L’édito de Mgr de Sinety du 17 janvier 2019
« Le seul risque que nous devions courir aujourd’hui, le défi redoutable qui se pose à nous tous est celui de la fraternité. On ne peut pas éternellement se prévaloir de l’Évangile et ne pas chercher à l’appliquer lorsque l’occasion nous est donnée. » À lire ou écouter : « La fraternité au salon de coiffure ». Chaque semaine, Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, donne son regard sur l’actualité au micro de RCF.
Un salon de coiffure un jour de semaine : quelques instants de liberté, personne ou presque à l’intérieur. Je rentre : "c’est possible maintenant ?". "Oui". Je prends place. Une employée commence à agiter ciseaux et tondeuse au–dessus de mon crâne. Plutôt que de contempler mon reflet dans la glace, je prends machinalement mon téléphone et commence à lire des mails. Elle me dit doucement : "vous ne trouvez pas qu’ils sont beaux ?".
Je lève les yeux, étonné : de qui s’agit-il ? Qui sont ce "ils" ? Au fond du salon, un couple âgé. Il lit tranquillement un journal avec une loupe pendant qu’elle se fait refaire une beauté. Chacun à son occupation ils se tiennent cependant par la main, sans ostentation, sans bruit, sans déclaration intempestive. C’est vrai qu’ils sont beaux ces vieillards au bout de 50 ou 60 ans de mariage… Mais c’est surtout ma coiffeuse qui a le regard bon de pouvoir ainsi repérer ce qui est beau dans un salon vide.
En reprenant mon chemin, dégagé d’une chevelure superflue, je repense à notre Grand Débat National et à tout ce qui agite nos cœurs en ce moment de tension… Et si, plutôt que de nous focaliser sur nos inquiétudes et nos colères, nous cherchions à entendre d’autres voix que la nôtre, à contempler d’autres vies que la nôtre, à nous préoccuper d’autres personnes que de de la nôtre… ? Oui, si chacun se préoccupait de connaitre les attentes et les soucis de celui qui est plus vieux, plus fatigué, plus pauvre que lui ? Si plutôt que d’exposer avec plus ou moins de violence nos propres turpitudes nous permettions à celui qui a moins de voix que nous de nous confier ce qui l’inquiète, le révolte ou le blesse ? Ne pas être nos porte-paroles, mais plutôt le porte-voix de mon frère.
Oh, on pourra toujours se gausser en trouvant l’idée angélique et peut être un peu niaise : je pense plutôt que le seul risque que nous devions courir aujourd’hui, le défi redoutable qui se pose à nous tous est celui de la fraternité. On ne peut pas éternellement se prévaloir de l’Evangile et ne pas chercher à l’appliquer lorsque l’occasion nous est donnée ainsi : se mettre à l’écoute de mon frère et permettre qu’il soit entendu… Ce défi de la fraternité, quel chrétien pourrait refuser de l’affronter ?