L’édito de Mgr de Sinety du 14 novembre 2019
« Chaque jour des églises sont forcées, des tabernacles parfois fracturés et le Saint Sacrement profané. Et chaque jour aussi on meurt en Syrie, en Irak ou ailleurs : ce qui est vivant dans l’Église est par nature ce qu’il faut mettre à terre. ». À écouter cette semaine : “Au cœur du feu : la tendresse”, la chronique de Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, au micro de RCF.
Il y a quelques jours, en Mésopotamie syrienne, le Père Joseph-Ibrahim Bedoyan, prêtre arménien catholique particulièrement actif sur l’accueil et la protection des réfugiés dans son pays, était assassiné. Le même jour, trois explosions visaient des églises des environs.
Je ne connaissais pas cet homme, pas plus que je ne connais la multitude de ceux qui périssent, victimes de la lâcheté des fous de Dieu sanguinaires. Mais je voudrais m’arrêter sur le prénom de ce frère : Joseph-Ibrahim. Il résume à lui seul bien des choses de notre foi : Joseph, gardien de ses frères conclut le cycle dit des Patriarches dans le livre de la Genèse, qui s’ouvre par le récit d’Ibrahim, d’Abraham, Père de tous les croyants car il fut le premier à répondre et à se mettre en route.
Voilà donc de nouveau le sang d’un martyr, versé par amour pour ses frères et pour sa foi en Jésus Christ…
Il y a quatre ans, j’étais alors curé de paroisse à Paris et je célébrais les obsèques de trois jeunes tombés sous les balles d’autres criminels, terroristes à l’âme noire. Nous étions tous sidérés, bouleversés : les grandes déclarations solennelles se succédaient sur l’air du « plus jamais ça ». Et puis il y en eut d’autres. En France et partout. Les gouvernements se succèdent, les chefs se succèdent, mais la bête immonde demeure et frappe. Elle frappe d’autant plus durement que nous sommes comme anesthésiés devant cette réalité : au-delà des joies éphémères et des plaisirs des sens, il y a ce combat que livre le Mal pour effrayer les hommes et les séparer de Dieu.
Nous en avions évacué l’idée de nos consciences, trop heureux de jouir du monde et de ses ressources… peuples agrippés à ce que le progrès lui procure de beau et de bon et trop inquiet de tout perdre !
Chaque jour des églises sont forcées, des tabernacles parfois fracturés et le Saint Sacrement profané. Et chaque jour aussi on meurt en Syrie, en Irak ou ailleurs : ce qui est vivant dans l’Eglise est par nature ce qu’il faut mettre à terre. Un prêtre ou des baptisés qui refusent la logique de la guerre et qui veulent prendre soin du prochain et restaurer l’Espérance, la présence humble et enfouie de l’hostie dans le tabernacle : autant de menaces pour ceux qui ne rêvent que de sang et de larmes. La seule résistance, ou plutôt la seule manière de témoigner de ce que la Vie doit être, c’est donc pour nous de continuer l’œuvre combattue et d’être dans le monde ceux qui sont frères de tous, porteurs pour eux de la nourriture véritable, gage de la Vie sans fin.
Cela va peut-être vous paraitre incongru mais il y a cette chanson de Marie Laforêt, disparue récemment, et qui pourrait, pourquoi pas ?, nous inspirer dans les choix de ce jour : choisir d’aimer, et de se laisser aimer, tout simplement…