Les Communiantes
Jill Gallieni
Face à l’église Saint-Séverin, la Galerie Saint-Séverin présente « Les Communiantes », une exposition de Jill Gallieni, plasticienne.
Sur une proposition d’Yves Sabourin, l’œuvre conçue spécialement pour la Galerie est présentée du 28 avril au 18 juin 2017. Visible jour et nuit, 4 rue des Prêtres-Saint-Séverin, Paris 5e. M° Cluny-la-Sorbonne, Saint-Michel.
– Vernissage le 27 avril 2017 de 19h à 21h
Jill Gallieni, Les communiantes, détail, sculpture textile, 2017 © Y. Sabourin, remerciements à Lyrique XXI.
Direction : Olivier de Bodman - Programmation : Yves Sabourin - Presse : Martine Sautory
– Contact.
Les communiantes
Le point de vue du commissaire
Depuis les années 80, l’artiste française Jill Gallieni, née à Paris en 1948, travaille avec autant d’aisance la sculpture et le dessin. Sa singularité se place évidement dans l’expression artistique qu’elle construit depuis l’âge de ses trente ans mais aussi dans l’utilisation des matériaux et des techniques. L’artiste élabore une écriture artistique libre, spontanée mais jamais aléatoire. Même lorsque l’esprit « vagabonde », il n’est jamais au repos mais en méditation, en prière. L’instinct n’est-il pas produit par notre propre cerveau et la nourriture que nous lui donnons ? Dès le début son œuvre s’inscrit sur papier avec les cahiers de prières. Pour les Poupées [1], il se dresse en tissu armé et rembourré, épisodiquement en papier depuis 2000, expérimentalement en plastique avec les Sirènes (2008) ou, au tout début, réhaussé de plâtre comme Poupée (1992-93). Ses références sont à l’image de son œuvre, ouvertes, avec une place donnée aux différentes expressions artistiques comme l’art traditionnel / classique, basé sur un cursus éducatif, des références historiques et une forme de continuité ; l’art singulier [2], qui ne cherche pas forcément des références historiques et des appuis techniques reconnus ; et l’art brut [3] qui est issu d’un travail reconnu artistique mais produit hors du schéma dit classique par des personnes atteintes de schizophrénie avec une constance aléatoire.
Pour la Galerie Saint-Séverin, Jill Galliéni propose une mise en scène qui offre un dialogue entre ses deux pratiques, la sculpture et le dessin, entre le cahier des prières Neuvaine à Marie qui défait les nœuds (vers 2015) et le groupe de sculptures Les communiantes (2016-2017). Au premier plan à droite, le cahier ouvert est déposé sur un coussin de velours rouge et devient le trait d’union entre le spectateur-promeneur et, au second plan légèrement décalé sur la gauche, le groupe des neuf communiantes réunies en liesse autour de la Croix.
Dans son œuvre, l’artiste exprime sa foi chrétienne sans jamais défaillir grâce à ses moyens d’expressions bien maîtrisés. C’est ainsi que pour Les communiantes Jill Galliéni sculpte, sur une ossature de grillage un ensemble de dix sujets (en comptant la croix) et érige le tout en jouant avec un outil improbable, puisque immatériel, mais nécessaire : l’équilibre. L’artiste sculpte en un seul bloc avec des tissus blancs - dont de la dentelle et de la tarlatane [4] - l’assise et le sujet : une agilité, une prouesse au regard des lois de la pesanteur. Est-ce pour des questions de moyens ou bien dans la nécessité de devoir faire ainsi et d’accepter les risques, de se mettre « en danger » ? C’est certainement pour les deux raisons énoncées. Le second outil de l’artiste, bien concret celui-là, est une aiguille qui lui permet de coudre afin de donner à ses Poupées du volume et du mouvement, et de broder pour enrichir l’expressivité des corps et de la croix. Le dessin, devenu broderie, révèle avec des fils de couleurs en coton les traits des visages, les silhouettes originales de chaque robe et les veines du bois de la croix. Pour certains détails, la broderie devient cicatrice indolore.
Chaque jour, chaque matin, Jill Gallieni se met en prière et ouvre son cahier. Initialement adressées à Sainte-Rita de Cascia, l’artiste écrit ses recommandations pieuses de façon linéaire ou en pavé à l’aide d’un stylo à encre colorée. Plus tard et sur les recommandations de la sainte italienne, elle adresse d’autres prières à la Vierge Marie d’où est issu le cahier Neuvaine à Marie qui défait les nœuds.
L’artiste écrit de façon totalement illisible, envahit l’intégralité des pages de chaque cahier, elle procède de la même façon pour ses prières sur feuilles volantes, et recouvre intégralement les feuilles d’une écriture linéaire ou composée en pavés afin de faire apparaître des croix latines dans des encadrements et des médaillons. Dans cette profusion d’écriture chargée en couleurs vives et qui oscille légèrement, l’artiste confère à ses prières une forme hors norme de dévotion incarnée : l’écriture est « vivante ».
Chez Jill Gallieni, tout est matière à vaciller, à nous faire également vaciller afin de laisser derrière soi des a priori inutiles concernant une expression résolument artistique. Quant à la rigueur, elle permet à Jill Gallieni de composer avec une écriture aussi libre ses cahiers de prières ainsi que ses sculptures de Poupées et l’autorise même à sculpter dans Les communiantes la Croix du Christ qui chavire d’émotion en embrassant ses jeunes croyantes.
Jill Gallieni
Née à Aix en Provence en 1948, d’une mère américaine et d’un père français. Elle vit et travaille à Paris.
Depuis toujours Jill Galliéni utilise pour ses créations du tissu, avec lequel elle crée d’étranges sculptures-poupées, des groupes de poupées, puis aussi des dessins textiles.
Parallèlement elle a un autre travail qui sont « les prières », encre sur papier, où elle remplit des pages de mots incompréhensibles pour le regardeur qui ne peut y voir que des dessins, des enchevêtrements, mais qui sont en fait bien réellement des prières (sur cahier, comme présenté dans la vitrine, ou sur feuilles libres).
Les sculptures et dessins textiles sont représentés par Marie Finaz Gallery. Contact.
Les cahiers et prières par la Galerie Christian Berst. Contact.
– Le point de vue de Voir & Dire...
[1] (1) Les poupées, nom générique que l’artiste donne à toutes ses sculptures.
[2] (2) L’art singulier n’a pas de règle établie. Il exprime une charge émotionnelle et fantasmée de la part du créateur.
[3] (3) L’art brut est un terme inventé par le peintre Jean Dubuffet (1901-1985) pour désigner les productions de personnes exemptes de culture artistique.
[4] (4) La tarlatane est un tissu en coton à tissage très lâche et très apprêté.