L’édito de Mgr de Sinety du 25 octobre 2018
« À ceux qui, à juste titre, sont horrifiés, déboussolés, dégoûtés des horreurs et des scandales qui nous atteignent, à ceux qui sont pris de vertige devant ce voile qui se lève, [je dis] ne cédez pas au piège de l’injuste confusion. ». À lire ou écouter. Chaque semaine, Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, donne son regard sur l’actualité au micro de RCF.
Pourra-t-on me pardonner ce matin ce que d’aucuns dénonceront comme un réflexe corporatiste ? Je prends ce risque, sachant bien au fond de moi combien ce sentiment m’est étranger et combien les crimes de quelques-uns saignent le corps entier des marques de l’infamie.
Je voudrais simplement trouver les mots justes pour dire combien, s’il est juste de ne jamais passer sous silence le mal et de toujours le dénoncer, s’il est juste de prendre le temps d’écouter, d’accueillir et de reconnaître la souffrance des victimes, il est juste aussi de ne pas jeter aux chiens, comme le disait il y a quelques années un ancien président après le suicide de son premier ministre, l’honneur de tous à cause de quelques-uns.
Humblement donc, de la place qui est la mienne, celle d’un homme pécheur qui essaye d’être chrétien dans sa mission de prêtre, je voudrais dire ceci : à ceux qui, à juste titre, sont horrifiés, déboussolés, dégoûtés des horreurs et des scandales qui nous atteignent, à ceux qui sont pris de vertige devant ce voile qui se lève, ne cédez pas au piège de l’injuste confusion.
Oui il y a certainement fort à faire pour relever dans nos pays d’Occident en particulier, l’Église dont les murs se lézardent, dont les colonnes semblent si fragiles. Oui, il est nécessaire que chacun s’interroge sur nos responsabilités collectives et personnelles qui ont favorisé les déviances et le mal. Oui, il est indispensable de venir au secours des victimes et de le rapporter tout le soin dont elles ont besoin. Mais ne fermons pas nos cœurs, nos oreilles, à tous ceux qui entendirent un jour l’appel à consacrer leur vie au service de leurs frères et de l’annonce de l’Évangile. Ils cherchent, comme le disait Saint-Augustin, au-delà et avec leurs faiblesses et leurs grâces, à être avec vous des chrétiens et pour vous des prêtres. Ils n’en sont pas moins hommes.
Puisque je suis l’un deux, je sais aussi à mon petit niveau quelles sont les joies de cet appel et quels en sont les défis. Le prêtre n’est pas là pour commander en maître, il est là pour servir. Pour servir votre joie, pour servir l’avènement du Royaume. Deux d’entre nous ont décidés ces dernières semaines de mettre fin à leurs jours. Je ne les connaissais pas et je ne sais pas quelles étaient leurs difficultés et leurs angoisses. Ce qui me sidère, c’est ce sentiment de solitude extrême qu’ils ont dû partager. Ils ne sont pas les seuls à être parfois saisis de ce vertige mortel. Dans toutes les conditions, dans tous les ministères, dans toutes les missions, cela peut arriver. Mais c’est qu’alors nous oublions de vivre à la manière dont le Christ nous convoque à vivre : c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde vous reconnaîtra pour mes disciples. Cet amour n’exempte pas de la justice. Au contraire ! Cet amour est d’abord un « prendre soin ». Oui prenons soin les uns des autres par la prière, par les actes, et par l’éducation de notre langue. Ainsi, et ainsi seulement, l’Esprit du Christ pourra expulser les démons de la division et nous ramener au chemin de la Vie.