L’édito de Mgr de Sinety du 4 avril 2019
« Quoi de mieux pour se sentir en sécurité que de se bâtir un beau château. A condition toutefois d’entourer celui-ci d’une enceinte épaisse et solide, faute de quoi le risque est grand que la beauté et le lustre du palais n’attire les regards et ne fassent des envieux… » À écouter cette semaine : « Ceux qui construisent les murs, finiront prisonniers des murs qu’ils construisent » . Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, donne son regard sur l’actualité au micro de RCF.
Quoi de mieux pour se sentir en sécurité que de se bâtir un beau château. A condition toutefois d’entourer celui-ci d’une enceinte épaisse et solide, faute de quoi le risque est grand que la beauté et le lustre du palais n’attire les regards et ne fassent des envieux… Il faut se protéger : logique qui ne connaît aucune limite et ne souffre aucun laxisme : les murailles sont alors couvertes de barbelés, surveillés par des caméras. Des pièges divers découragent l’approche : fossés, douves, pieux, tout est bon pour éprouver et décourager les plus persévérants. Que rien ne vienne troubler la vie des habitants : après tout ils ont bien gagné le droit de profiter de la vie et qu’y peuvent-ils si le monde est injuste et si partout les hommes ne bénéficient pas du même accès aux biens de cette terre, aux soins et à l’éducation ? Peuvent-ils à eux seuls soulager la misère du monde ? Mais le malheur s’acharne : de loin, ils continuent de rêver au château, même s’ils devinent qu’il y a, même là, des différences entre les maîtres et les valets, et qu’il en est aussi qui souffrent et qui suent dans les communs et sous les toits.
Il faut dire que les images que les habitants de la noble demeure ne cessent de tourner d’eux-mêmes donnent le tournis. Tout heureux de leur situation, ils deviennent les sujets favoris de leur narcissisme et ne cessent de renvoyer au monde entier le signal de leur richesse, de leur jouissance et de leurs appétits. « Ceux qui construisent les murs, finiront prisonniers des murs qu’ils construisent » dit simplement le Pape l’autre jour au Maroc.
Appelant les migrants comme les pays d’accueil à se conduire de manière responsable car il n’est facile pour personne d’entrer dans une culture qui lui est étrangère… Loin des slogans impuissants de tant de nos politiques ou de leur silence coupable. A la fin de l’histoire, les habitants du château, tellement peureux devant le monde, finissent par payer des mercenaires pour faire la police à leur frontière. Ils se donnent bonne conscience, se contentant de payer sans se soucier des crimes commis. Et ils s’offusquent ces beaux esprits, lorsque des migrants, rescapés du naufrage, détournent le cargo qui leur avait porté secours et qui devait sur nos ordres, les ramener en Lybie. En Lybie… en sommes- nous arrivés là ? Et cela sans que personne ne trouve au moins dérangeant cette manière de faire ?
Où sont-ils ceux qui évoquent les racines chrétiennes de notre continent pour tolérer qu’en leur nom on déporte et réduise en esclavage des hommes, dont beaucoup sont eux aussi d’ailleurs baptisés, qui n’ont commis aucun autre crime que celui de vouloir approcher de la terre où nous vivons ?