L’édito de Mgr de Sinety du 14 mars 2019
« Quels que soit la folie qui saisisse le monde et les crimes dont les hommes se rendent coupables, Dieu ne cesse d’appeler des faibles et des petits pour porter en leur chair la présence d’un Amour qui dépasse tout. ». À écouter cette semaine : "Une journée ordinaire dans la vie d’un prêtre". Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, donne son regard sur l’actualité au micro de RCF.
Ils sont là, une bonne quinzaine. Jeunes gens de toutes sortes de familles, d’éducations, aux parcours si variés et apparemment si peu compatibles. Et pourtant ils sont là, souriant en ce petit matin frais et parisien : ils attendent, assis paisiblement sur les bancs de cette église du nord de Paris édifiée en mémoire du passage de Jeanne d’Arc. Nous commençons en chantant d’une voix pas toujours bien assurée les psaumes qui disent les espoirs et les souffrances du monde, et sa prière aussi.
Ainsi la journée commence, gonflée par le vent qui repousse les tempêtes. Une visite dans le nord de Paris, à la rencontre de ceux qui cherchent à vivre et proclamer l’Evangile de Celui qui est venu pour les malades et les pêcheurs, pour les pauvres et les migrants, pour les rejetés et les sans-espoirs.
Entre deux églises et deux découvertes, nous nous arrêtons rue de l’Evangile devant le dernier calvaire dressé dans la capitale, au bord du périphérique. Un des jeunes dit : "fermez les yeux, vous entendez le bruit des champs et des vaches ? Vous sentez les odeurs du foin et du fumier ?". On resterait les yeux fermés si les moteurs des bus et les odeurs de la grande ville ne venaient combattre les rêves naissants.
La marche reprend, intemporelle : là, un campement sauvage de migrants, juste après la colline au crack, avant le boulevard des prostituées... et je me dis, regardant ceux qui cheminent avec moi : "c’est vous les amis qui un jour irez leur annoncer que Dieu les aime. C’est vous qui un jour aurez à leur en donner le témoignage vivant"...
D’un carrefour à l’autre, les échanges se font avec plus de naturel : "comment cela sera-t-il possible ? Comment trouverons-nous la force ? Comment ?"... question co-éternelle à tout appel à servir.
Comment être celui que je dois être ? Comment vivre en homme et en chrétien ?
Nulle recette sinon le partage de ce désir d’y parvenir, au-delà de nos chutes et de nos limites. Avancer en frères, murmurant les psaumes de la vie, regardant ensemble notre monde avec compassion et humilité. Décider que nous ne sommes pas disciples de la Force mais de la Faiblesse, de la Puissance mais de l’Impuissance. Refuser le culte du résultat et de la réussite mais aimer la pauvreté du réel dans laquelle se déploie le divin.
La journée s’écoule et déjà le soir vient. Ultime église, derniers psaumes chantés. Derniers échanges et puis ceci : l’un d’eux prononce ces mots simples et limpides : "Seigneur je te remercie pour ces beaux visages de prêtres et de pasteurs que tu nous as fait rencontrer aujourd’hui".
Et moi je pense qu’un jour, dans vingt ou trente ans, d’autres jeunes hommes feront leur, cette action de grâce à leur sujet. Car, quels que soit la folie qui saisisse le monde et les crimes dont les hommes se rendent coupables, Dieu ne cesse d’appeler des faibles et des petits pour porter en leur chair la présence d’un Amour qui dépasse tout.