtres, les religieux et les séminaristes)

« Nous devons construire l’Église, et pas seulement une petite chapelle qui ne peut contenir qu’un petit groupe de personnes. Jésus nous demande que son Église vivante soit grande au point de pouvoir accueillir l’humanité entière, qu’elle soit la maison de tous ! » (Veillée finale à Copacabana)

Ensemble

Aux victimes de la drogue, aux habitants des favélas, aux jeunes et à leurs familles, le pape François l’a répété à plusieurs reprises : « Vous n’êtes pas seuls ». Un refrain d’espérance qui s’est approfondi lors de l’homélie de la messe finale, celle de l’envoi en mission de tous les participants, avant qu’ils ne rentrent chez eux : s’ils se rassemblent en Église, c’est aussi pour mieux aller, encore et toujours, vers l’extérieur.

« Jésus n’a pas dit : "Va", mais "Allez" : nous sommes envoyés ensemble. Chers jeunes, percevez la présence de l’Église tout entière et de la communion des saints dans cette mission. Quand nous affrontons ensemble les défis, alors nous sommes forts, nous découvrons des ressources que nous ne pensions pas avoir. Jésus n’a pas appelé les Apôtres à vivre isolés, il les a appelés pour former un groupe, une communauté. » (Messe de clôture des JMJ)

Culture du rebut

Dans l’avion qui le conduisait au Brésil, les journalistes qui l’accompagnaient n’avaient pas manqué de noter l’emploi de cette expression. Elle était immanquable dans les discours qui ont émaillé le séjour, tant elle est revenue régulièrement. La protection et l’intégration des plus faibles, à commencer par les jeunes et les personnes âgées, est d’ailleurs l’un des thèmes favoris du pape.

« Malheureusement, dans beaucoup de milieux, s’est développée une culture de l’exclusion, une "culture du rejet". Il n’y a de place ni pour l’ancien ni pour l’enfant non voulu ; il n’y a pas de temps pour s’arrêter avec ce pauvre au bord de la route. Parfois il semble que pour certains, les relations humaines soient régulées par deux "dogmes" modernes : efficacité et pragmatisme. Chers Évêques, prêtres, religieux, et vous aussi séminaristes qui vous préparez au ministère, ayez le courage d’aller à contrecourant de cette culture. » (Messe avec les évêques, les prêtres, les religieux et les séminaristes)

Justice sociale

Après les grandes manifestations qui ont marqué le Brésil ces dernières semaines (certains mouvements de protestation ont d’ailleurs encore eu lieu pendant la visite du pape), François ne pouvait pas ne pas évoquer les aspirations des peuples à la dignité et à la justice. Là encore, il s’agit d’un thème qui lui est familier.

« L’avenir exige de nous aussi une vision humaniste de l’économie et une politique qui réalise toujours plus et mieux la participation des personnes, évite l’élitisme et éradique la pauvreté. Que personne ne soit privé du nécessaire et que dignité, fraternité et solidarité soient assurées à tous : c’est la route à suivre. » (Rencontre avec la classe dirigeante du Brésil)

Acteurs (de l’avenir)

Si le pape a insisté souvent, auprès des évêques et des prêtres notamment, sur l’importance de former et d’accompagner les jeunes, il n’a pas hésité à appeler ces derniers à ne pas se laisser ballotter au gré de l’air du temps ou des structures en place. C’est à eux de se faire les bâtisseurs d’un monde meilleur, ainsi que d’une Église meilleure (comme le suggérait d’ailleurs la scénographie de la dernière veillée, qui voyait des jeunes, à la suite de saint François d’Assise, construire une église sur le podium).

« S’il vous plaît, ne laissez pas les autres être les acteurs du changement... C’est vous qui êtes l’avenir. C’est vous ! Il faut que vous entriez dans le monde. Je vous le demande : soyez les acteurs du changement, de l’avenir... Surmontez l’apathie et apportez une réponse chrétienne à toutes les préoccupations sociales et politiques de tous les coins du monde. Je vous demande d’être les constructeurs de l’avenir, qui se mettent au travail pour un monde meilleur... Chers jeunes, ne restez pas au balcon de la vie, vivez-la... Jésus n’a pas regardé la vie depuis un balcon, il l’a vécue... » (Veillée finale à Copacabana)

Espérance

En appelant la jeunesse à l’engagement, le pape n’ignore pas que le risque est grand pour les chrétiens – comme pour les autres – d’être découragé et de renoncer peu à peu à son idéal de départ face aux échecs et aux déceptions qu’ils peuvent rencontrer dans le monde, mais aussi en eux-mêmes. Et contre cela, seule l’espérance chrétienne peut à ses yeux être un remède.

« Vous, chers jeunes, vous êtes particulièrement sensibles aux injustices, mais souvent vous êtes déçus par des faits qui parlent de corruption, de personnes qui, au lieu de chercher le bien commun, cherchent leur propre intérêt. À vous aussi et à tous, je répète : ne vous découragez jamais, ne perdez pas confiance, ne laissez pas s’éteindre l’espérance. La réalité peut changer, l’homme peut changer. Cherchez, vous les premiers, à apporter le bien, à ne pas vous habituer au mal, mais à le vaincre. L’Église vous accompagne. » (Discours à la favéla de Manguinhos)

Dialogue

Il est arrivé sur le sol brésilien en sollicitant « la gentillesse de l’attention et, si possible, l’empathie nécessaire pour établir un dialogue entre amis ». Et ce mot de « dialogue », il n’a cessé de le scander dans ses discours, allant jusqu’à promouvoir une « culture de la rencontre » et une « humilité sociale » pour les dirigeants. François, s’il aime poser des gestes forts, s’affirme aussi résolument comme un homme de la parole.

« Quand les leaders des divers secteurs me demandent un conseil, ma réponse est toujours la même : dialogue, dialogue, dialogue. L’unique façon de grandir pour une personne, une famille, une société, l’unique manière pour faire progresser la vie des peuples est la culture de la rencontre, une culture dans laquelle tous ont quelque chose de bon à apporter et tous peuvent recevoir quelque chose de bon en échange. L’autre a toujours quelque chose à me donner, si nous savons nous approcher de lui avec une attitude ouverte et disponible, sans préjugés. Cette culture ouverte, disponible, sans préjugé : je la définis comme l’humilité sociale, celle qui favorise le dialogue. C’est seulement ainsi que peut grandir une bonne entente entre les cultures et les religions, l’estime des unes pour les autres sans opinions préconçues et dans un climat de respect des droits de chacun. Aujourd’hui, ou bien on mise sur la culture du dialogue, sur la culture de la rencontre, ou bien nous perdons tous. Nous perdons tous... C’est par ici que passe le chemin fécond. » (Rencontre avec la classe dirigeante du Brésil)

Solidarité (un gros mot)

Deux fois, François est sorti de ses discours préparés pour ajouter, derrière ce mot de « solidarité », cette précision : « C’est comme un gros mot, aujourd’hui ! » L’occasion de lui redonner tout son sens, celui d’un véritable accueil de l’autre, d’un lien qui se crée entre deux personnes, au-delà d’une simple « aide » accordée verticalement. Et pour illustrer cela, il n’a pas hésité donner les pauvres en modèles et exemples.

« Le peuple brésilien, en particulier les personnes plus simples, peut offrir au monde une précieuse leçon de solidarité, une parole souvent oubliée ou tue, parce qu’elle gêne. C’est presque un gros mot. Je voudrais faire appel à celui qui possède plus de ressources, aux autorités publiques et à tous les hommes de bonne volonté engagés pour la justice sociale : ne vous lassez pas de travailler pour un monde plus juste et plus solidaire ! Personne ne peut rester insensible aux inégalités qu’il y a encore dans le monde ! » (Discours à la favéla de Manguinhos)

Révolution

Pour le pape François, le chrétien est le vrai révolutionnaire, non seulement parce qu’il va à contrecourant de l’esprit du monde qui l’entoure, mais parce que sa foi le libère de tout ce qui peut le rendre dépendant et l’enchaîner. Cet appel à être vraiment libres, il l’a une fois de plus martelé aux jeunes réunis à Rio de Janeiro.
« Certes, l’avoir, l’argent, le pouvoir peuvent donner un moment d’ébriété, l’illusion d’être heureux ; mais, à la fin, ce sont eux qui nous possèdent et nous poussent à avoir toujours plus, à ne jamais être rassasiés. Mais nous ne sommes pas alimentés. Je ne veux pas d’une jeunesse esclave. Et c’est triste de voir une jeunesse repue, mais faible. La jeunesse doit être forte, se nourrir de la foi et ne pas se remplir d’autres choses. (…) Chers amis, la foi est révolutionnaire. Et je te demande : est ce que tu es prêt à entrer dans cette vague de révolution de la foi ? C’est seulement en entrant dans cette vague que ta jeune vie aura du sens et qu’ainsi elle sera féconde. » (Fête d’accueil avec les jeunes)

Marie

Très attaché à « la Madone », François n’a évidemment pas manqué une occasion de lui confier les personnes rencontrées durant les JMJ, notamment à Notre-Dame d’Aparecida, sanctuaire marial emblématique du Brésil et de l’Amérique latine. Il s’est aussi attaché à la présenter comme modèle de missionnaire et de service pour la jeunesse.

« Chaque fois que nous prions l’Angelus, nous faisons mémoire de l’événement qui a changé pour toujours l’histoire des hommes. Quand l’ange Gabriel annonça à Marie qu’elle deviendrait la Mère de Jésus, du Sauveur, elle, même sans comprendre la pleine signification de cet appel, s’est confiée à Dieu (…). Après avoir reçu la grâce d’être la Mère du Verbe incarné, elle n’a pas gardé pour elle ce don ; elle est partie, elle est sortie de sa maison et est allée en hâte pour aider sa parente Élisabeth, qui avait besoin de soutien (cf. Lc 1, 38-39) ; elle a posé un geste d’amour, de charité, de service concret, en portant Jésus qui était dans son sein. Et ce geste elle l’a fait en hâte ! » (Introduction à l’angélus à l’issue de la messe d’envoi)

Joie

La vie chrétienne, le service des pauvres, la mission, tout cela n’est rien si les croyants ne sont pas capables de témoigner concrètement, au quotidien, sur leur propre visage, de la foi et de l’espérance qui les anime. Coutumier des formules-choc à ce sujet (« le chrétien doit avoir un visage joyeux, pas une tête de piment au vinaigre ! »), le pape n’a évidemment pas manqué d’ajouter quelques pierres à sa pastorale de la joie.

« Le chrétien est joyeux, il n’est jamais triste. Dieu nous accompagne. Nous avons une Mère qui intercède toujours pour la vie de ses enfants, pour nous, comme la reine Esther dans la première lecture (cf. Est 5, 3). Jésus nous a montré que le visage de Dieu est celui d’un Père qui nous aime. Le péché et la mort ont été vaincus. Le chrétien ne peut pas être pessimiste ! Il n’a pas le visage d’une personne qui semble être en deuil permanent. Si nous sommes vraiment amoureux du Christ et si nous sentons combien il nous aime, notre cœur s’"enflammera" d’une joie telle qu’elle contaminera tous nos voisins. » (Messe au sanctuaire Notre-Dame d’Aparecida)
« Vous savez, dans la vie d’un évêque, il y a beaucoup de problèmes qui demandent à être résolus. La foi de l’évêque peut s’attrister. Mais c’est affreux, un évêque triste. Pour que ma foi ne soit pas triste, je suis venu ici pour être contaminé par votre enthousiasme. » (Fête d’accueil avec les jeunes)

Service

Lui qu’on surnomme souvent le « pape des pauvres », lui qui a pris le nom de François et qui n’a pas hésité, quelques jours seulement après son élection, à aller célébrer le Jeudi saint dans une prison et laver les pieds de jeunes délinquants, il a évidemment profité de son voyage au Brésil pour délivrer un message social, mais aussi appeler les jeunes de se mettre au service les uns des autres.
« Pour annoncer Jésus, Paul s’est fait "serviteur de tous". Évangéliser, c’est témoigner en premier l’amour de Dieu, c’est dépasser nos égoïsmes, c’est servir en nous inclinant pour laver les pieds de nos frères comme a fait Jésus. » (Messe de clôture des JMJ)

Croix

Depuis le début de son pontificat – et même avant, comme archevêque de Buenos Aires – le pape François insiste régulièrement sur l’importance de la croix dans la vie chrétienne. Il rappelle souvent qu’il n’y a pas de chrétien authentique sans elle. Une fois de plus, il a creusé ce sillon en donnant à la Passion du Christ une dimension très concrète dans la vie des jeunes qui l’écoutaient.

« De nombreux visages ont accompagné Jésus dans sa marche vers le Calvaire : Pilate, Simon de Cyrène, Marie, les femmes… Je vous le demande : lequel d’entre eux voulez-vous être ? Vous voulez être comme Pilate, qui n’a pas le courage d’aller à contre-courant pour sauver la vie de Jésus et qui se lave les mains ? Dites-moi : êtes-vous de ceux qui se lavent les mains, qui restent muets et regardent de l’autre côté ? Ou êtes-vous comme Simon de Cyrène, qui aide Jésus à porter le bois lourd de la Croix ? Comme Marie et les autres femmes, qui n’ont pas peur d’accompagner Jésus jusqu’au bout, avec amour et tendresse ? (…) Jésus te regarde maintenant et te dit : "Est-ce que tu veux m’aider à porter la croix ?" Frères et sœurs, avec toute la force de votre jeunesse, que lui répondez-vous ? » (Chemin de croix avec les jeunes)

Source : La Vie 28/07/13