L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 30 janvier 2020
« La disparition progressive du dialogue n’est pas seulement un problème parmi d’autres. Il est LE drame de notre époque. On lui préfère aujourd’hui le slogan ou l’apparence de la rencontre qui revient à échanger des arguments sans jamais penser que l’autre puisse m’apprendre, m’enseigner, m’élever. » À écouter cette semaine : “Dialoguer…”, la chronique de Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, au micro de RCF.
J’entendais ce matin même un représentant des avocats se désoler qu’en fait de dialogue il n’y ait qu’un monologue auquel, disait-il on n’avait d’autre alternative que se plier ou être dénoncé comme factieux.
Et si l’absence de dialogue ou en tout cas sa disparition rapide dans notre mode de fonctionnement, de gouvernement, était le signe d’un changement radical de société.
Sans vouloir faire le malin, force est de constater que le dialogue puise sa raison d’être dans un prise de conscience initiale. Dès le commencement, Dieu se met à dialoguer avec l’homme. Ce n’est pas l’homme qui entame la conversation mais Dieu qui ne cesse de la susciter : de la Genèse quand le Créateur parcourt son Jardin à la recherche de nos premiers parents, jusqu’aux paysages de Galilée et de Judée traversés par Jésus qui sans cesse interroge et interpelle ceux qu’il croise, le dialogue est partout présent !
Mystère étonnant de Dieu qui cherche ainsi le chemin de chacun de nos cœurs, la rencontre avec chacune de nos intelligences…
Ce n’est pas l’Église qui a inventé cela : elle ne fait que le constater, ou plutôt l’expérimenter. Ce n’est pas que l’homme a besoin de dialoguer, c’est son essence même. L’homme est dialogue. Dialogue intérieur entre son Créateur et lui. Dialogue extérieur avec d’autres. Peu importe. Mais dialogue toujours. Faute de quoi il se dessèche, il perd son sel, pour ne pas dire son âme. Il parle seul et se retrouve seul.
La disparition progressive du dialogue n’est pas seulement un problème parmi d’autres. Il est LE drame de notre époque. On lui préfère aujourd’hui le slogan ou l’apparence de la rencontre qui revient à échanger des arguments sans jamais penser que l’autre puisse m’apprendre, m’enseigner, m’élever.
On pourrait rêver qu’avant chaque rencontre entre ministres et syndicalistes on prenne un temps d’échange, on dialogue sur, par exemple, la société que chacun appelle de ses vœux. Et qu’on s’écoute les uns les autres, sans sourire intérieurement en se pensant supérieur mais en s’intéressant vraiment à ce qui est dit, et à ceux qui le disent. On n’a jamais autant parlé de respect et jamais en fait autant méprisé l’opinion différente. Et nul n’a l’apanage de cet orgueil stérile.
Je me dis que, peut-être, tout cela est un peu dû à la manière dont l’Église a aussi cessée dans notre pays de regarder le monde avec un intérêt vrai et dont nous, baptisés, nous nous sommes fatigués de chercher à suivre en cela l’exemple du Christ pour trouver une posture moins inconfortable. Oui, nous avons notre part de responsabilité dans tout cela.
Mais il n’est pas trop tard pour nous convertir personnellement et communautairement. Et réapprendre ainsi en nous laissant rencontrer davantage par le Christ, à entrer en dialogue avec la foule immense de ceux qui cherchent une parole mais qui ne savent vers où se tourner pour en trouver une digne de confiance.