L’édito de Mgr de Sinety du 4 juillet 2019
« On pourrait surtout se rappeler les uns aux autres que le fait d’être en désaccord ne fait pas de l’autre un monstre, un traître ou un salaud : c’est déjà un bon principe de base dont il est toujours étrange qu’il faille le rappeler à des disciples du Christ. ». À écouter cette semaine : « Quand les réseaux sociaux nous poussent à ne pas échanger en hommes ». Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, donne son regard sur l’actualité au micro de RCF.
Sans doute avez vous fait vous aussi cette expérience un peu pénible de publier sur votre page Facebook par exemple un post, comme on dit, parce qu’il vous semblait important de le partager avec ceux qui se présentent d’une manière souvent un peu légère comme vos "amis". Lorsque le sujet est brûlant, qu’il couvre un point d’actualité par exemple, les réactions ne se font pas attendre.
En disant cela, je pense que, au point où nous en sommes dans cette merveilleuse aspiration de chacun à dire ce qui lui passe par la tête, il n’est pas impossible que la publication de la recette de la tarte aux prunes ne suscite elle aussi quelques réactions farouches que ce soit des intégristes qui exigent la non-utilisation de toute matière animale (œufs, lait) dans la cuisine, mais aussi de ceux qui prétendent que leur grand-mère était meilleure cuisinière et que sa recette est la plus délicieuse !
Mais revenons-en à la publication sur un sujet grave. Voilà donc qu’elle est dès sa mise en ligne, lue par ces "amis" d’occasion, et parfois même partagée par eux. Vous me direz : rien de très original, rien de dramatique. et vous auriez raison. Sauf que s’abattent alors des commentaires qui ne veulent pas etre des éléments d’un débat, mais simplement pollueurs et déversant sur votre page non pas leurs réflexions amis leur colère. Et voilà qu’alors le drame se produit : tous vos "amis" deviennent les lecteurs sur votre propre page de tout ce que vous refuseriez vous-mêmes d’y publier !
Vous devenez le diffuseur d’une pensée qui n’est pas la vôtre et que vous n’avez aucune envie de relayer. Sans compter le piège ultime : celui d’entrer en discussion sans en avoir parfois le temps et de voir, consterné, ceux que vous voulez contrer, développer encore plus une pensée qu’ils étayent par des liens sur des vidéos ou des articles émanant de sites qui vous font horreur !
Bien sûr, le mieux serait de supprimer sa page et de quitter ces réseaux où l’absurde le dispute trop souvent au nauséabond. Ce serait le plus sûr. mais tout ne débouche pas forcément en pugilat et en piratage ! Une autre manière : faire sa propre police et sélectionner soi-même avec les moyens que vous donne l’opérateur ceux qui lisent, ceux qui écrivent et ceux qui partagent. Mais comment savoir qui régira à quoi et comment ? Et puis pourrait être perçu comme une forme de dérobade ...sans compter la vigilance pluri quotidienne alors qu’on a souvent franchement mieux à faire !
On pourrait surtout se rappeler les uns aux autres que le fait d’être en désaccord ne fait pas de l’autre un monstre, un traître ou un salaud : c’est déjà un bon principe de base dont il est toujours étrange qu’il faille le rappeler à des disciples du Christ. On peut aussi se discipliner soi-même un peu plus, refuser les débats publics, et s’en tenir à l’échange de messages privés ou, encore mieux, de prendre le temps de vraies conversations.
Vous savez : dialoguer, se parler, s’écouter sans penser d’emblée que l’on détient la vérité, bref agir en hommes et non pas en apprentis robots dont le clavier annihile la politesse et supprime le sens critique... Chercher à évaluer les positions : ne pas se vautrer paresseusement dans des sites prétendus d’information qui ne font que flatter mes opinions et les tendances.
Oui, se parler... "en vrai" comme on disait enfants. Et pourquoi ne pas saisir le temps des vacances pour redevenir un peu plus des hommes et trouver le goût et la saveur d’un débat argumenté, respectueux et fructueux ? Bonne été a vous ! Et bonnes conversations !