La Nativité

Catherine Hardwicke

Si, pour comprendre le sens profond d’un film, il est bon d’en regarder les premiers plans, alors ici tout commence par une inversion. Ainsi le premier plan nous met littéralement dans le ciel, au dessus des nuages, comme planant dans une sorte de bien-être divin. Puis nous descendons sur Terre (sûrement pour figurer Dieu qui vient visiter son peuple) et là, stupeur, nous assistons au massacre cruel des Saints Innocents. Critique du père Frédéric Roder.

Le film enchaîne alors avec un flash back reprenant les éléments des Evangiles de l’enfance : Annonciations, Visitation, songe de Joseph, recensement et long trajet vers Bethléem, Nativité, Adoration des bergers et des mages après leur passage par Jérusalem devant le roi Hérode et de nouveau le massacre des enfants de Bethléem et happy end avec l’arrivée de la Sainte Famille en Egypte. Tous les ingrédients d’un bon film biblique pourrait-on penser, mais pourquoi à sa vision sommes-nous restés sur un malaise ?

Les images sont léchées et l’émotion affleure parfois, notamment dans les scènes avec Elisabeth et Zacharie… Mais Marie, elle, a un traitement spécial : une jeune fille comme on en croise à tous les coins de rue, les ongles sales et les vêtements désordonnés, un peu en dehors du coup. Ses parents sont presque scandaleux dans leurs réactions : leur méfiance vis-à-vis de leur fille et leurs paroles dures, à la limite du supportable, semblent hors de propos et donnent une image irréaliste de la confiance qui ne pouvait qu’exister vis-à-vis de leur fille.

Joseph, bien que largement réhabilité dans le traitement de l’image, garde une attitude très éloignée de l’homme juste que le pape Jean Paul II a si bien décrit (lettre apostolique Redemptoris Custos, 15 août 1989). L’émotion que l’on peut éprouver s’oppose au point de vue théologique qui, lui, est inacceptable : action magique du Divin et de ses envoyés, négation de la sainteté des parents de Marie, banalisation de l’attitude de Joseph envers Marie (même si son humanité est par ailleurs fort bien traitée), non à la vision des mages décrits avec tous les ingrédients de l’astrologie de bas étage, absence de regard aimant de Joseph et Marie sur l’enfant Jésus nouveau-né.

Le malaise vient de cette distanciation entre le cœur et la tête qui, au lieu d’être réunifiés, sont écartelés. Nous avons ainsi un film spiritualiste dans l’air du temps, jouant sur l’affectif et interprétant à sa façon le récit biblique, mais il ne s’agit pas d’une grande œuvre cinématographique théologiquement ou spirituellement élevante. La Nativité n’est pas à considérer comme un instrument pastoral, mais peut être vue seulement dans une démarche personnelle du spectateur qui doit exercer sa liberté et son esprit critique avant d’entreprendre une démarche de foi.

Père Frédéric Roder

Cinéma