L’Église et l’Eucharistie

Paris Notre-Dame du 22 octobre 2009

La parole de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, évêque auxiliaire de Paris.

Que signifie cette formule ?

La première partie peut paraître évidente : c’est ce qui se passe chaque dimanche. Reste à comprendre ce que veut dire le verbe « faire » : l’Eucharistie ne se fabrique pas. Une phrase qui se retrouve dans chaque prière eucharistique peut nous aider : « Faisant mémoire, nous t’offrons. » « Faisant mémoire de ton Fils, de sa Passion qui nous sauve, de sa glorieuse Résurrection » : nous sommes rassemblés en faisant mémoire de Jésus, et cette mémoire comporte tout l’Ancien et le Nouveau Testament. L’Ancien, c’est Jésus promis et attendu, espéré comme Messie d’Israël ; le Nouveau, c’est Jésus reçu et proclamé. Qu’offrons-nous, portés dans cette mémoire ? « Son corps et son sang, le sacrifice qui est digne de toi et qui sauve le monde ». Rien de moins donc que Jésus lui-même, s’offrant pour nous, et beaucoup plus que pour nous, pour le « monde », pour tous les hommes que Dieu appelle. En même temps, nous nous offrons nous-mêmes pour être « une éternelle offrande à la louange de ta gloire ». C’est là qu’il faut essayer d’entrer dans le mouvement que décrit la seconde partie de la phrase : l’Eucharistie fait l’Église. Qui offre en faisant mémoire ? Le « nous » dont il s’agit n’est pas la somme des membres de telle assemblée, ni la somme des croyants aujourd’hui présents, c’est le « nous » total de l’Église entière. Car l’Église n’est pas une addition d’individus, un club plus ou moins nombreux. Elle est, plus fondamentalement, le corps total du Christ, le résultat acquis une fois pour toutes et vraiment acquis de la victoire du Christ Jésus sur le péché et sur la mort, le rassemblement qu’il opère, lui, des hommes dans l’unité de la charité divine. L’Eucharistie fait l’Église, parce que sa célébration même incorpore les hommes qui le veulent bien dans le corps du Christ. L’Eucharistie est le Christ Seigneur venant à nous, se rendant présent par le mystère de la transsubstantiation, pour faire de nous les membres vivants et agissants de son corps.

Cela a-t-il des conséquences pratiques ?

Participer à l’Eucharistie, c’est accepter d’entrer dans ce double mouvement : faire mémoire de Jésus et entrer dans son offrande, et pour cela, nous laisser saisir par lui et unir en lui les uns aux autres. L’Eucharistie nous révèle que, dans l’Église, nous sommes un, si divers que nous soyons. Saint Paul le disait déjà aux chrétiens de Corinthe (1 Co 10, 17) : « A plusieurs, nous sommes un seul corps parce qu’il y a un seul pain. » Les premiers chrétiens ont médité à l’envi cette phrase pour comprendre ce qu’est l’Eucharistie. Ce fut leur joie : si divers étaient-ils, se découvrir unis à tant d’hommes et de femmes, non par un statut social ou une appartenance ethnique, mais par l’acte du Dieu créateur et rédempteur. Comprendre un peu cela, c’est aussi trouver la force et la liberté de nous aimer les uns les autres, non à la mesure de notre sympathie, mais à la mesure de l’amour de Dieu pour nous. Le Christ se rend présent à nous pour que nous puissions nous rendre présents aux autres en approchant d’eux rien moins que l’amour de Dieu pour nous tous.