Hymne à la vieillesse

Prière à propos de la vieillesse

Par le cardinal Godfried Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles

Hymne à la vieillesse

Les seniors ont bien des qualités, ils ont un charisme qui leur est propre. La chose n’est pas automatique, mais l’âge peut être quelque chose de précieux. Jusqu’à un certain point, les seniors constituent même un remède pour un série de nos maux aujourd’hui. Certes, ils attendent de nous que nous les aidions à soigner leur corps - et ils en ont le droit -, mais à leur tour, ils peuvent agir en thérapeutes de nos maux de l’âme (...) Dans une société dont les paramètres ont nom rationalité, efficience, rentabilité, les seniors maintiennent cette valeur qu’est la gratuité. Leur temps, ils le vivent sous forme de disponibilité, hors des contraintes du calcul et de l’estimation précise d’effets positifs ou négatifs. Ils mettent d’ailleurs en question notre activisme, l’espèce d’alcoolisme de notre besoin de “faire”.

Gardiens du souvenir

À une époque où, conscience de l’histoire et mémoire sont reléguées dans les archives et les bibliothèques, les anciens sont les gardiens du souvenir. Ils nous préservent du flottement du “moi”. Car celui qui n’a plus qu’une vague idée de son passé, ressemble au cosmonaute dans son vaisseau spatial : en l’absence de la pesanteur qui le tient debout, il flotte. Ou encore, il ressemble à une fleur cultivée dans l’eau : n’ayant pas de racines fermes, elle en est réduite à mener une pâle existence. Sans mémoire, une culture est condamnée à la solitude : plus de dialogue possible entre générations. Celles - ci sont alors des étoiles filantes, échappées de leur constellation. Brillantes, certes, mais seulement un bout de nuit en septembre.

L’expérience et la sagesse

Nos connaissances sont alimentées presque exclusivement par la science et la technique. Elles sont empiriques, mais fort sélectives. Où sont passées l’expérience et la sagesse ? Or, celles - ci également ont quelque chose d’empirique. L’expérience n’est-elle pas ce que d’autres ont découvert avant nous ? Aussi, n’est-il pas rare que dans de grandes institutions, financières ou autres, de (jeunes) seniors soient consultés avec empressement quand l’entreprise doit affronter des impondérables, des aventures imprévues. En ce temps de “chacun pour soi”, où tous se sentent tenus de disputer les premières places, il est heureux qu’il existe des gens qui sans doute ne peuvent plus prétendre à l’autonomie, mais qui nous obligent à prendre conscience de l’interdépendance vitale entre vieux et jeunes. Chacun a besoin de chacun disent les seniors. Les anciens - en proportion directe d’ailleurs de leur âge - ne sont- ils pas de par leur seule présence des rappels vivants de ce que la société n’est pas une affaire commerciale, mais un corps où aucun organe ne fonctionne correctement quand un autre est malade ? La société n’est pas quelque foire de commerce où chacun, à son stand, vante sa marchandise ; elle est une ruche où toutes les abeilles œuvrent ensemble à l’unique gâteau de miel en prévision de l’hiver.

Les “comment” et les “pourquoi”

Les seniors ont souvent aussi une vision globale pus aiguë de la vie : ils tiennent compte à la fois de bien plus de choses. Notre monde vit dans la hâte et l’agitation, avec leur cortège de dépressions et de névroses ; il a bien besoin de personnes qui, par-delà les “comment” osent poser les questions du “pourquoi”. Dans notre préoccupation fébrile quant au “quoi” et au “comment”, savons-nous finalement encore “pourquoi” nous poursuivons tout cela et le faisons ? Les seniors nous rappellent que des questions se posent également quant à la vocation, au but, au sens de la vie. Presque spontanément, ils ont le sens du regard serein et de la contemplation, celui des valeurs affectives, émotionnelles, morales et spirituelles, celles précisément qui ne figurent pas dans les rapports annuels et les balances commerciales.

Sagesse

Sans doute peut-on regrouper tout ce qui précède sous un seul dénominateur, celui de la sagesse. En général, les seniors sont plus sensibles à “l’être” qu’au “faire”. Parmi les valeurs, ils en privilégient d’autres que leurs cadets : amitié, absence d’envie de pouvoir, clémence dans le jugement, prudence et patience, intériorité ; bref, ils ont une affinité quasi naturelle avec les vertus non musclées et les valeurs “douces”. Les seniors sont sans doute sans conteste à même d’opérer un rééquilibrage de notre société et de son échelle des valeurs.

Source : Message du cardinal Godfried Danneels, paru dans la collection « Paroles de vie » pour Noël de l’an 2000, sous le titre “Reste avec nous car le soir vient - à propos du troisième et du quatrième âge” in revue Découverte, N° 259, avril 2003

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