Allocution d’Anouar Kbibech, au nom des Musulmans de France

25e anniversaire de la rencontre d’Assise à Paris.

Monsieur le Président de la Conférence des Evêques de France Monseigneur André Vingt-Trois,
Monsieur le Président de la Fédération Protestante de France, le Pasteur Claude Baty,
Monsieur le Grand Rabbin de France, Mr Gilles Bernheim,
Monsieur le Recteur de la Grande Mosquée de Paris,
Monseigneur Nestor, Evêque de Chersonèse, de l’Eglise Orthodoxe,
Mr le Président de l’Union Bouddhiste de France,
le Révérend Olivier Wang-Genh,
Monsieur Mario Giro, Membre de la Communauté de Sant’Egidio, Responsable des relations internationales,
Mesdames et Messieurs, Chers Frères et Chères Sœurs,

Reprenant l’initiative de Jean-Paul II en 1986, Sa Sainteté Le Pape Benoît XVI invite à nouveau les représentants de toutes les religions à Assise aujourd’hui même, 27 Octobre 2011.

Déjà en août 1985, à Casablanca, près de 100 000 jeunes s’étaient rassemblés pour écouter Sa Sainteté Le Pape Jean-Paul, venu expliquer les fondements du dialogue interreligieux.
Dans son discours, le Pape Jean Paul II a notamment indiqué :
« La loyauté exige aussi que nous reconnaissions et respections nos différences ! La plus fondamentale est évidement le regard que nous portons sur la personne et l’œuvre de Jésus de Nazareth. »

Cette ouverture vers l’autre, dans le respect des différences, est à la base même de la relation humaine … telle qu’Allah l’a voulue, le Coran dit :
« Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. » (s.49, Les Appartements, s.13 )

Ce dialogue et cet échange sont la meilleure façon de mieux se connaitre, pour mieux se reconnaître et construire ensemble un avenir meilleur !
… en toute sérénité et en toute quiétude,
… loin de toute peur et loin de tout préjugé !

L’islam est né de l’accueil :
En effet, les premiers musulmans de La Mecque furent persécutés par les polythéistes. La communauté des croyants qui venait de naître aurait été étouffée dans l’œuf si le Négus, de l’Abyssinie chrétienne, n’avait pas ouvert ses portes aux premiers musulmans qui ont fui la tyrannie afin de trouver refuge chez lui.
C’est de la ville de Yathrib, devenue Médine par la suite, que furent proposées au Prophète, les conditions permettant à la première Communauté musulmane de trouver un asile.
A Médine, avec deux tribus arabes devenues musulmanes, les Ansar, et trois tribus juives, le Prophète (PSL) mettait au point une sorte de Constitution permettant une vie commune. C’est dans ce contexte que naissait progressivement une société où musulmans et non-musulmans pouvaient vivre côte-à-côte dans la justice et le respect mutuel.
La Paix est basée sur la compréhension mutuelle :
Cette compréhension mutuelle fait partie des principes qui sont les fondations véritables de nos différentes traditions :
l’amour du Dieu Unique et l’amour du prochain.

Sur la nécessité d’aimer son prochain, le Prophète Mohamed (PSL) a dit :
« vous ne serez pas croyant tant que vous n’aimerez pas pour votre prochain ce que vous aimez pour vous-mêmes. »

Dieu dit dans le Saint Coran :
« A chacun de vous, Nous avons tracé un itinéraire et établi une règle de conduite qui lui est propre. Et si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule et même communauté ; mais Il a voulu vous éprouver pour voir l’usage que chaque communauté ferait de ce qu’Il lui a donné. Rivalisez donc d’efforts dans l’accomplissement de bonnes œuvres, car c’est vers Dieu que vous ferez retour, et Il vous éclairera alors sur l’origine de vos différences. » (S.5, la Table servie, v.48).
Face aux défis des fanatismes et des extrémismes de tous bords, les Croyants et les Humanistes de toutes les cultures et de toutes les religions ont pour tâche de rapprocher les Communautés et les Peuples.

Il ne s’agit nullement de s’enfermer dans un « idéalisme » coupé de la réalité,
… mais de bâtir des « ponts » … là où certains voudraient construire des « murs » !

La Paix est basée sur la sacralité de la vie :
l’Islam accorde une place considérable à la vie d’un être en tant que conscience mais aussi à l’ensemble des créatures.

Le Coran nous invite à travers une multitude de versets au respect et à la sacralité de la vie :
« Quiconque tue une personne (...) c’est comme s’il avait tué toute l’humanité » (S.5, la Table servie, v.32).

Le mot « Islam » vient de la même racine arabe que le mot « Paix » (Assalam) et le Coran réprouve la Guerre et la considère comme un événement anormal, contraire à la volonté de Dieu :
« Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Dieu l’éteint. Et ils s’efforcent de semer le désordre sur la terre, alors que Dieu n’aime pas les semeurs de désordre. » (Coran 5 : 64)

Et même lorsque la guerre ne peut être évitée, l’Islam considère il n’est pas permis de porter atteinte à ceux qui n’y participent pas ; comme il n’est pas permis non plus de tarir les sources, de couper les arbres, de tuer les animaux, d’incendier les biens.

Le respect de la dignité des prisonniers est une prescription divine. Au temps du Prophète, ces derniers pouvaient même racheter leur liberté en apprenant à lire et à écrire aux analphabètes !

L’équité et la justice s’imposent en toute circonstance :
« Allah ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables. » (Coran 60 : 8)

Le mot de la fin :
Nous, Musulmans de France, sommes pour un dialogue paisible et confraternel avec nos concitoyens de différents horizons.
Echanger avec l’autre, accepter et respecter sa conviction, s’ouvrir à son vécu, et construire avec lui l’avenir, …
telle est la mission que nous défendons avec obstination au sein du « Conseil Français du Culte Musulman ».
Nous sommes convaincus que l’émancipation de tout croyant dans un monde pluriel ne se réalisera pas en rejetant le blâme sur l’autre.
Le respect doit guider nos rencontres et nous permettre de créer une écoute sans jugements, permettant de dépasser les préjugés.
Nous voulons que notre démarche commune aujourd’hui soit un aiguillon qui montre que l’on peut construire tous ensemble un monde meilleur,
… basé sur la Paix et la Fraternité entre les Peuples.

25e anniversaire de la rencontre d’Assise à Paris