Bibliographie de Aron Jean-Marie Lustiger
Père Michel Sales
A propos de la bibliographie du cardinal Lustiger… Biographie, bibliographie… La plupart du temps le lecteur commence par lire les œuvres d’un auteur. Puis, s’il en a le loisir, il s’intéresse à sa biographie. Quant à la bibliographie il la laisse au chercheur…
Pourtant, quand on ouvre une bibliographie, on constate assez vite que ce livre dit quelque chose de son auteur, ici le cardinal Lustiger. Commençons par la couverture. Elle est très sobre : un titre, une signature. L’auteur est mort. Il ne nous reste de lui que son œuvre (pas seulement ses publications d’ailleurs, mais cela aussi). Il n’est plus là pour en parler. Rien ne lui appartient plus. Comme un poème, c’est l’œuvre d’une vie qui nous est livrée. A nous de la faire connaître, de lui donner suite.
Ouvrons maintenant l’ouvrage. La préface du cardinal Vingt-Trois met en évidence le travail du pasteur que fut Jean-Marie Lustiger. Don de la parole. On a encore dans l’oreille cette voix chaleureuse, familière, vigoureuse, que la maladie a rendue confidence, trahissant l’effort de qui a encore quelque chose à dire. Parole humaine qui se fait canal pour rendre vivante la seule vraie Parole, la Parole de Dieu, déclinée au gré des divers publics auxquels elle s’adresse, en fonction de ce que vivent les fidèles, dans l’instant unique où ils l’entendent.
Dans son introduction le père Michel Sales met en évidence la fermeté du propos, sa justesse. Il le fait en fils de saint Ignace, ce que n’était pourtant pas le cardinal. Puis Michel Sales s’efface pour nous livrer, en cadeau, un des très rares textes qui aient été rédigés pour être publiés, sans passer par l’oral : la préface au tout premier livre de Jean-Marie Lustiger, qui n’était alors que curé de Sainte-Jeanne de Chantal : Sermons d’un curé de Paris. Texte très travaillé dans sa simplicité. Texte fondateur. On y voit le statut de la parole, présenté par l’orateur lui-même. Et les derniers paragraphes montrent à quel point, pour le cardinal, l’art – autre domaine qui lui était cher – est un élément essentiel de la liturgie : le compositeur Henri Paget, le sculpteur Jean Touret viennent étayer la parole du prêtre. Servir la Parole de Dieu, c’est aussi cela.
Suivent quelques éléments de biographie. A peine une page. On y voit qu’Aron Lustiger est né un jour de la grande fête juive de Kippour, tout comme Édith Stein, pour mourir Aron Jean-Marie, la veille de la fête chrétienne de la Transfiguration : toute une destinée s’inscrit entre ces deux dates.
En vis-à-vis de cette page, unique illustration du livre, la dernière parole publique du cardinal nous est adressée : la plaque rédigée peu avant sa mort, pour être apposée sur un des piliers de Notre-Dame de Paris, là où précisément, le jeune Claudel, un siècle plus tôt, retrouvait une foi vivante. Après tant d’autres archevêques de Paris, la place du cardinal est ici, dans sa cathédrale. Sur cette plaque, tout est dit. Aron Jean-Marie s’inscrit dans la lignée d’une famille juive : à sa naissance il a reçu le nom de son grand-père paternel, Aron, nom du grand prêtre du premier testament ; devenu chrétien, il se choisit un « nom nouveau », qui le situe dans la droite ligne des apôtres. Il ne s’agit pas de conversion – tous ne l’ont pas compris– mais d’une rencontre unique avec la personne de Jésus-Christ. Le travail du dialogue judéo-chrétien franchit ici un pas décisif, même si toujours en devenir…
A la fin de l’épitaphe-testament, une simple adresse : « Passants, priez pour moi ». A l’heure où l’on célèbre le 850ème anniversaire de la cathédrale, cette très ancienne invocation, qui remonte au Moyen-âge, inscrit le cardinal comme simple mortel qui n’a plus besoin que de la prière du plus modeste des « passants ». On l’a connu autrement, dans ses heures de gloire ; on le retrouve ici, demandant humblement l’intercession de ses « frères humains », fidèles venus prier Notre-Dame, au pied de sa statue, ou touristes de passage… Gardons en mémoire cette dernière parole.
Puis vient le corps du livre : la recension elle-même. Dans cet austère alignement de références que voit-on ? Pasteur, le cardinal était aussi un homme d’action, un leader. Deux charismes que l’on a coutume de distinguer, voire d’opposer. A feuilleter simplement les pages, on découvre que dans une même semaine, parfois dans une même journée, il donne plusieurs homélies, intervient devant des publics les plus divers, en France et à l’étranger, participe à une émission de radio, répond à une interview... Fidèle aux rendez-vous hebdomadaires avec les auditeurs de Radio Notre-Dame, le cardinal, dans le même temps, s’engage pleinement dans la lutte pour l’enseignement catholique, prend position sur des questions d’éthique, œuvre pour la construction de l’Europe, fonde une chaîne de télévision, etc., ce qui lui laisse peu de temps pour siéger à l’Académie Française… D’autant qu’il voyage beaucoup : au fil des pages, à ne regarder rapidement que les noms propres, on trouve mention de discours prononcés en Afrique, en Amérique latine, aux Etats-Unis, en Israël, en Australie, comme en divers pays d’Europe. Il prêche une retraite aux étudiants de Cracovie comme aux bénédictines du Bec Hellouin –ce qui nous a valu La Promesse–, s’adresse aux séminaristes de France ou de Rome, encourage le travail des organistes ou des peintres, écrit un poème pour le Livre international de la paix, répond aux questions du modeste journal Le Lampadaire, s’adresse à la très jeune « Aurélie » dans Okapi et fournit de larges pages à de grands quotidiens français ou à L’Osservatore Romano dans les différentes langues où il est édité. Pourrait-on dire que « rien d’humain ne lui est étranger » ?
En bref, cette bibliographie, conçue d’abord et avant tout comme un outil de travail pour des étudiants et des chercheurs, peut présenter aussi une autre approche du cardinal, pour tout lecteur qui veut bien s’y attarder quelque peu. Après les trois premiers colloques organisés au Collège des Bernardins, les publications posthumes de l’Institut Jean-Marie Lustiger, le beau film documentaire de Jean-Yves Fischbach diffusé sur KTO en août dernier, et la vivante biographie d’Henri Tincq, cet ouvrage apporte un angle de vue différent et complémentaire. Dans son austérité même, il parle donc aussi à des non-spécialistes, bien que son objectif premier reste de susciter et soutenir de futurs travaux dans un avenir que l’on espère proche.
Marie-Christine Trogan, sfx
26 mai 2013
Bibliographie établie par Marie-Christine Trogan sfx
sous la direction du P. Michel Sales s.j.
Préface du cardinal André Vingt-Trois.
Paris, cerf, 2013
ISBN 978-2-204-09994-3 - Sodis 8296818 – 326 p. - 25 €
www.institutlustiger.fr