Le Temps des adieux
Mehdi Sahebi
Le réalisateur Mehdi Sahebi a rencontré Giuseppe Tommasi, alors toxicomane, au milieu des années 80. Frappé par l’intelligence et la bonté du jeune homme, il lui proposa, lors d’une visite à l’hôpital en janvier 2003, de filmer les derniers moments de sa vie. Critique de Louis Corpechot.
Celui-ci, qui se savais condamné par une consommation massive de drogues, par le sida et par un cancer, accepta avec enthousiasme. Commença alors le travail, qui dura neuf mois, au cours duquel le réalisateur s’attacha à suivre Giuseppe et à conduire avec lui d’intensifs entretiens.
Après un prologue qui montre le corps de Giuseppe au crématorium, le film revient en arrière et suit la chronologie, rendant le spectateur témoin du double mouvement d’affaiblissement et de pacification de Giuseppe.
Car dans un premier temps, le Temps des adieux a le mérite de faire entrer le spectateur dans le monde mystérieux des soins palliatifs. Comment une personne est-il prise en charge quand sa maladie ne lui laisse plus d’espoir ? Comment est-elle entourée ? Quelles sont les priorités choisies par les médecins pour leurs patients ? Bien que le réalisateur porte son attention sur Giuseppe, et fasse abstraction de ce qui l’entoure, il apparait que la question centrale est celle de la souffrance. Augmentant le long du film, elle s’accompagne d’une augmentation des doses de médicaments nécessaires pour la calmer, ce qui fait même rire Giuseppe quand il constate la quantité (effrayante) de drogue qui lui est prescrite chaque jour.
Mais la drogue ne « l’amuse plus ». Commençant par se mettre en scène, il aborde peu à peu le récit de sa vie et la remise en question de ses choix. Découvrant qu’il a vécu comme « à coté » de sa propre existence, il doit passer par une réconciliation avec lui-même, par un choix de vie (à savoir « comment va-t-il mourir ? » : Comme un toxicomane ? Comme un père ?), puis par une réconciliation avec ses enfants. Ce n’est qu’alors qu’il confesse son amour de la vie, et sa détermination à ne pas craquer.
Nous pensons qu’il n’est pas possible pour un être humain de contempler la mort d’un autre sans penser à sa propre mort. Ainsi Le Temps des adieux engage chaque spectateur dans un questionnement qui est celui de l’humanité. Mehdi Sahebi, en posant sa caméra devant le lit d’un homme agonisant, en montre la dignité et la beauté. Mais il montre plus. Pour que cette image soit possible, c’est-à-dire humaine, il a fallu la présence des infirmières, qui ont porté le mourant jusqu’au bout. Sans cette médiation, il aurait été insupportable de ne pas voir le réalisateur entrer dans l’image pour porter Giuseppe. Cette image sublime des infirmières renvoie à toute médiation nécessaire à l’Homme pour affronter l’absolu, et nous pensons particulièrement à la médiation ecclésiale.
Louis Corpechot