Persepolis

Marianne Satrapi

Marjane Satrapi nous livre, avec son premier film, un regard apaisé sur sa propre enfance. Critique de Louis Corpechot.

Marjane Satrapi, après le succès de sa bande dessinée dans laquelle elle raconte son enfance dans l’Iran de la révolution, de la guerre avec l’Irak, puis de la république islamique, a accepté d’en réaliser une adaptation pour le grand écran. Le résultat, en dessins noirs et blancs qui se veulent un hommage au cinéma expressionniste allemand (le titre se réfère au Metropolis de Fritz Lang), est un film d’une grande sensibilité, qui touche par la sincérité de son témoignage.

Car Persepolis est avant tout un témoignage. Mais, au lieu de n’être qu’un témoignage politique sur l’Iran (auquel cas le film aurait été un film à message), il fait la grâce au spectateur d’être celui d’une jeune femme qui se remémore son passé, de petite fille de Téhéran et d’adolescente exilée à Vienne. Son récit est construit en un grand flash-back (noir et blanc) qui survient lors de son départ définitif d’Iran pour la France (scènes en couleur). Dès lors, l’Histoire est toujours décrite du point de vue d’une enfant, avec toutes les confusions, les incompréhensions que cela suppose. Cela permet à la réalisatrice de raconter sa vie sans avoir à porter de jugement politique, idéologique ou religieux. Seul compte ce qu’elle a vécu réellement. Cela lui permet de décrire la politique internationale comme un petit théâtre de marionnettes, ses aventures amoureuses en contes de fées tragiques, et même de faire intervenir le bon Dieu, qui vient la visiter dans son sommeil. Cette liberté de ton donne à Persepolis d’être habité de personnages attachants, des parents de Marjane aux “barbus” de Téhéran, des amis nihilistes de Vienne à la grand-mère parfumée aux fleurs de jasmin.

Mais la richesse du film est bien dans le personnage de Marjane elle-même. Agitée par des considérations politiques dès son plus jeune âge, effrayée par la guerre, exilée à Vienne où elle manque de mourir, étouffée par la république islamique, Marjane survit, se relève et part sur un chemin dont on comprend qu’il aboutit au film lui-même, c’est-à -dire sur une réconciliation avec son propre passé, sur la double et paradoxale affirmation que la vie est souffrance et beauté.

Le noir et blanc, choisi pour peindre le passé, est donc bien fait de deuil et de lumière, de contraste trop fort pour être vu sans douleur. Et c’est plus à cause de la violence de ces éclats, qui disent la souffrance de la guerre et de l’exil, qu’à cause du langage un peu vert des personnages que nous trouvons que Persepolis n’est pas un dessin animé pour les enfants. Il apporte, en revanche, dans la vie du spectateur, par son témoignage authentique de vie, un peu de la chaleur que donne la couleur.

Louis Corpechot

Un film écrit et réalisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud
Avec les voix de Chiara Mastroiani, Catherine Deneuve et Danielle Darrieux
Sortie le 27 juin 2007

Cinéma