Scoop

Woody Allen

Scoop est un film qui a l’amitié pour principe. Woody Allen a rencontré l’actrice Scarlett Johansson sur le tournage de Match Point, et leur commune envie de retravailler ensemble a été l’occasion pour le réalisateur de réécrire une idée qu’il avait en réserve : « Au départ, il s’agissait d’un reporter si obstiné, si déterminé, qu’il revient de l’au-delà pour boucler une enquête. Je voyais cela comme un hommage aux grands journalistes d’investigation. » Critique de Louis Corpechot.

Et cette amitié apparaît partout dans le film lui-même : la relation qui unit l’étudiante en journalisme Sondra Pransky et le magicien américain Sidney Waterman est à l’image de celle qui unit les acteurs dans la vraie vie. Touché par l’enthousiasme de la jeune fille, et malgré son bon sens qui lui dit de ne pas se mêler de cette affaire, Sidney se retrouve impliqué avec elle dans une intrigue, alors qu’il pourrait être son père. Par une conversion mystérieuse, les répliques assassines qu’ils s’échangent sont autant d’affirmations de l’amitié et du respect mutuel qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.

Cette amitié est aussi visible en images. Woody va jusqu’à affubler son actrice de lunettes et à l’habiller des impossibles vêtements d’une jeune étudiante américaine. Mais c’est avant tout la pudeur du regard qui touche ici : les vêtements sont ridicules sans être humiliants, et la seule scène troublante, à la piscine, est filmée sans fausse pudeur ni voyeurisme.

Ce sentiment d’amitié se retrouve à tout les niveaux : dans la qualité technique de la réalisation, fruit d’un travail d’équipe, dans les références du cinéaste à ses maîtres (Carl T. Dreyer avec Vampyr, Alfred Hitchcock), dans les clins d’œil aux fans (qui retrouvent Meurtre mystérieux à Manhattan, Hollywood ending, Match point…).

De plus, Woody Allen se met en scène en magicien. C’est pour lui l’occasion d’exposer son propre point de vue sur son travail : établir un rapport entre un artiste et un public. Le magicien a pour outil de travail le trucage : la limite entre le naturel et le surnaturel. Ce truc n’est qu’un prétexte pour établir un dialogue (ici réduit à un stéréotype comique : « je vous aime, vous êtes un public merveilleux… »), dialogue qui devient le lieu de l’émerveillement commun devant l’irruption du surnaturel.

Et ce alors même que les ficelles du trucage sont visibles (la mort n’est autre qu’une simple couverture et une faux, le spectre apparaît par surimpression). Le trucage est signe de l’existence du surnaturel : rien d’étonnant alors à ce que le spectre choisisse de se matérialiser dans le « dématérialisateur » du magicien, pour la plus grande joie du public.

Louis Corpechot

Cinéma