Conte de Noël - Chapitre 4

Nous sommes le 24 décembre, quatrième dimanche de l’Avent. Dans le Royaume prisonnier de l’hiver, Jade, devenue aveugle, est prisonnière du Régent. Son frère Adam et sa sœur Alba sont partis dans la montagne chercher le secours d’un Sage avec Régis, l’héritier légitime du Royaume. Mais ils sont attaqués par un loup dans la montagne, et Adam tombe dans le vide. Écoutez le conte avec la vidéo ou lisez-le ci-dessous !

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Présentation des personnages

L’épisode 4

Chapitre 4 - Un conseil dans la nuit

Le loup avait presque atteint Alba… Quand Régis poussa un cri de victoire. Au moment même où Adam tombait, une grande forme ailée le rattrapa en plein vol !

− Un aigle ! C’est un aigle ! Nous sommes sauvés !

Deux autres aigles, au large dos et aux grandes ailes, attrapèrent à leur tour Alba et Régis. Les mâchoires du loup claquèrent dans le vide : les trois enfants s’échappaient !

Les trois grands aigles planèrent au-dessus du glacier, franchirent d’un battement d’aile une muraille de pierre déchiquetée et se posèrent avec délicatesse près d’un lac. Le grand aigle qui avait rattrapé Adam s’inclina devant Régis et lui adressa la parole.

− A votre service, mon prince. Je crois que nous sommes arrivés juste à temps. Un corbeau a croisé Ivan il y a quelques heures. Il nous a fait passer le message par son beau-frère, un choucas dont le nid se trouve sur notre aire. Nous nous sommes mis en vol immédiatement, car nous avions entendu dire qu’un loup rôdait sur le glacier. Sans doute un allié du Régent. En tout cas, vous voilà arrivés : de l’autre côté du lac se trouve la maison du Sage. Il suffit de suivre le chemin.

Les rives du lac étaient prises dans la glace. Au centre, une eau argentée reflétait la lumière des étoiles. Tout autour se dressaient de hautes murailles naturelles, qui brillaient de mille stalactites... Ils avaient l’impression d’être tombés dans l’écrin d’un bijou précieux. De l’autre côté du lac, sur une petite hauteur, la cheminée d’un grand refuge fumait. Derrière les vitres, on voyait de la lumière, et cette vision était bien réconfortante après leurs aventures dans la montagne.

Régis se mit en route vaillamment. C’était la deuxième fois qu’on l’appelait “prince”, et il ne voulait pas décevoir ces gens qui croyaient déjà en lui. Adam et Alba lui emboitèrent le pas, s’efforçant de paraître plus solides qu’ils ne se sentaient. Ils montèrent rapidement l’escalier de pierre qui menait au refuge. Un grand vieillard à la longue barbe les attendait sur le seuil.

− Bienvenue, Régis. Et bienvenue à vous, Adam et Alba. Entrez vous réchauffer, mes enfants. Vous êtes courageux d’être monté si haut, et j’aimerais que ce soit la fin de vos aventures… Mais je crains que ce ne soit pas le cas.

Bientôt, ils furent tous assis dans de grands fauteuils confortables autour du feu, une tasse de thé bien chaude entre les mains. Près de la fenêtre, des cristaux de glace brillants et des grosses boules rouges décoraient un sapin couronné d’une étoile sculptée dans du bois. Le Sage s’était assis aussi et ajoutait une bûche au feu. Régis prit une grande inspiration avant de parler.

− Monsieur, euh, le Sage…
− Appelez-moi Helori.
− Nous sommes venus parce que…
− Je sais pourquoi vous êtes là.
− Je ne suis pas supposé le dire, mais ça commence à se savoir, donc autant me présenter…
− Je sais qui tu es, Régis.

Régis avala sa salive. Puisqu’il savait tout, qu’attendait-il pour les aider ?

− Tu t’appelles Régis, tu es le prince héritier et tu as perdu l’étoile-fruit qui devait te servir à revendiquer le trône. Celle-ci a été ramassée par la petite sœur des jumeaux que voici, Jade. Le Régent l’a récupérée et ne veut pas te la rendre. Si tu ne récupères pas l’étoile-fruit, le monde restera dans la nuit et dans l’hiver… Cela n’arrange personne, sauf le Régent qui peut vendre son charbon. Tout le monde est prêt à t’aider, mais c’est parce que tout le monde ne s’intéresse qu’à la lumière et à la chaleur de l’étoile-fruit.
− Et vous, l’interrompit Alba, ça ne vous intéresse pas ?
− Le lac est si merveilleux au printemps, lorsque les rhododendrons et les arnicas sont en fleur, soupira Helori. Les ruches donnent leur meilleur miel, et partout, le bruit de l’eau est la plus belle des musiques. Les neiges éternelles brillent au soleil et les chamois viennent boire l’eau du torrent…

Il sembla perdu dans le souvenir de beautés anciennes, puis se reprit.

− Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle je souhaite le retour du Roi. Les arbres sont malades partout : il suffirait au Roi de les toucher pour leur rendre leur vigueur d’antan. Il guérirait aussi les blessures de la montagne, abîmée par les mines. Il guérirait enfin les hommes et les femmes et les enfants affaiblis par l’hiver.

Dans leur corps, mais aussi dans leur âme… Tous les bergers le savent : quand un troupeau n’a plus de berger, il se perd dans la montagne et devient la proie des loups, et les bêtes commencent à se battre entre elles. C’est pareil avec les humains. Le Régent sème la zizanie. Les gens deviennent égoïstes et lâches. Ils se trahissent les uns les autres, ils ne s’intéressent plus qu’à leur petit confort. C’est pour cela que nous avons besoin d’un roi.

− Mais… Je ne sais pas si je serai un bon roi, souffla Régis, qui avait l’air très inquiet.
− Oh, tu ne peux pas être pire que le Régent ! assura Alba.
− Bien dit, Alba ! renchérit Adam. De toute façon, toi au moins, tu as le cœur au bon endroit. Tu te soucies des gens, tu veux leur venir en aide. Tu es là aussi pour aider Jade !
− J’ai été choisi parce que mon père était le roi, et que je suis son fils, c’est tout, murmura Régis.
− Oh, je ne dirais pas cela, reprit le Sage. Les événements de ce monde ne sont pas gouvernés par le hasard. Tu as été choisi, Régis, et avec toi, on peut dire qu’Adam, Alba et Jade ont été choisis aussi pour t’aider à mener à bien ta mission. Concentrez-vous sur ce que vous devez faire, et vous comprendrez un jour.
− Ce qu’on doit faire ? On doit récupérer une étoile-fruit ! se rappela Alba.

Le Sage baissa les yeux vers le feu.

− Hélas, soupira-t-il. Le Sylastre ne pousse qu’une seule fois, lorsqu’un héritier naît. Je vais le cueillir moi-même, et je peux vous assurer qu’il n’y en a pas d’autres…
− Alors, c’est fichu, grogna Alba. Pourtant, on ne peut pas laisser tomber notre petite soeur !
− Non, vous ne pouvez pas, mes enfants. Votre devoir est sans doute de retourner auprès d’elle. Mais gardez espoir. Un poète de votre monde a écrit un jour : “c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière”. Le Régent n’est qu’un homme, après tout. Un homme ne peut pas lutter éternellement contre tout un monde…

Les enfants n’osaient pas se regarder. Comment sauver Jade, et la forêt, et tout le royaume ? Mais bien vite, Adam redressa la tête.

− Vous disiez que la mission du roi était d’apporter la lumière et la guérison ? demanda-t-il d’un air pensif.
− Où veux-tu en venir ? dit Alba.
− Rien… J’ai comme l’impression que ça me rappelle vaguement quelque chose… Quelque chose… Que j’aurais entendu à l’école…

Le visage d’Alba s’éclaira soudain.

− Oui ! s’exclama-t-elle. Moi aussi ! Mais attends…
− Oh ! Oh, je crois que je tiens une idée !

Les jumeaux se regardèrent, tout excités. Régis ne comprenait pas, mais Helori souriait dans sa barbe.

− Régis, écoute-moi : pour le moment, tout ce que nous devons faire, c’est libérer Jade.
− Et la forêt ? Et l’étoile-fruit ?
− Nous t’avons fait confiance jusqu’ici, n’est-ce pas ? Maintenant, c’est à ton tour de nous faire confiance ! assura Adam d’un air sérieux.
− Une confiance… aveugle ! ajouta Alba.

Les jumeaux se mirent à rire comme s’ils avaient fait une bonne plaisanterie.

Dans sa prison, Jade avait d’abord attendu avec espoir. Mais les jours étaient passés. Elle commençait sérieusement à désespérer, d’autant que le médecin de la prison était venu la voir. Son verdict était sans appel : elle resterait aveugle toute sa vie. Elle avait d’abord beaucoup pleuré, mais à présent, elle n’avait plus de larmes. D’après ses calculs, cette nuit-là était celle du 24 décembre : cela faisait trois jours qu’elle était prisonnière. Insouciant de la nuit dans laquelle Jade était plongée, un coq chantait, l’empêchant de dormir… Soudain, elle entendit une voix juste à côté d’elle !

− Bonjour, mademoiselle. Vous êtes bien Jade ?

Elle se redressa sur sa couchette. Elle ne voyait pas, donc elle ne savait pas qu’un tout petit bonhomme venait de sauter par la fenêtre !

− Je m’appelle Ivan, et je suis le chancelier du Petit Peuple de la forêt. Le prince Régis m’envoie pour vous aider à fuir. Nous allons limer les barreaux de la fenêtre, ensuite nous vous guiderons vers la sortie. Votre frère et votre sœur vous retrouveront à la porte sud du palais.

Jade mit en vitesse ses chaussures, son coeur battant la chamade : Adam et Alba avaient réussi ! Elle entendait des bruits de grincement et de frottement… Les barreaux cédaient les uns après les autres. Sur un signal, elle escalada la fenêtre à tâtons. On lui demanda de sauter : elle espéra que ce n’était pas trop haut… Mais non, tout se passa bien ! Elle suivit la voix d’Ivan, monté sur une hirondelle, car son merle avait disparu depuis la veille. Après une rapide course, elle entendit deux voix qu’elle connaissait bien…

− Alba ! Adam !

Elle se jeta dans les bras des jumeaux. Hélas ! A ce moment, des voix d’hommes résonnèrent tout autour d’eux.

− Au nom de la loi, je vous arrête !

Ils étaient encerclés par les gardes qui tenaient leurs lances pointées vers eux. Le chef de la garde s’avança. Il tenait sous le bras une boîte couverte d’un tissu.

− Alors, ricana-t-il, vous aviez cru me berner ? Vous êtes tombés dans mon piège !
− Comment a-t-il fait ? murmura Régis.

Mais le chef de la garde l’avait entendu. Il posa au sol la boîte qu’il tenait sous le bras et retira le tissu qui la couvrait. C’était une cage, et dans la cage, il y avait le pauvre merle d’Ivan, les ailes repliées sur la tête !

− Il m’a suffi d’emprisonner les oisillons de votre petit ami. S’il ne me dévoilait pas tout votre plan, couic les petits oisillons !
− Ce chantage est affreux. Vous n’avez vraiment aucune morale, dit Régis fermement.
− De la morale ? Mais pourquoi faire ? Grâce à mon habileté, vous passerez en jugement aujourd’hui même. Vous serez tous condamnés pour haute trahison, et moi je vais surement avoir une belle récompense.

Caché sur la cime d’un sapin, Ivan, qui avait réussi à se glisser hors de vue, regarda partir les quatre enfants ligotés. Les jumeaux restaient proches l’un de l’autre, Régis avançait bien droit, et Jade trébuchait à chaque pas parce qu’elle n’y voyait rien.

− Zut de flûte, siffla-t-il entre ses dents. Je me demande vraiment comment on va sortir de ce pétrin, maintenant.

Rendez-vous le 25 décembre pour connaître la suite de l’histoire !

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