Le Fils du désert (Three Godfathers)
John Ford
La programmation d’un film de John Ford en ouverture de la programmation du cinéma au Collège des Bernardins ne doit rien au hasard pas plus qu’à un amour excessif du passé. Une critique de Bertilie Walckenaer.
Parmi les grands cinéastes de Hollywood, ceux qui ont inventé le cinéma, John Ford reste un des plus aimés et étudiés encore actuellement. L’énorme biographie que Joseph Mac Bride lui a consacrée, le retentissement dans le monde du cinéma de sa parution ainsi que la réédition de ses films en copie neuve en témoignent.
Le Fils du désert fait partie de ces œuvres introuvables qu’un jeune distributeur, Sébastien Tiveyrat, a réédité pour notre plaisir. Il suffit à John Ford d’asseoir John Wayne sur une chaise trop basse pour transformer le héros de western, le fier cavalier, en une nourrice maladroite, un « père à l’enfant » du trésor qui repose dans ses bras.
La scène centrale du film nous semble être celle-là justement où les trois bandits, pauvres hères, se retrouvent seuls avec un nouveau-né qui leur a été confié par sa mère mourante. En plaçant cette scène au cœur du désert, John Ford rend tragique la situation des hommes, démunis de tout, ignorants des gestes que savent les femmes – le terme de sage-femme déploie ici tout son sens opposé à la folie des hommes. Et pourtant, le metteur en scène n’oublie pas un instant de faire partager au spectateur l’humour de la situation et la chaleur de l’amitié qui unit les trois compères. John Wayne enduisant de graisse à roues de chariot les fesses d’un nouveau-né, « pour de vrai », personne n’avait jamais osé une telle scène. Tous trois unis dans un même plan, ne se souciant que de l’enfant (alors que leur propre situation est désespérée), ces hommes redécouvrent à travers lui la tendresse de l’amour, et donnent le meilleur d’eux-mêmes, leur vie, pour sauver ce bébé minuscule.
Par sa mise en scène, John Ford donne à ce conte biblique une évidence qui le rend proche de nous et accessible à tous.
Bertilie Walckenaer