« Benoît XVI nous a fait confiance »

Paris Notre-Dame du 28 février 2013

Mgr Éric de Moulins-Beaufort, évêque auxiliaire.
© Ariane Rollier

P.N.-D. - Pourquoi convier les Parisiens à prier pour le pape quand il quitte sa charge ?

Mgr Éric de Moulins-Beaufort – Quand Benoît XVI est entré en fonction, il s’est défini lui-même comme « un humble serviteur dans la vigne du Seigneur » : il a fortement demandé la prière de toute l’Église pour l’aider dans sa charge. Cette prière, nous l’avons portée. La charge du pape n’est pas une charge de simple organisation humaine ; il s’agit d’essayer de conduire l’Église selon la volonté de Dieu. Puisque Benoît XVI remet sa fonction, il paraît important de rendre grâce des fruits reçus et de ceux qui seront encore reçus de la part de ce bon serviteur. C’est aussi une manière de l’accompagner dans cette nouvelle phase de sa vie et de nous aider mutuellement à nous préparer au pontificat suivant.

P. N.-D. - Quelles sont, à vos yeux, les principales caractéristiques du pontificat de Benoît XVI ?

E. de M.-B. – Une image très significative me reste : celle des grands silences dans lesquels Benoît XVI a su introduire les assemblées, que ce soit à Lourdes autour de l’adoration du Saint-Sacrement ou aux JMJ de Cologne, Sydney et Madrid. Cela me paraît très caractéristique d’un aspect de ce que Benoît XVI a voulu faire : l’Église comme une communion de foi essayant d’être le plus fidèle au Christ au milieu de ce monde, pour en porter la lumière autour d’elle. Deuxièmement, on retiendra de lui ses trois grandes encycliques. En chacune, il a réussi à indiquer un chemin vers le cœur du christianisme, comme amour de Dieu qui vient à nous mais qui veut passer à travers notre cœur : un amour tout à la fois doux et brûlant, décapant, transformant. Il l’a fait à sa manière, c’est-à-dire très douce. Ce ne sont pas des textes compliqués à lire, mais il y récapitule toute la tradition spirituelle de l’Église et des pans entiers de la culture mondiale. Troisièmement, il a fait beaucoup progresser l’Église dans son rapport avec le monde séculier. Je pense notamment à ses discours sur la culture aux Bernardins, à Prague, au Parvis des gentils mais aussi à Westminster, en Allemagne ou au Portugal. Pour lui, l’État n’est pas un prolongement de l’Église et l’Église n’est pas non plus une fonction de l’État, et c’est très bien ainsi. Cette distinction doit être le moteur d’une recherche toujours ardente du bien moral et de la vérité. Je crois qu’on peut aussi retenir tout son effort pour aider les prêtres à comprendre leur mission véritable dans l’Église, avec cette insistance qu’il a eue à plusieurs reprises de dire que les laïcs ne sont pas des collaborateurs des curés, mais des coresponsables de la mission de l’Église.

P. N.-D. - Vous avez côtoyé le pape lors de sa venue en France en 2008, puis à Rome lors de votre visite ad limina l’automne dernier. Qu’en retenez-vous ?

E. de M.-B. – J’ai perçu chez Benoît XVI un regard à la fois très encourageant et exigeant, paternel et fraternel. Il n’a jamais donné de consignes, mais il nous a encouragés, nous les évêques et les catholiques de France, à vivre le mieux possible ce que nous avions à vivre parce que notre expérience singulière peut particulièrement enrichir l’Église. Benoît XVI nous a beaucoup renvoyés à nos responsabilités d’évêques, en nous disant qu’il nous faisait confiance. Un de ses efforts pendant son pontificat a été d’éviter qu’il y ait un schisme dans l’Église. Cela concernait spécifiquement la France. Il part sans que cela soit totalement réglé. L’encouragement à ce que les fidèles s’accueillent mutuellement dans leur diversité reste pour nous une exigence. • Propos recueillis par Ariane Rollier

Benoît XVI