L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 29 octobre 2020
RCF – 29 octobre 2020
Mgr Benoist de Sinety revient sur l’annonce du reconfinement qui nous invite à faire preuve de fraternité.
"Avant la fin de la lumière, nous te prions Dieu créateur, pour que, fidèle à ta bonté, tu nous protèges, tu nos gardes…" Sous les voûtes de l’église de l’abbaye St-Guénolé, à Landévennec, en Bretagne, la douce prière montait hier soir vers le Ciel, portant humblement les paroles du Président et surtout le désarroi et l’inquiétude de tous ceux auxquels il s’adressait.
Nous voici donc une nouvelle fois convoqués à nous retirer en nos habitations. Certes de manière moins martiale, mais tout de même. D’autres prendront plaisir à commenter à loisir le bien-fondé d’une telle décision. Je n’en ai ni la capacité, ni le désir. Ce qui ne m’empêche pas d’être tout de même sidéré par deux choses. La première, c’est cette capacité qu’ont nos appareils mobiles et nos ordinateurs à nous rendre agressifs devant toute parole d’autorité et à nous faire croire que nos connaissances valent celles d’un chef d’État, voire pour les croyants, du Pape lui-même.
La seconde c’est la pénible théâtralité de la communication politique qui fait savamment fuiter l’info pour établir une ambiance anxiogène qui satisfait les courbes d’audience mais beaucoup moins le sérieux du face-à-face qu’un pays instruit est en droit d’attendre de ceux qui le dirigent.
Mais revenons à ce mouvement que l’on nous demande d’observer afin de donner plus de chances à ceux qui soignent de travailler et à ceux qui souffrent d’être soulagés. À l’heure où la foi est relayée à la vie privée et où l’on demande de plus en plus fermement au croyant de faire le moins possible état de son Espérance, voici qu’en nous invitant à nous enfermer chez nous, on nous renvoie à l’Essentiel.
Au siècle précédent, on invoquait des larmes et du sang. Maintenant il est question de patience et de fraternité. Que peut faire le croyant au cœur de ce chaos d’où émerge cependant des rayons de lumières. Bien sûr certains souriront, entendant que tout cela est fait pour protéger les plus fragiles, en pensant à certains projets de loi qui les mettent objectivement en péril. Bien sûr certains soupireront en trouvant désastreux qu’au nom de la santé, on "reconfine" un pays où la crise économique s’annonce d’ores et déjà catastrophique. Mais quoi, aurait-on voulu qu’à ces projets de lois mortifères, qu’à ces victimes de la crise qui déjà se manifeste, on ajoute d’autres catastrophes ?
Pour nous, baptisés, voici que vient le temps de passer à l’action : plutôt que de ne nous focaliser que sur le maintien des célébrations publiques, que chacun commence à rêver à la manière dont il pourra permettre à sa vie de rayonner de la grâce de l’Eucharistie si souvent reçue en communion. Comment agir désormais, davantage, pour que la Charité du Christ qui s’unit à moi dans chaque communion, porte du fruit pour mes frères ?
Des gens souffrent à nos portes, d’autres plus nombreux souffriront demain. Beaucoup pensent que les ténèbres qui s’établissent sur notre avenir commun risque de nous étouffer et retrouvent les vieilles peurs gauloises du ciel qui tombe sur la tête. Nous voici face à l’ennemi implacable, la mort, dont on avait voulu nous faire croire qu’il ne fallait plus nous soucier, et qui revient, brutale et laide.
Dans l’encyclique Fratelli tutti, que nous aurions tous grand bénéfice à lire, le Pape nous y exhorte : nous savons qu’un monde nouveau existe, il s’appelle la Jérusalem céleste, le Royaume des cieux. Il est le rêve de tout homme. Et c’est à nous que revient la mission de le rendre accessible à tous. Non pas simplement pour demain mais dès aujourd’hui. Que nos Pater et nos Ave soient le ciment de notre agir. Pour que la prière des moines qui ne cesse de monter porte du fruit à travers nous, et du fruit en abondance. Et que ce rêve consume les cauchemars que nos indifférences entretiennent.
Source : https://rcf.fr/la-matinale/confinement-l-heure-de-reveler-sa-foi