Église de France - Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme

Le 16 avril 1976

Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme, publiées par la Conférence épiscopale française [1], 16 avril 1973.

1. L’existence juive interroge la conscience chrétienne

L’existence actuelle du peuple juif, sa condition souvent précaire au long de son histoire, son espérance, les épreuves tragiques qu’il a connues dans le passé et surtout dans les temps modernes, et son rassemblement partiel sur la terre de la Bible constituent de plus en plus, pour les Chrétiens, une donnée qui peut les faire accéder à une meilleure compréhension de leur foi et éclairer leur vie.

La permanence de ce peuple à travers le temps, sa survie aux civilisations, sa présence comme un partenaire rigoureux et exigeant en face du Christianisme sont un fait de première importance que nous ne pouvons traiter ni par l’ignorance ni par le mépris. L’Église, qui se réclame du nom de Jésus-Christ et qui, par lui, se trouve liée depuis son origine et pour toujours au peuple juif, perçoit dans l’existence séculaire et ininterrompue de ce peuple un signe qu’elle voudrait comprendre en toute vérité.

2. Le lent cheminement de la conscience chrétienne

Le 28 octobre 1965, le Concile Vatican II a promulgué solennellement la déclaration Nostra Aetate qui contient un chapitre sur le peuple juif. Nous réaffirmons l’importance de ce texte, dans lequel il est rappelé que l’Église se nourrit de la racine de l ‘olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l’olivier sauvage que sont les gentils. Il est de notre charge, en tant que Comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme, de manifester la portée actuelle de cette déclaration et d’en indiquer les applications.

La prise de position conciliaire doit être considérée davantage comme un commencement que comme un aboutissement. Elle marque un tournant dans l’attitude chrétienne à l’égard du Judaïsme. Elle ouvre une voie et nous permet de prendre l’exacte mesure de notre tâche.
Cette déclaration s’appuie sur un retour aux sources scripturaires. Elle rompt avec l’attitude de tout un passé. Elle appelle désormais un nouveau regard des Chrétiens sur le peuple juif, non seulement dans l’ordre des rapports humains mais aussi dans l’ordre de la foi. Certes, il n’est pas possible de réexaminer en un jour toutes les affirmations qui ont été proférées dans l’Église au cours des siècles ni toutes les attitudes historiques. La conscience chrétienne a cependant entamé ce processus qui rappelle à l’Église ses racines juives. L’essentiel est qu’il soit commencé, qu’il atteigne toutes les couches du peuple chrétien et qu’il soit partout poursuivi avec honnêteté et énergie.

3. La vocation permanente du peuple juif

Il n’est pas possible de regarder la « religion » juive simplement comme une des religions existant présentement sur la terre. C’est par le peuple d’Israël que la foi au Dieu unique s’est inscrite dans l’histoire de l’humanité. C’est par lui que le monothéisme est devenu, quoique avec certaines différences, le bien commun des trois grandes familles qui se réclament de l’héritage d’Abraham : Judaïsme, Christianisme, Islam.

Selon la révélation biblique, c’est Dieu même qui a constitué ce peuple, qui l’a éduqué et instruit de ses desseins, scellant avec lui une Alliance éternelle (Gn 17,7) et faisant reposer sur lui un appel que saint Paul qualifie d’irrévocable (Rm 11,29). Nous lui devons les cinq livres de la Loi, les Prophètes et les autres livres sacrés qui complètent son message. Après avoir été rassemblés par la tradition, écrite et orale, ces enseignements furent reçus par les Chrétiens sans que pour autant les Juifs en soient dépossédés.

Même si, pour le Christianisme, l’Alliance est renouvelée en Jésus-Christ, le Judaïsme doit être regardé par les Chrétiens comme une réalité non seulement sociale et historique, mais surtout religieuse ; non pas comme la relique d’un passé vénérable et révolu mais comme une réalité vivante à travers le temps. Les signes principaux de cette vitalité du peuple juif sont : le témoignage de sa fidélité collective au Dieu unique, sa ferveur à scruter les Écritures pour découvrir, à la lumière de la Révélation, le sens de la vie humaine, sa recherche d’identité au milieu des autres hommes, son effort constant de rassemblement en une communauté réunifiée. Ces signes nous posent, à nous Chrétiens, une question qui touche le cœur de notre foi : quelle est la mission propre du peuple juif dans le plan de Dieu ? Quelle attente l’anime, et en quoi cette attente diffère-t-elle ou se rapproche-t-elle de la nôtre ?

4. Ne rien enseigner qui ne soit conforme à l’esprit du Christ (Nostra Aetate n° 4 § 2)

a) Il est urgent que les Chrétiens cessent définitivement de se représenter le Juif suivant des clichés qu’une agressivité séculaire avait forgés ; éliminons à tout jamais et combattons avec courage en chaque circonstance les représentations caricaturales et indignes d’un homme honnête, à plus forte raison d’un Chrétien : par exemple celle du Juif qu’on déclare « pas comme les autres » en y mettant une nuance de mépris ou d’aversion, celle du Juif « usurier, ambitieux, conspirateur », ou celle, plus redoutable encore par ses conséquences, du Juif « déicide ». Ces qualifications infamantes, qui ont, hélas, encore cours de nos jours de façon directe ou larvée, nous les dénonçons et les condamnons avec insistance. L’antisémitisme est un héritage du monde païen, mais il s’est encore renforcé en climat chrétien par des arguments pseudo-théologiques. Le Juif mérite notre attention et notre estime, souvent notre admiration, parfois certes notre critique amicale et fraternelle, mais toujours notre amour. C’est peut-être ce qui lui a le plus manqué et ce en quoi la conscience chrétienne a été le plus coupable.

b) C’est une erreur théologique, historique et juridique de tenir le peuple juif pour indistinctement coupable de la passion et de la mort de Jésus-Christ. Déjà le catéchisme du Concile de Trente avait réprouvé cette erreur (Pars I, cap. 5, 11). « S’il est vrai qu’historiquement la responsabilité de la mort de Jésus fut partagée à des titres divers par certaines autorités juives et romaines, l’Eglise tient que c’est à cause du péché de tous les hommes que le Christ, dans son immense amour, s’est soumis à sa passion et à sa mort, pour que tous obtiennent le salut ».

Contrairement à ce qu’une exégèse très ancienne mais contestable a soutenu, on ne saurait déduire du Nouveau Testament que le peuple juif a été dépouillé de son élection. L’ensemble de l’Écriture nous incite au contraire à reconnaître dans le souci de fidélité du peuple juif à la Loi et à l’Alliance le signe de la fidélité de Dieu à son peuple.

c) Il est faux d’opposer Judaïsme et Christianisme comme religion de crainte et religion d’amour. L’article fondamental de la foi juive le Shema Israël, commence par : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » et se poursuit par le commandement de l’amour du prochain (Lv 19,18). C’est le point de départ de la prédication de Jésus, et donc un enseignement commun au Judaïsme et au Christianisme.

Le sens de la transcendance et de la fidélité de Dieu, de sa justice, de sa miséricorde, de la repentance et du pardon des offenses, sont des traits fondamentaux de la tradition juive. Les Chrétiens qui revendiquent les mêmes valeurs auraient tort de croire qu’ils n’ont plus rien à recevoir aujourd’hui même de la spiritualité juive.

d) Contrairement à des réflexes bien établis, il faut affirmer que la doctrine des Pharisiens n’est pas l’opposé du Christianisme. Les Pharisiens ont cherché à ce que la Loi devienne vie pour chaque Juif en interprétant ses prescriptions de façon à les adapter aux différentes circonstances de la vie. Les recherches contemporaines ont bien mis en évidence que les Pharisiens n’étaient nullement étrangers au sens intérieur de la Loi, non plus que les maîtres du Talmud. Ce ne sont pas ces dispositions que Jésus met en cause quand il dénonce l’attitude de certains d’entre eux ou le formalisme de leur enseignement. Il semble d’ailleurs que ce soit parce que les Pharisiens et les premiers Chrétiens étaient proches à de nombreux égards qu’ils se combat tirent parfois si vivement quant aux traditions reçues des anciens et à l’interprétation de la Loi de Moïse.

5. Accéder à une compréhension juste du Judaïsme

Les Chrétiens, ne serait-ce que pour eux-mêmes, doivent acquérir une connaissance vraie et vivante de la tradition juive.

a) Une catéchèse chrétienne véritable doit affirmer la valeur actuelle de la Bible tout entière. La première Alliance, en effet, n’a pas été rendue caduque par la nouvelle. Elle en est la racine et la source, le fondement et la promesse. S’il est vrai que, pour nous, l’Ancien Testament ne délivre son sens ultime qu’à la lumière du Nouveau Testament, cela même suppose qu’il soit accueilli et reconnu d’abord en lui-même (cf. 2 Tm 3,16). On n’oubliera pas que, par son obéissance à la Torah et par sa prière, Jésus, homme juif par sa mère la Vierge Marie, a accompli son ministère au sein du peuple de l’Alliance.

b) On s’efforcera de présenter la vocation particulière de ce peuple comme la « Sanctification du Nom ». C’est là une des dimensions essentielles de la prière synagogale par laquelle le peuple juif, investi d’une mission sacerdotale (Ex 19, 6), offre toute l’action humaine à Dieu et lui rend gloire. Cette vocation fait de la vie et de la prière du peuple juif une bénédiction pour toutes les nations de la terre.

c) C’est sous-estimer les préceptes du Judaïsme que de n’y voir que des pratiques contraignantes. Ses rites sont des gestes qui rompent la quotidienneté de l’existence et rappellent à ceux qui les observent la seigneurie de Dieu. Les Juifs fidèles reçoivent comme un don de Dieu le Shabbat et les rites qui ont pour but de sanctifier l’agir humain. Au-delà de leur littéralité, ceux-ci sont pour le Juif lumière et joie sur le chemin de la vie (Ps 119). Ils sont une manière de « bâtir le temps » et de rendre grâce pour la création tout entière. C’est en effet toute l’existence qui doit être référée à Dieu, comme saint Paul le rappelait à ses frères (1 Cor 10, 30-31).

d) La dispersion du peuple juif doit être comprise à la lumière de sa propre histoire.

Si la tradition juive considère les épreuves et l’exil du peuple comme un châtiment pour ses infidélités (Jr 13, 17 ; 20, 21-23), il n’en reste pas moins que, depuis la lettre adressée par Jérémie aux exilés de Babylone (Jr 29, 1-23), la vie du peuple juif dans la dispersion a eu aussi un sens positif ; à travers les épreuves, le peuple juif est appelé à « sanctifier le Nom » au milieu des nations.

Les Chrétiens doivent sans cesse combattre la tentation antijuive et manichéenne qui consiste à regarder le peuple juif comme maudit sous le prétexte qu’il a été obstinément persécuté. Au contraire, suivant le témoignage même de l’Écriture (Is 53- 2-4), subir persécution est souvent effet et rappel de la condition prophétique.

e) Il est actuellement plus que jamais difficile de porter un jugement théologique serein sur le mouvement de retour du peuple juif sur « sa » terre. En face de celui-ci, nous ne pouvons tout d’abord oublier en tant que Chrétiens le don fait jadis par Dieu au peuple d’Israël d’une terre sur laquelle il a été appelé à se réunir (cf. Gn 12, 7 ; 26, 3-4 ; 28, 13 ; Is 43, 5-7 ; Jr 16, 15 ; So 3, 20).

Au long de l’histoire, l’existence juive a été constamment partagée entre la vie au sein des nations et le vœu d’une existence nationale sur cette terre. Cette aspiration pose de nombreux problèmes à la conscience juive elle même. Pour comprendre cette aspiration et le débat qui en résulte dans toutes leurs dimensions, les Chrétiens ne doivent pas se laisser entraîner par des exégèses qui méconnaîtraient les formes de vie communautaires et religieuses du Judaïsme ou par des prises de positions politiques généreuses mais hâtives. Ils doivent tenir compte de l’interprétation que donnent de leur rassemblement autour de Jérusalem les Juifs qui, au nom de leur foi, le considèrent comme une bénédiction.

Par ce retour et ses répercussions, la justice est mise à l’épreuve. Il y a, au plan politique, affrontement de diverses exigences de justice. Au-delà de la diversité des options politiques, la conscience universelle ne peut refuser au peuple juif, qui a subi tant de vicissitudes au cours de l’histoire, le droit et les moyens d’une existence politique propre parmi les nations. Ce droit et ces possibilités d’existence ne peuvent pas davantage être refusés par les nations à ceux qui, à la suite des conflits locaux résultant de ce retour, sont actuellement victimes de graves situations d’injustice. Aussi, tournons-nous les yeux avec attention vers cette terre visitée par Dieu et portons-nous la vive espérance qu’elle soit un lieu où pourront vivre dans la paix tous ses habitants, juifs et non juifs. C’est une question essentielle, devant laquelle se trouvent placés les Chrétiens comme les Juifs, de savoir si le rassemblement des dispersés du peuple juif, qui s’est opéré sous la contrainte des persécutions et par le jeu des forces politiques, sera finalement ou non, malgré tant de drames, une des voies de la justice de Dieu pour le peuple juif et, en même temps que pour lui, pour tous les peuples de la terre. Comment les Chrétiens resteraient-ils indifférents à ce qui se décide actuellement sur cette terre ?

6. Promouvoir la connaissance et l’estime mutuelles (Nostra Aetate n° 4 § 2)

La plupart des rencontres entre Juifs et Chrétiens sont encore aujourd’hui marquées par l’ignorance réciproque et parfois par une certaine méfiance. Cette ignorance et cette méfiance ont été dans le passé et peuvent être encore dans l’avenir la source de graves incompréhensions et de maux redoutables. Nous considérons comme une tâche essentielle et urgente que les prêtres, les fidèles et tous les responsables de l’éducation, à quelque niveau qu’ils se situent, travaillent à susciter dans le peuple chrétien une meilleure compréhension du Judaïsme, de sa tradition, de ses coutumes et de son histoire.

La première condition est que tous les Chrétiens aient toujours le respect du Juif, quelle que soit sa manière d’être juif. Qu’ils cherchent à le comprendre comme il se comprend lui-même au lieu de le juger selon leurs propres modes de pensées. Qu’ils aient l’estime de ses convictions, de ses aspirations, de ses rites et de l’attachement qu’il leur voue. Qu’ils admettent aussi qu’il peut y avoir différentes façons d’être juif ou de se reconnaître juif, sans détriment de l’unité fondamentale de l’existence juive.

La seconde condition est que, dans les rencontres entre Chrétiens et Juifs, soit reconnu le droit de chacun de rendre pleinement témoignage de sa foi sans être pour autant soupçonné de vouloir détacher de manière déloyale une personne de sa communauté pour l’attacher à la sienne propre. Une telle intention doit être exclue non seulement en raison du respect d’autrui qui s’impose en tout dialogue avec tout homme quel qu’il soit, mais plus encore pour une raison particulière à laquelle les Chrétiens et surtout les pasteurs devraient se faire plus attentifs. Cette raison est que le peuple juif a été l’objet, comme peuple, d’une « Alliance éternelle » sans laquelle la « nouvelle Alliance » n’aurait elle-même pas d’existence. Aussi, bien loin de viser à la disparition de la communauté juive, l’Eglise se reconnaît dans la recherche d’un lien vivant avec elle. Une grande ouverture d’esprit, une méfiance à l’égard de ses propres préjugés et un sens aigu des conditionnements psychologiques des individus sont, en face de tels problèmes, des qualités indispensables aux pasteurs. Même s’il existe, dans le contexte actuel de « civilisation sans frontières », des démarches personnelles qui échappent aux déterminations des deux communautés, le respect qu’elles se portent réciproquement ne doit pas s’en trouver altéré.

7. L’Église et le peuple juif

a) Le peuple juif a conscience d’avoir reçu, à travers sa vocation particulière, une mission universelle à l’égard des nations. L’Église, pour sa part, estime que sa mission propre ne peut que s’inscrire dans ce même propos universel de salut.

b) Israël et l’Église ne sont pas des institutions complémentaires. La permanence comme en vis-à-vis d’Israël et de l’Église est le signe de l’inachèvement du dessein de Dieu. Le peuple juif et le peuple chrétien sont ainsi dans une situation de contestation réciproque ou, comme dit saint Paul, de « jalousie » en vue de l’unité (Rm 11, 14 ; cf. Dt 32, 21).

c) Les paroles de Jésus lui-même et l’enseignement de Paul témoignent du rôle du peuple juif dans l’accomplissement de l’unité finale de l’humanité, comme unité d’Israël et des nations. Aussi la recherche que fait le Judaïsme de son unité ne peut pas être étrangère au propos de salut de Dieu. Elle ne peut pas non plus être sans parenté avec les efforts des Chrétiens en recherche de leur propre unité, bien que ces deux démarches se réalisent selon des voies très différentes.

Mais, si Juifs et Chrétiens accomplissent leur vocation suivant des voies distinctes, l’histoire montre que leurs cheminements se croisent sans cesse. Leur souci commun ne concerne-t-il pas les temps messianiques ? Aussi faut-il souhaiter qu’ils entrent enfin dans la voie de la reconnaissance et de la compréhension mutuelles et que, répudiant leur inimitié ancienne, ils se tournent vers le Père dans un même mouvement d’espérance, qui sera une promesse pour toute la terre [2].

Parmi les très nombreux commentaires de ce document, on peut citer :

 Commentaires juifs : Grand Rabbin JACOB KAPLAN, « Un très grand acte », paru dans La Croix, 18 avril 1973, et dans Rencontre-Chrétiens et juifs, 7 (1973) n°31, p. 85 ; Grand Rabbin EMMANUEL BULZ « Christianisme et Judaïsme aujourd’hui » paru dans Luxemburger Wort, 15 mars 1975 et dans Istina 2û (1975), pp. 353-361 ; Rabbin MEYER JAIS « A propos du dialogue judéo-chrétien » dans L ‘information juive, septembre 1975, ROBERT ARON, Lettre ouverte à l’Église de France, Ed. Albin Michel, Paris 1975 ; ELIANE AMADO LEVY-VALENS1, « Pour une confrontation continuée », dans le bulletin Amitié judéo-chrétienne de France 11 (1973/IV), pp. 179-185 ;

 Commentaires chrétiens : Pasteur HEBERT ROUX, « Un signe des temps par excellence », ibid., pp. 167-173 ; F. LOVSKY, « Un texte pacificateur et réconciliateur », ibid, pp. 173-175 ; MARCEL DUBOIS, « Le document épiscopal vu par un Chrétien d’Israël », ibid., pp. 175-179.

Ce document avait suscité une réaction de la part du cardinal J. Daniélou dans Le Figaro du 28/29 avril 1973. Voir, à propos de cette réaction : Y. CONGAR, « Le document épiscopal sur les Juifs : un effort pour le mieux comprendre » dans La Croix du 16 juin 1973 (Documentation catholique n°1635, du 1er juillet 1973, pp. 622-624) et P. DABOSVILLE, « Les Chrétiens face au conflit israélo-arabe » paru dans le bulletin Amitié judéo-chrétienne de France n° 1, janvier-mars 1974, pp. 42-52 (repris dans Pierre DABOSVlLLE, Foi et culture dans l’Église aujourd’hui, Ed. Fayard-Mame 1979, pp. 469-480).

Les objections dégénérèrent en une polémique assez vive au Proche-Orient, polémique qui s’expliquait d’une part par le climat politique, de l’autre par une attitude réticente dans la région vis-à-vis de la déclaration conciliaire Nostra Aetate. Certains Chrétiens vivant dans les pays arabes ont surtout reproché à ce document de ne pas faire mention des Palestiniens. On pourrait remarquer que le texte ne mentionne pas davantage les Israéliens ; d’autre part, il évoque clairement les problèmes de justice que soulève l’établissement d’une partie du peuple juif sur la terre de ses ancêtres. Ces critiques ont été d’ailleurs parfois accompagnées de prises de position relevant d’un antijudaïsme classique comme lors du débat conciliaire (Cf. Documentation catholique n° 1635, ler juillet 1973, col. 620 ss.).

Les membres de la communauté chrétienne de langue hébraïque vivant en Israël ont pour leur part adressé une lettre d’appui à la Conférence épiscopale française, dont on trouvera le texte dans la Documentation catholique n° 1635, 1er juillet 1973, col. 617. Voir encore : C.A. RIJK, « Réflexions à propos des Orientations », paru dans SIDIC (Rome) VI (1973) n°3, pp. 35-39 et Documentation catholique n°1648, 17 février 1974, col. 180-183. M. REMAUD, « L’attitude des Chrétiens à l’égard du Judaïsme », dans Nouvelle Revue Théologique 96 (1974), pp. 503-515. De ce fait, ces « Orientations pastorales » eurent un retentissement international et sont devenues un texte qui fait autorité dans le monde entier.

Texte publié dans Documents Épiscopat, bulletin de la Conférence épiscopale française, n. 10, avril 1973, et reproduit dans La Croix du 18 avril 1973. Nous le publions ici avec les notes de M. Th. Hoch et B. Dupuy, Les Eglises devant le Judaïsme. Documents officiels 1948-1978 (Cerf, 1980), pp. 171-180.

[1Certains journalistes ont cherché à contester la portée de ce document au moment de sa parution en avançant que tous les évêques n’en avaient pas eu connaissance. Il existe trois sortes de documents émanant de la Conférence épiscopale : a) les textes de l’Assemblée, discutés et votés lors de l’assemblée plénière annuelle ; b) les textes du conseil permanent ; c) les textes émanant des Commissions ou Comités épiscopaux à condition qu’ils aient été soumis au préalable à l’approbation du conseil permanent. Tel est la cas de ces « Orientations pastorales », qui avaient fait avant leur publication l’objet d’une consultation de théologiens et d’exégètes et avaient reçu l’avis favorable du Conseil permanent. Il s’agit donc bien en ce sens d’un document de la Conférence épiscopale française.

[2Ce document, qui se présentait comme la suite attendue et la mise en œuvre des enseignements de Vatican II, fut, à ce titre, accueilli avec un vif intérêt et une grande satisfaction dans les milieux chrétiens les plus divers, ainsi que dans le monde juif. Néanmoins la nouveauté et la fermeté de certaines prises de position ainsi que la richesse de ses intuitions théologiques donnèrent lieu à l’époque à diverses mises en question, objections et critiques, voire même à une brève controverse, notamment à propos de la pérennité des valeurs du Judaïsme et des droits du peuple juif à une terre. Les éclaircissements fournis par le Comité épiscopal, en particulier par Mgr D. Pézeril (dans Le Monde du 26 avril 1973), ainsi qu’une mise au point du R.P. Y. Congar (parue dans La Croix du 16 juin 1973) apaisèrent les esprits.

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