L’édito de Mgr de Sinety du 28 novembre 2019
« Soldat : il est des professions qui portent en elles une forme de transcendance. Ainsi en est-il aussi du paysan, de l’instituteur, de l’infirmière... Et ce n’est pas pour rien qu’on y attache aussi, souvent, l’idée de « vocation » : servir son pays, servir sa terre, servir ses concitoyens… » À écouter cette semaine : “Debout les morts”, la chronique de Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, au micro de RCF.
« A ces héros tombés pour notre pays, nous devons tous notre infinie gratitude » déclarait aussitôt le Premier Ministre. En ce lundi, ils sont treize à avoir perdu la vie dans une région que tous ignoraient et dont le nom désormais résonnera pour leurs familles de ces trois syllabes lugubres : Liptako, au Mali. Là sévissent des criminels qui sont entrés en guerre contre tout ce qui n’est pas eux.
Depuis sept ans nos armées envoient dans cette région, Mali, Niger, Burkina, des milliers de soldats auxquels on demande l’impossible et qui acceptent de le faire avec courage et vaillance. Au risque de mourir.
Il y aura un hommage national, des minutes de silence, il y aura des discours et bien des commentaires. Treize vies d’hommes : au choc de la nouvelle succèderont les bavardages habituels. Avant qu’un match de football ou un fait divers crapuleux nous entrainent collectivement dans une nouvelle période d’aphasie.
Soldat : il est des professions qui portent en elles une forme de transcendance. Ainsi en est-il aussi du paysan, de l’instituteur, de l’infirmière... Des métiers de toujours qui se teintent, dans le modernisme furieux de l’époque, d’une certaine désuétude. Et ce n’est pas pour rien qu’on y attache aussi, souvent, l’idée de « vocation » : servir son pays, servir sa terre, servir ses concitoyens…
Petit-fils d’officier, témoin dans ma famille, mes amis et chez de nombreux étudiants dont je fus l’aumônier de l’élan qui habite le cœur de celui qui se destine à cette carrière et qui y entre enfin, je ne peux que rendre grâce pour la générosité que l’Esprit Saint dépose dans les cœurs de ceux-ci, et prier pour les morts en confiant leurs proches à la tendresse de Dieu.
Mais ces vocations ne sont-elles pas aussi germes d’Espérance ? « Debout les morts ! » cet appel qui éclata au cœur des batailles de la Meuse en 1915 pour galvaniser des hommes encerclés par l’ennemi, vient une nouvelle fois affronter les peurs du repli dans lequel trop de nos contemporains gisent aujourd’hui.
« Debout les morts ! » car s’il en est qui meurent pour nous, c’est que nous avons quelque chose à vivre.
« Debout les morts ! » car ce que démontrent les hommes qui tombent dans le feu de la guerre, c’est que la vie à un prix.
Nous ne sommes pas créés pour vivre, vautrés dans nos canapés, à ressasser nos problèmes et égrener nos regrets. Nous sommes créés pour vivre debout, ensemble, emplis de désirs et d’ambitions. Non pas pour nous-mêmes mais pour autrui.
Les sables du Mali aveuglent-ils à ce point nos mémoires ? Obscurcissent-ils notre vision du jour qui vient ? Entendrons-nous le murmure du vent qui porte, tel un souffle, l’appel à nous relever et à bâtir un monde de justice et de paix ?