L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 2 juillet 2020
RCF – 2 juillet 2020
Réagissant aux tensions autour de la statue du roi saint Louis, dans le Missouri, aux États-Unis, Mgr Benoist de Sinety évoque la non-violence comme unique et authentique chemin de sainteté.
"La porte vers l’Ouest" : au confluent du Missouri et du Mississippi, des commerçants et colons français fondèrent en 1764 la ville de Saint-Louis. Non loin de la Louisiane dont le nom rappelait celui de Louis XIV, ce sont d’abord d’humbles missionnaires qui établirent les fondations d’une cité qui est aujourd’hui en taille la 19e ville des États-Unis, avec près de trois millions d’habitants.
Il y a bien longtemps que les Français ont quitté ces vastes territoires vendus par le consul Bonaparte en 1803 pour la modique somme de 15 millions de dollars. C’est de là que partira la conquête de l’Ouest trois ans plus tard et que la ville qui compte alors 1.000 habitants va devenir un des plus forts lieux de peuplement du jeune pays. Pourquoi évoquer Saint-Louis ce matin ? Parce que dans cette ville démocrate, où les Noirs représentent 49% de la population, dans cette ville où 27% vivent dans des conditions de très grande pauvreté, il s’est passé un évènement déroutant en ce 28 juin 2020.
Des paroissiens venus nettoyer la statue équestre représentant saint Louis, taguée par des voyous, et prier pour la paix entre les communautés ont été violemment pris à partie et insultés par des groupes extrémistes noirs, partis en guerre contre la figure raciste et esclavagiste dont il semblerait, pour ces historiens amateurs, que Louis IX soit une figure de proue.
Il faut avouer que le procès fait à l’inventeur du principe de présomption d’innocence est un peu déroutant : sans doute que les bruyants zélateurs auraient mieux fait de respecter ce principe érigé par saint Louis et appelé "la quarantaine du roi", qui ordonne avant de partir en guerre de prendre un temps de 40 jours pour réfléchir au bien-fondé de la démarche.
On voit bien comment notre époque verse progressivement dans une forme de sauvagerie où les images de violences en appellent d’autres, plus fortes, en retour. Difficile de garder le cœur en paix lorsqu’on entend les cris injustes des assaillants et que l’on voit quelques paroissiens silencieux et immobiles se faire bousculer et frapper sans aucune raison. Difficile de ne pas entendre au fond de nos cœurs siffler ce petit mot de "vengeance !", comme la seule attitude possible.
Et pourtant… À y regarder de plus près, dans le regard de ceux qui sont victimes de la brutalité et qui choisissent de ne pas y répondre par autre chose que la force tranquille de la présence immobile, priante et bienveillante, comment ne pas entendre pour nous-même un appel ? "Là où est la haine que je mette l’amour" : il n’y a pas d’autre solution que celle-là. En tout cas, si l’on veut œuvrer pour le Royaume.
Il fut un temps aux États-Unis où les grandes figures de la lutte anti-apartheid étaient deux chrétiens : un pasteur et un sénateur, Martin Luther King et Robert Kennedy. Ils furent assassinés la même année après avoir tous deux, à leur manière, prôné la non-violence comme seul chemin de vie dans le chaos du monde et de ses injustices. On pourra toujours dire, cynique, que cela ne leur a pas trop réussi. De même pour Gandhi.
Cela revient à penser que Jésus sur la croix a échoué dans sa mission et que le peuple des martyrs n’était composé que de doux rêveurs inefficaces. On peut aussi se décider à prendre le risque de croire à l’Évangile et de considérer qu’il est plus que temps que envisagions cette question de la non-violence comme un authentique chemin de sainteté et comme le seul lieu véritable du témoignage dans nos sociétés malades de la violence qu’elles engendrent et ne peuvent plus juguler. Et si ce chemin devenait le nouvel horizon à découvrir ?
Source : https://rcf.fr/la-matinale/etats-unis-retrouver-le-chemin-de-la-non-violence