Documentaire “Aron Jean-Marie Lustiger”
Le 5 août 2007, le cardinal Lustiger était rappelé à Dieu. Cinq années plus tard, jour pour jour, KTO vous propose de découvrir dimanche 5 août 2012, un documentaire inédit intitulé Aron Jean-Marie Lustiger. Une magnifique mise en relief de son identité juive, essentielle pour comprendre sa vie personnelle et sacerdotale. Entretien exclusif avec Jean-Yves Fischbach, le réalisateur.
Pourquoi avoir choisi de présenter le cardinal sous l’angle de ses racines juives ?
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas simplement son origine juive mais plutôt sa double identité, juive et chrétienne. Symboliquement dans son être même, il porte une réconciliation entre ces deux peuples qui se sont séparés avec les siècles. Cela rappelle aussi que les apôtres étaient juifs. Aron Jean-Marie Lustiger reste en rapport avec l’Église des premiers temps, il incarne la continuité et porte cette origine fondamentale entre juifs et chrétiens. La double identité : c’est le mystère d’Israël. Quel regard un chrétien porte-t-il aujourd’hui sur le peuple juif choisi particulièrement par Dieu ? Ce mystère, il l’a vécu dans sa chair. A cette première interrogation se succède la question inévitable de la haine séculaire envers les Juifs. Pourquoi ce peuple a-t-il toujours été rejeté ? D’abord par les nations, ensuite par l’Église, jusqu’à la Shoah. Ce n’est pas simplement une question c’est une recherche spirituelle qui va très loin, je voulais partager cette compréhension-là.
80 ans racontés en 52 minutes, c’est un vrai défi ! Pour réaliser ce documentaire, vous avez recueilli de nombreux témoignages : comment construit-on un tel film ?
D’abord c’est un challenge de raconter la vie d’un homme en cinquante-deux minutes. Il reste toujours un mystère. L’idée est donc de le présenter sous un seul angle, resserrer sur ce personnage pour éviter de s’éparpiller. A partir de la, j’ai lu et écouté des personnes qui pouvaient s’exprimer uniquement sur cette thématique-la. Le documentaire s’est construit à la fois sur des archives, des rencontres, des interviews. C’est suite à ce long travail que la cohérence du film est née.
J’accepte aussi d’être frustré de ne pas pouvoir tout dire : il y a forcement des manques, des aspects a approfondir. Cela fait partie d’un film qui ouvre sur une réflexion, le téléspectateur est invité à débattre, à chercher.
Ensuite c’est essayer d’insérer dans la chronologie de sa vie des moments forts de questionnements théologiques et spirituels par rapport a la place d’Israël dans le monde contemporain.
Avez-vous fait des découvertes sur le personnage en travaillant sur ce film ?
Oui, énormément. Pour faire le film, j’ai lu son livre, La Promesse, qui a été pour moi un bouleversement, quelque chose de très fort, sur le mystère d’Israël et sa relation au Christ comme juif. Lustiger a médité sur le Christ comme la promesse faite à Israël.
Il m’a fait réfléchir sur ce mystère de l’élection, du choix de Dieu, sur l’idolâtrie. Même si je suis chrétien, je peux faire du Christ mon idole et me fermer au rapport a l’autre, y compris celui qui est d’une autre religion, ne pas accueillir l’autre. Plutôt que d’accueillir la révélation, j’essaie de m’approprier le monde. Comment est-il possible qu’un chrétien puisse devenir un guerrier violent ? J’ai trouvé chez lui une forme de réponse spirituelle : peut-être que nous faisons parfois du Christ une idole, alors nous ne répondons pas à ce que le Christ nous a enseigné : nous sommes tous fils d’un même Père, je n’ai pas plus d’héritage que d’autres. C’est quelque chose de très fort pour la paix entre les Hommes, entre les nations. C’est très fort chez lui. • Propos recueillis par Benoît Chérel
L’incroyable survenu
« Ardent, vigoureux, mobile, multiple, prêchant, écrivant, créateur du message religieux audiovisuel, autoritaire parce que intransigeant sur l’essentiel, ami sans faille aucune de Jean-Paul II qu’il soutint, aida, représenta dans toutes ses entreprises universelles, vous fûtes, Jean-Marie, pendant un quart de siècle, une manière de miracle : l’incroyable survenu, l’invraisemblable manifesté, l’impossible existant ; vous fûtes le cardinal juif. »
Extrait du discours de Maurice Druon de l’Académie Française aux obsèques du cardinal Lustiger à Notre-Dame de Paris le 10 août 2007.
“Aron Jean-Marie Lustiger”, un documentaire inédit le 5 août à 20h40 sur KTO.
Extrait de KTO Mag n°254-255, juillet-août 2012