L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 6 février 2020
« Et si, en fait, au lieu de ne parler que de ce qui nous angoisse et de nourrir ainsi l’anxiété morbide qui s’empare de notre monde, nous faisions l’effort de parler de ce qui nous fait vivre ? » À écouter cette semaine : “Qu’est-ce que la vérité ?”, la chronique de Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, au micro de RCF.
Le Taiwan News, quotidien de l’ennemi irréductible de la puissante République Populaire de Chine, publie des chiffres effrayants de la contamination du coronavirus. Démentant les statistiques officielles de Pékin et plongeant du coup bien des observateurs dans une stupeur à la fois incrédule et anxieuse.
Comment savoir ? C’est bien le mal de l’époque où, noyés sous des fleuves d’informations, nous ne savons finalement plus reconnaitre notre droite de notre gauche. Le doute s’empare désormais systématiquement de nous.
Je me souviens avec une émotion profonde des discussions que j’écoutais, enfant, des grandes personnes, comme on disait alors pour parler des adultes. J’aimais les entendre à la table familiale commenter l’actualité en citant notamment le journal où la radio auxquels ils puisaient leur connaissance du sujet. Connaissance par ailleurs enrichie de leur propres cultures et d’un bon sens somme toute assez convaincant. Mais le journal faisait foi : l’information était une référence. Et, sans être dupe, on croyait raisonnablement à la parole dite ou aux écrits imprimés.
Il y a de la nostalgie dans ces souvenirs : aujourd’hui tout ce qu’on sait c’est qu’on ne sait rien. Le doute est systématique, pour ne pas dire systémique et les discussions s’arrêtent vite en un soupir désabusé ou une saillie humoristique le plus souvent un peu désespérée…
Comment croire en la parole d’un autre lorsque soi-même on en vient à ne plus savoir qui on est ?
Comment faire confiance lorsqu’on sent sa propre vie si ballotée et si incertaine dans ses fidélités et le cap à tenir ?
Pour en revenir à la guerre des chiffres à laquelle se livrent les deux Chines, je ne me hasarderais pas - et d’ailleurs par quelle autorité le ferais-je ? – à déterminer le vrai du faux. Mais sur cette question potentiellement tragique, il me revient plutôt de demander « à qui devons-nous faire confiance pour assurer notre existence ? ».
En constatant chaque jour combien il est devenu ardu d’y voir clair dans notre monde, pourquoi ne pas du coup choisir de se recentrer davantage sur Celui qui s’y révèle comme la lumière véritable ? Non pas en se désintéressant de la vie quotidienne et du temps présent, mais en choisissant de s’y investir guidé par cette lumière-là. En renonçant ainsi à être fasciné par ce qui nourrit la peur mais en regardant résolument vers ce qui donne sens à la vie.
Et si, en fait, au lieu de ne parler que de ce qui nous angoisse et de nourrir ainsi l’anxiété morbide qui s’empare de notre monde, nous faisions l’effort de parler de ce qui nous fait vivre ? Sans angélisme, mais au contraire avec responsabilité. Celle de ceux qui savent que si nous ne pouvons supprimer dès maintenant le mal et la mort de notre horizon, ils sont l’un et l’autre vaincu par Celui qui nous éclaire et ouvre pour nous le chemin.