Des hommes et des dieux
Xavier Beauvois
Paris Notre-Dame du 1er septembre 2010
Il sort le 8 septembre au cinéma. Le long métrage Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, qui a reçu le grand prix du Festival de Cannes 2010, est un film événement. Son thème ? La vie des moines de Tibhirine en Algérie, de 1993 à leur enlèvement en 1996. Le regard du P. Denis Dupont-Fauville sur les ingrédients de son succès.
Une rentrée cinématographique inédite !
Une fois n’est pas coutume, un film à sujet chrétien fait l’événement. L’histoire des moines trappistes de Tibhirine, si elle remonte à 1996, a en effet marqué les mémoires : comment ces Français, dans l’Algérie livrée au terrorisme islamique, sont restés avec la population qu’ils avaient choisi d’aimer, surmontant toutes les pressions et leurs propres craintes jusqu’au sacrifice du martyre. Le sujet aborde des questions toujours brûlantes : la cohabitation des religions, les types de témoignages, le sens du don de soi, la valeur de la prière, etc. Dans ce contexte, bien des écueils étaient possibles. Il est d’autant plus méritoire que le film ait soulevé une émotion unanime, les spectateurs de Cannes lui réservant une standing ovation et les journalistes de tout bord exprimant leur stupéfaction de ne pas lui voir attribuer la palme d’or.
Regards croisés
De fait, la caractéristique la plus apparente de cette œuvre est le respect : respect de la démarche spirituelle des moines, du rythme matériel de leur vie, des épreuves affectives et mystiques qu’ils traversent ; respect aussi du spectateur, auquel il aurait été facile d’imposer des images gratuitement cruelles et qui se retrouve pris par la main pour progresser aux côtés de ces compagnons en humanité ; respect des acteurs, montrés de façon attachante et quelquefois bouleversante ; respect de la complexité de l’environne - ment algérien, toutes les hypothèses restant possibles à la fin de l’histoire pour expliquer leur meurtre, sans que s’altère jamais leur regard d’amour sur ceux qui les entourent. Ajoutons une photographie magnifique, un ton sobre, une narration exempte de parti pris. Tout semble réuni pour faire de cet épisode admirable, servi par des acteurs convaincants, une œuvre qui bouleversera les foules et pourra introduire à la connaissance de ce que le christianisme porte en lui de meilleur.
Un cinéma adolescent
D’où vient alors ce sentiment d’insatisfaction palpable au sortir de la salle ? Au moins de deux éléments. D’abord, tout est à sa place : les moines à la chapelle, le médecin à l’infirmerie, l’anxieux à gémir, le doyen à sourire sagement. Mais précisément, tout est comme il doit être : rien ne surprend. Au lieu d’une communauté vivante, nous avons un assemblage de caractères juxtaposés de façon rectiligne. Sur tout, les dernières scènes rompent avec la sobriété du ton : le spectacle des moines chantant tels une équipe de rugby face aux hélicoptères et la scène du dernier repas, où une musique assourdissante accompagne un pathétique hors de mise, font l’effet de caprices d’adolescent essayant de s’émouvoir lui-même en mettant son MP3 à plein volume. La fin est alors non seulement prévisible dans sa forme, mais déconnectée de ce qui précède quant au fond. D’autant plus précieuses sont donc les séquences où Frère Luc, interprété par un Michael Lonsdale prodigieux, nous déroute et parfois nous fait rire par son trop-plein d’humanité : là se laisse pressentir la saveur véritable du don auquel ces hommes ont consenti, et qui est un don de vie. • P. Denis Dupont-Fauville
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