Cœurs purs

Roberto De Paolis

Roberto De Paolis, 2017. Critique du Père Denis Dupont-Fauville.

Au début du film, un homme court après une jeune fille ; étonnamment, elle lui résiste : il ne la rattrape que lentement, traversant derrière elle les paysages de la banlieue romaine. À la fin du film, la même jeune fille court vers lui et le rejoint au centre de leur quartier. Dans le premier cas, il veut la capturer après qu’elle a enfreint les règles ; dans le second, elle veut le libérer pour lui éviter de commettre l’irréparable. Mais la séquence initiale aura ouvert aux protagonistes une route nouvelle, tandis que le dernier plan leur permettra de s’attacher pleinement l’un à l’autre.

Peut-être cette évocation permet-elle de pressentir combien Cœurs purs, avec des moyens très simples, nous raconte un récit mûrement réfléchi. Déployant des nuances d’une infinie subtilité, il entraîne le spectateur, loin de tout manichéisme, sur un chemin de liberté.

L’argument tient en peu de phrases. Agnese, surprotégée par une mère inquiète, rencontre Stefano, à peine plus âgé qu’elle et peinant à trouver un travail, tantôt vigile de centre commercial et tantôt gardien de parking. Entre la catholique ingénue et le marginal en recherche d’insertion, une fascination réciproque s’instaure. Les amies de l’une s’exaltent en parlant de virginité avant le mariage, les compagnons de l’autre revendent de la drogue. Elle ne peut faire un pas sans en répondre à sa mère, il tente d’éviter l’expulsion de ses parents. Jeunes sans beaucoup d’avenir, dans une société plus préoccupée de soigner sa mauvaise conscience en accueillant des réfugiés… Pourtant, entre ces deux-là, la confiance est immédiate. Guère de mots communs, simplement le désir de s’accueillir mutuellement, qui conduira chacun à se surpasser soi-même et à apprendre le langage de l’autre.

À travers toute une galerie de personnages profondément humains, la musique de l’Italie croise le désenchantement de notre monde. Le réalisateur ne juge pas, montrant aussi bien les tensions concrètes de la société que les écueils d’un idéalisme naïf. Qui peut croire que cet homme et cette femme pourront s’aimer vraiment, quand tout leur entourage semble avoir échoué ? Comment garantir que le discours éminemment positif du curé de paroisse ne se brisera pas sur les faiblesses du cœur humain ? Au cœur de toutes ces contradictions et irréductible à elles, l’élan de ces deux corps l’un vers l’autre, la force de vie de ces deux cœurs à la fois humbles et exigeants.

Porté par le charme de ses interprètes, Cœurs purs médite avec délicatesse sur notre capacité d’aimer malgré tout. S’il n’est pas destiné à un public trop jeune , il pourra néanmoins aider à découvrir comment la vie est plus forte que nos conditionnements et comment l’intensité des sentiments ne s’oppose pas à la recherche de la vérité.

Denis Dupont-Fauville, 18 janvier 2018

Cinéma