La Voix de l’Ain : « Être né d’un père et d’une mère » par Xavier Lacroix
Comment se fait-il que le simple fait de prier « pour que tout enfant puisse grandir avec un père et une mère » se voie accusé de diviser l’opinion publique, de s’immiscer dans le débat politique ? Il faut vraiment que les esprits aient été formatés à la pensée unique pour que de telles accusations trouvent un écho.
Lorsque l’Eglise manifeste des réticences face à l’institution du mariage curieusement dénommé « homosexuel », ce n’est pas par homophobie : on peut parfaitement partager ces réticences et être par ailleurs fort accueillant envers les personnes concernées. On peut même ressentir cette orientation et partager ce point de vue (j’en ai reçu des témoignages).
Surtout, ce ne sont pas des arguments religieux qui sont avancés, mais le souci du bien des personnes, à commencer par les plus petits, les plus faibles, les enfants.
En effet, qu’est-ce que le mariage ? Il n’est pas seulement la « célébration sociale de l’amour », comme il a pu être dit. Il est une institution, la seule institution qui articule conjugalité et parenté, autrement dit qui fonde une famille. Le mariage est la fondation d’une famille. Dès lors, tous les français qui sont favorables à son extension « à tous les couples » en étant hostiles à l’adoption (ou aux procréations assistées) pour les couples de même sexe, ne sont pas très cohérents : le mariage ouvrira forcément sur la filiation. D’une part cela tient à sa définition universelle, d’autre part on aurait tôt fait de crier à la discrimination si certains couples mariés pouvaient être parents et pas d’autres. C’est ce qui s’est passé en Belgique.
Or, il n’est pas difficile de voir que la différence sexuée entre leur père et leur mère fait a priori partie des biens élémentaires pour un enfant.
C’est du point de vue de l’enfant que la question doit être envisagée, et non du point de vue des adultes, de leurs manques, de leurs frustrations ou de leurs désirs. La question n’est pas celle de la qualification de l’homosexualité, encore moins celle de la capacité des sujets homosexuels à aimer et éduquer. Elle est celle de l’institutionnalisation, c’est-à-dire de la codification par la loi, elle même expression du corps social, d’une structure familiale. Il ne s’agit pas seulement de gérer ou d’accompagner des situations particulières, pour lesquelles des dispositions légales largement suffisantes existent déjà [1]. Il s’agirait d’ériger en norme, par la loi, que des dizaines de milliers d’enfants puissent a priori être privés des trois biens élémentaires suivants :
1. De la différence entre deux repères identificatoires, masculin et féminin, dans l’univers de leur croissance intime. Ni le masculin ni le féminin ne récapitulent tout l’humain. Qu’il soit garçon ou fille, l’enfant a donc besoin d’un jeu subtil d’identifications et différenciations avec ses deux instances paternelle et maternelle. Cela a été étudié avec minutie par une littérature scientifique surabondante. On sait par exemple que le petit garçon, au cours de sa deuxième année a besoin de s’identifier à un père masculin pour le développement de son identité mâle. On sait combien il est important, pour la petite fille, d’être admirée, cajolée, confirmée dans sa féminité par le regard paternel. Mais, par un étrange phénomène d’amnésie collective, le discours régnant fait froidement table rase de tout cet acquis.
2. De la continuité, lorsque cela est possible, entre le couple procréateur et le couple éducateur. La quête douloureuse de leur origine par les enfants nés « sous x », les difficultés propres à l’adoption indiquent bien que les ruptures dans l’histoire, les dissociations entre les différentes composantes de la parenté sont autant de complications dans la vie de l’enfant. Dès lors, il est souhaitable qu’à la discontinuité liée à l’adoption ne vienne pas s’ajouter une seconde discontinuité, à savoir la perte de l’analogie entre le couple d’origine et le couple éducateur.
3. Le troisième bien élémentaire pour l’enfant sera une généalogie claire et cohérente, lisible. Nous sommes dans un système généalogique cognatique, c’est-à-dire à double lignée. Or, on ne change pas un système de parenté millénaire par petites touches. Il forme un tout cohérent.
Voici quelques uns des biens humains élémentaires qui sont en cause. L’Eglise en ce débat n’avance pas d’argument d’autorité, elle ne se réfère pas à une Révélation, mais elle est sensible au bien des personnes, à la vérité des mots « père » et « mère », au sort des plus petits.
Xavier Lacroix
Académie catholique de France
Comité Consultatif National d’Ethique
Article rédigé pour La Voix de l’Ain.
[1] Voir X. L. La confusion des genres, Paris, Bayard 2005, p. 80.