“L’égale dignité de toutes les personnes” – Compendium de la doctrine sociale de l’Église
29 juin 2004
« Au cours de son histoire et, en particulier, ces cent dernières années, l’Église n’a jamais renoncé — selon les paroles du Pape Léon XIII — à dire “le mot qui lui revient” sur les questions de la vie sociale. »
144 « Dieu ne fait pas acception des personnes » (Ac 10, 34 ; cf. Rm 2, 11 ; Ga 2, 6 ; Ep 6, 9), car tous les hommes ont la même dignité de créature à son image et à sa ressemblance. [1] L’Incarnation du Fils de Dieu manifeste l’égalité de toutes les personnes quant à leur dignité : « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,28 ; cf. Rm 10, 12 ; 1 Co 12, 13 ; Col 3, 11).
Étant donné que sur le visage de tout homme resplendit quelque chose de la gloire de Dieu, la dignité de chaque homme devant Dieu constitue le fondement de la dignité de l’homme devant les autres hommes. [2] En outre, c’est aussi le fondement ultime de l’égalité et de la fraternité radicales entre les hommes, indépendamment de leur race, nation, sexe, origine, culture et classe.
145 Seule la reconnaissance de la dignité humaine peut rendre possible la croissance commune et personnelle de tous (cf. Jc 2, 1-9). Pour favoriser une telle croissance, il est particulièrement nécessaire de soutenir les plus petits, d’assurer effectivement des conditions d’égalité entre l’homme et la femme, et de garantir une égalité objective entre les diverses classes sociales devant la loi. [3]
Dans les rapports entre peuples et États également, des conditions d’équité et de parité constituent le présupposé d’un progrès authentique de la communauté internationale. [4] Malgré les avancées dans cette direction, il ne faut pas oublier qu’il existe encore de nombreuses inégalités et formes de dépendance. [5]
À la reconnaissance de l’égale dignité de chaque homme et de chaque peuple doit correspondre la conscience que la dignité humaine ne pourra être protégée et favorisée que sous une forme communautaire, par l’humanité tout entière. Ce n’est que grâce à l’action concordante d’hommes et de peuples sincèrement intéressés au bien de tous les autres que l’on peut atteindre une fraternité universelle authentique ; [6] vice versa, la persistance de conditions de très grave disparité et inégalité appauvrit tout le monde.
146 Le « masculin » et le « féminin » différencient deux individus d’égale dignité, qui ne reflètent cependant pas une égalité statique, car la spécificité féminine est différente de la spécificité masculine et cette diversité dans l’égalité est enrichissante et indispensable pour une vie sociale harmonieuse : « Si l’on veut assurer aux femmes la place à laquelle elles ont droit dans l’Église et dans la société, une condition s’impose : l’étude sérieuse et approfondie des fondements anthropologiques de la condition masculine et féminine, visant à préciser l’identité personnelle propre de la femme dans sa relation de diversité et de complémentarité réciproque avec l’homme, et cela, non seulement pour ce qui regarde les rôles à jouer et les fonctions à assurer, mais aussi et plus profondément pour ce qui regarde la structure de la personne et sa signification ». [7]
147 La femme est le complément de l’homme, comme l’homme est le complément de la femme : la femme et l’homme se complètent mutuellement, non seulement du point de vue physique et psychique, mais aussi ontologique. Ce n’est que grâce à la dualité du « masculin » et du « féminin » que l’« humain » se réalise pleinement. C’est « l’unité des deux », [8] à savoir une « unidualité » relationnelle, qui permet à chacun de percevoir le rapport interpersonnel et réciproque comme un don qui est en même temps une mission : « À cette “unité des deux” sont confiées par Dieu non seulement l’œuvre de la procréation et la vie de la famille, mais la construction même de l’histoire ». [9] « La femme est une “aide” pour l’homme comme l’homme est une “aide” pour la femme ! » : [10] dans leur rencontre se réalise une conception unitaire de la personne humaine, basée non pas sur la logique de l’égocentrisme et de l’autoaffirmation, mais sur celle de l’amour et de la solidarité.
148 Les personnes handicapées sont des sujets pleinement humains, titulaires de droits et de devoirs : « en dépit des limites et des souffrances inscrites dans leur corps et dans leurs facultés, [elles] mettent davantage en relief la dignité et la grandeur de l’homme ». [11] Étant donné que la personne porteuse de handicap est un sujet avec tous ses droits, elle doit être aidée à participer à la vie familiale et sociale sous toutes ses dimensions et à tous les niveaux accessibles à ses possibilités.
Il faut encourager avec des mesures efficaces et appropriées les droits de la personne handicapée : « Il serait profondément indigne de l’homme et ce serait une négation de l’humanité commune de n’admettre à la vie sociale, et donc au travail, que des membres dotés du plein usage de leurs moyens, car, en agissant ainsi, on retomberait dans une forme importante de discrimination, celle des gens forts et sains contre les personnes faibles et les malades ». [12] Une grande attention devra être accordée non seulement aux conditions de travail physiques et psychologiques, à la juste rémunération, à la possibilité de promotions et à l’élimination des différents obstacles, mais aussi aux dimensions affectives et sexuelles de la personne handicapée : « Elle aussi a besoin d’aimer et d’être aimée, a besoin de tendresse, de proximité et d’intimité », [13] selon ses possibilités et dans le respect de l’ordre moral, qui est le même pour les personnes saines et pour celles qui sont porteuses d’un handicap.
– Lire le Compendium de la doctrine sociale de l’Église sur le site du Vatican.
[1] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, 1934.
[2] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Const. past. Gaudium et spes, 29 : AAS 58 (1966) 1048-1049.
[3] Cf. Paul VI, Lettre apost. Octogesima adveniens, 16 : AAS 63 (1971) 413.
[4] Cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris : AAS 55 (1963) 279-281 ; Paul VI, Discours à l’Assemblée Générale des Nations Unies (4 octobre 1965), 5 : AAS 57 (1965) 881 ; Jean-Paul II, Discours à l’Assemblée Générale des Nations Unies pour la célébration du 50ème anniversaire de sa fondation (5 octobre 1995), 13 : L’Osservatore Romano, éd. française, 10 octobre 1995, p. 7.
[5] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Const. past. Gaudium et spes, 84 : AAS 58 (1966) 1107-1108.
[6] Cf. Paul VI, Discours à l’Assemblée générale des Nations Unies (4 octobre 1965), 5 : AAS 57 (1965) 881 ; Id., Encycl. Populorum progressio, 43-44 : AAS 59 (1967) 278-279.
[7] Jean-Paul II, Exhort. apost. Christifideles laici, 50 : AAS 81 (1989) 489.
[8] Jean-Paul II, Lettre apost. Mulieris dignitatem, 11 : AAS 80 (1998) 1678.
[9] Jean-Paul II, Lettre aux femmes, 8 : AAS 87 (1995) 808.
[10] Jean-Paul II, Angelus Domini (9 juillet 1995) : L’Osservatore Romano, éd. française, 11 juillet 1995, p. 1 ; cf. Congregation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican 2004.
[11] Jean-Paul II, Encycl. Laborem exercens, 22 : AAS 73 (1981) 634.
[12] Jean-Paul II, Encycl. Laborem exercens, 22 : AAS 73 (1981) 634.
[13] Jean-Paul II, Message au Symposium international sur le thème « dignité et droits de la personne atteinte d’un handicap mental » (5 janvier 2004) : L’Osservatore Romano, 9 janvier 2004, p. 5.