Vanità – Narcistà - Futilità
SKALL
Face à l’église Saint-Séverin, la Galerie Saint-Séverin présente « Vanità – Narcistà - Futilità », une exposition de SKALL.
Sur une proposition d’Yves Sabourin, l’œuvre conçue spécialement pour la Galerie est intégrée au parcours artistique de la Nuit Blanche 2017 présentée du 7 octobre au 10 décembre 2017. Une exposition en 3 actes, visible jour et nuit, 4 rue des Prêtres-Saint-Séverin, Paris 5e. M° Cluny-la-Sorbonne, Saint-Michel.
Vanità_1e partie, du 7 octobre au 2 novembre 2017,
– Vernissage performance pour Nuit Blanche samedi 7 octobre 2017 de 19h à 21h
Narcistà_2e partie, du 3 au 23 novembre 2017
– Performance vendredi 3 novembre de 19h à 21h
Futilità_3e partie, du 24 novembre au 10 décembre 2017
– Performance vendredi 24 novembre de 19h à 21h
Direction : Olivier de Bodman - Programmation : Yves Sabourin - Presse : Martine Sautory
– Contact.
Vanità – Narcistà - Futilità
Une exposition en trois actes pensée et réalisée par Skall. Plasticien aux multiples talents, il participe pour la seconde fois en solo à cet évènement Nuit Blanche après sa contribution au Générateur à Gentilly en 2008. En direct face au public pendant plus de trois heures, il a installé Vanità , une fresque originale visible jusqu’au 2 novembre, levant avec beaucoup de pudeur et de grâce un bout du voile de son intimité.
Au premier plan de la vitrine, une photo de famille des années soixante en noir et blanc soulignée d’une longue rose rouge, trait d’amour sur ce qui lui est cher, ouvre la mise en scène. Derrière, un espace laissé vide mène le regard du spectateur vers le fond où sur les murs et le sol se côtoient une myriade d’objets familiers : broderies réalisées par la mère de l’artiste, boîte de Zan, céramique de Vallauris, images pieuses, crucifix, accessoires de déguisement, etc., et de nombreux souvenirs exotiques : bracelet zulu, pendentif et grelot indiens, portrait de gourous, etc. Rapportés de voyages, glanés, reçus, ces cent-trente-neuf objets s’encastrent savamment dessinant sur les parois une boîte narrative, miroir de l’histoire singulière de Skall. C’est avec beaucoup de concentration jouant du temps, de la lenteur et de la gestuelle que l’artiste les a accrochés ici surchargeant volontairement son propos d’images, de références et d’actes de foi. « Ils viennent illustrer le monde des vanités humaines », précise Skall qui se définit avant tout comme un performeur. « Narcistà présentera l’idée de renoncement au monde ostentatoire du côté Narcisse, Futilità abordera la croyance d’une manière un peu plus critique et sera une réflexion sur la futilité de faire et d’être ».
Skall a tissé des liens privilégiés avec la Thaïlande découverte enfant avec ses parents qui comme le montre la photo mise en exergue, sont à l’origine de son ouverture au monde et à ses cultures. « Une partie des objets a été choisie en hommage au roi de Thaïlande dont les funérailles auront lieu à Bangkok fin octobre - début novembre », raconte celui qui n’a pas suivi un parcours d’étudiant des Beaux-Arts classique mais préféré tracer sa propre voie et reçu une bourse pour y travailler en 2006. Il y a de la nostalgie dans cet ensemble à haute valeur sentimentale et symbolique qui décore habituellement sa cuisine. « Les objets ont une âme et conduisent au sacré », explique Skall qui a accueilli son pseudonyme comme un nouveau baptême. « Mon travail a un rapport au sacré, il est très chamanique. La magie de la recherche du sacré ne passe pas nécessairement par les voies traditionnelles ». Les artistes tels que Skall ne sont-ils pas là pour nous en convaincre ?
Le point de vue du commissaire
1er acte
Skall est connu pour sa triple production dans les arts plastiques : la performance qu’il débute en 1984, la sculpture depuis 1989 et la photographie débutée en 2003 donnant une suite à ses performances. Dans ses trois pratiques pouvant sembler si éloignées l’une de l’autre, l’artiste arrive à leur conférer des similitudes, des parallèles et des unions et apporter cependant une homogénéité. Ses sculptures, comme ses performances, sont des constructions maîtrisées avec des formes ou des expressions issues de diverses cultures proches ou lointaines, parfois enrichies de quelques touches instinctives mais jamais aléatoires. C’est sans doute le fait d’avoir vécu dans des pays lointains qui a permis à l’artiste, depuis le début de son œuvre, de ne jamais avoir d’apriori à associer des œuvres dîtes classiques à des œuvres issues de la culture populaire ou ethnique et conçues dans des matériaux les plus nobles comme les plus simples. Il dit de lui : « je travaille mon corps comme un papou et je ritualise les objets ».
Pour Vanità - Narcistà - Futilità , Skall va expérimenter une nouvelle expression corporelle, une nouvelle attitude artistique en mêlant ses pratiques. Pour le vernissage, l’artiste installé derrière la paroi de verre de la Galerie Saint-Séverin qui dès lors s’apparente à une petite scène de théâtre, va « performer » le montage de son exposition composée d’œuvres et d’objets issus de sa collection personnelle. Il installera sur les parois et posera au sol des objets simples comme des objets sophistiqués, des cadeaux qu’il a reçus et des œuvres créées par d’autres artistes comme issues de sa production. C’est une forme d’autoportrait, un paysage de l’intime regroupant des souvenirs chers, des coups de cœur mais également des objets devenus des manifestes personnels.
Vanità - Narcistà - Futilità est surtout le manifeste d’un esprit libre, celui de Skall qui, avec une ouverture optimale sur la Culture, aux données universelles, nous propose une réflexion universelle et sophistiquée, réfléchie et esthétique ; une réflexion qui traite du divin, du sacré et de l’art. Skall dessine sur les murs de son « théâtre de campagne » une définition de sa cosmographie.
2e acte
Il est arrivé le temps de passer de l’autoportrait riche en détails, histoires et anecdotes qui établissait la proposition de Skall en regard de la Vanité, sa Vanità, au portrait qui se réfléchit sur une surface mate qui ne reflète ni son visage ni celle d’une fleur mais celle de son esprit. L’âme de l’artiste se retrouve portraiturée dans un nouvel acte de construction, processus cher à l’artiste, fait de bouts de tissus manufacturés (ceintures) et en lambeaux de vêtements ou d’uniformes agrémentés de décorations composées de bijoux de pacotille ou de valeur qui rythment cette bannière où l’improbable rencontre de modes culturels se côtoie comme : une pièce de tissu orange d’un moine bouddhiste et un galon militaires tissé en fil d’or. Bien sûr il est impossible de ne pas penser à ce charmant Narcisse, tellement auto-amoureux qu’il se noie dans son reflet, représenté de façon magistrale par un Michelangelo Caravage (1571-1610) qui bouleverse les règles du choix des modèles, ou un Nicolas Poussin (1594-1665) qui campe son personnage dans une fragilité psychique.
Avec Vanità - Narcistà - Futilità Skall s’éloigne de la représentation physique pour aborder une vision mentale et définitivement positive du narcissisme, celui d’un reflet bien concret et palpable qui se dessine avec le temps, la connaissance et la nécessité de ne jamais se perdre et d’avancer avec soi-même.
3e acte
Vanità - Narcistà - Futilità nous permet de méditer. Voici quelques définitions de futile : nature de quelqu’un ou de quelque chose qui est futile, superficiel, sans intérêt, qui n’a pas beaucoup de valeur. Et pourquoi pas, perdre son temps pour des bagatelles.
Mais attention pour Wladimir Nabokov (1899-1977) « L’imagination n’est fertile que lorsqu’elle est futile » et Louis Ferdinand Céline (1894-1961) avance « Nous sommes, par nature, si futiles, que seules les distractions peuvent nous empêcher vraiment de mourir ».
Skall
Né en 1960, Skall, performeur et plasticien, vit et travaille à Paris.
« Skall assemble plus qu’il ne sculpte […] En détournant les objets de leur fonction initiale, l’artiste transmute leur sens. Il convoque les objets sacrés d’Asie, d’Inde ou d’Afrique, prenant un malin plaisir à jouer avec nos codes, ceux du sacré et du profane. La contemplation de ces assemblages allie dans un même mouvement dévotion et dérision. Certaines pièces évoquent totems ou objets de culte mais les matériaux utilisés - brillants, lisses et aux couleurs pimpantes - loin de marquer le respect et le recueillement, font souvent sourire.
Cette fantaisie pourrait être de l’ordre de l’ironie, questionnant la valeur sacrée des œuvres d’art dans notre monde contemporain, avec en toile de fond l’idée de vanité des biens terrestres. Skall met ici en scène la question de la valeur des objets et celle de l’acte artistique, intégrant le temps de la création et celui de la transformation qui vient comme par magie donner une valeur sacrée à des objets de pacotille. » Marie-Jeanne Caprasse, 2012
– Le point de vue de Voir & Dire
– Voir aussi la présentation de Narthex