L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 12 novembre 2020
RCF – 12 novembre 2020
À travers l’histoire personnelle de Charles de Gaulle et de sa fille Anne, porteuse d’une trisomie 21, Mgr Benoist de Sinety souligne l’importance de l’acceptation d’un tel handicap.
"Mon tout petit" : il n’y a pas un épisode de la série consacrée à Charles De Gaulle et diffusée ces jours-ci à la télévision, dans lequel ces mots ne reviennent pas.
On connaissait l’homme de l’appel du 18 juin, du "je vous ai compris", et de bien d’autres paroles gravées dans la mémoire de notre histoire nationale. Mais c’est ce murmure que, désormais, je retiendrais.
"Mon tout petit" : et c’est le corps immense d’un homme devenu légendaire qui s’incline devant cette enfant, Anne, qui l’accompagne et le soutient au-delà de la mort. Outre le formidable jeu d’acteur des comédiens, et l’émotion ressentie de voir sur un écran une page de l’histoire contemporaine à beaucoup, il y a cette jeune fille morte à 20 ans, au nombre de chromosomes supérieur à la plupart d’entre nous. Sentiment déroutant que sans cette enfant singulière, le père n’aurait été l’homme qu’il fut et que notre histoire en eut certainement été marquée, irrémédiablement.
En ces temps où certains rêveraient de pouvoir réécrire l’Histoire justement, il est rassérénant qu’on souligne ainsi la place près du géant, de celle qui lui faisait chanter des comptines naïves et retrouver des gestes enfantins de tendresse.
Quel bonheur qu’en notre époque où le handicap, sitôt diagnostiqué par les médecins, ouvre aux parents qui espèrent un chemin de combat, oui quel bonheur en un temps où tant d’efforts sont déployés pour les convaincre de ne pas accueillir cette vie qui prend forme, quel bonheur qu’un téléfilm puisse enfin porter au grand jour le caractère irremplaçable dans notre société, de ces frères et sœurs qui, d’une manière humble et essentielle, humanisent notre monde.
Cette "toute petite" que fut, pour son père, Anne de Gaulle, rappelle à celui qui veut bien ouvrir les yeux, combien nos ambitions pour demain ne trouveront leur sens, qu’en acceptant de les laisser accompagner par ceux qu’on présente comme un problème, en oubliant qu’en fait, le problème vient de nous.
On estime qu’en France 96% des grossesses ayant donné lieu à un dépistage de la trisomie par des diagnostics prénataux, sont interrompus. Je ne sais quelle aurait été ma réaction si j’avais été dans ma chair confronté à cette annonce.
Mais ce dont je suis certain c’est que l’histoire, grande ou petite, est toujours dépendante de la manière dont nous acceptons ou pas d’ouvrir notre définition de la normalité, à la dimension du cœur de Dieu. Comme Charles et Yvonne de Gaulle, combien sont-ils ceux qui ont ainsi accepté que ces "tous petits" puissent les accompagner et entretenir dans la froideur de l’existence quotidienne, la chaleur de l’Amour ? Et n’y a-t-il pas là un message pour notre temps ?
Source : https://rcf.fr/la-matinale/mon-tout-petit