Dans la Vallée d’Elah

Paul Haggis

Paul Haggis est le scénariste de Clint Eastwood (Million Dollar Baby, Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima). Son nouveau film Dans la Vallée d’Elah, dont il signe également le scénario, raconte l’histoire d’un père américain (Tommy Lee Jones) qui se lance à la recherche de son fils, disparu après son retour d’Irak. Découvrant que celui-ci a été assassiné sauvagement, il s’allie officieusement avec la policière chargée de l’enquête (Charlize Theron). Critique de Louis Corpechot.

Simple et régulière, la mise en scène de Paul Haggis choisit de dénoncer la guerre en Irak en adoptant le point de vue de ceux qui sont restés aux États-Unis : ils ne disposent, pour comprendre ce qui se passe, que des images de la télévision, de celles prises par les soldats et qui circulent sur internet, et des témoignages des soldats revenus du front. Elle organise ces différents éléments pour en tirer un sens : le cadre de l’image du cercueil recouvert du drapeau américain est réduit à gauche et à droite, ce qui la rapproche d’un format télévisuel ; les films tournés en Irak par le soldat disparu sont montrés en plein écran, alternativement avec le visage sidéré de Tommy Lee Jones (justifiée ou non, cette technique « force » le spectateur à regarder d’une certaine manière) ; les soldats mentent comme ils respirent, et tuent comme ils vivent.

L’horreur dénoncée par le film appartient bien au monde réel. « Avec 120 morts par semaine, une véritable « épidémie de suicides » semble sévir chez les anciens soldats […] Au moins 6.256 personnes ayant servi dans l’armée ont mis fin à leurs jours en 2005 soit 17 par jour en moyenne. » Ce que Dans la Vallée d’Elah montre bien, c’est que les soldats qui se battent en Irak ne savent pas pourquoi ils se battent. D’autant plus que le terrorisme dont ils sont la cible a pour effet de détruire par la peur ce qu’ils avaient de convictions et d’idéaux : de les déshumaniser.

Paul Haggis identifie l’Irak et la vallée du Térébinthe (« the valley of Elah ») où David affronta Goliath. Quand dans le film, le fils de la policière demande à sa maman pourquoi David est allé combattre le géant, elle répond qu’elle ne sait pas. Cela correspond à notre propos : affronter la peur que représente Goliath sans raison c’est devenir fou. Mais le problème est qu’en racontant l’histoire de David à l’enfant, le père du film « oublie » de mentionner Dieu : « Le SEIGNEUR qui m’a arraché aux griffes du lion et de l’ours, c’est lui qui m’arrachera de la main de ce Philistin. » Ne s’adressant à personne, le signal de détresse du drapeau américain flottant à l’envers à la fin du film est un signal de désespoir.

Louis Corpechot

Cinéma