Dumbo
Tim Burton
Tim Burton, 2019.
Sic (non) transit
Voici un film qui arrivait en mettant tout de son côté. Son thème : l’histoire de Dumbo dans la version du dessin animé a ému des générations entières. La rumeur : après des années en demi-teinte, il se disait que Tim Burton se montrait de nouveau en pleine possession de ses moyens. La curiosité : les possibilités atteintes par l’animation en 3D allaient-elles lui permettre de surprendre et toucher autant que l’ancien récit en deux dimensions ?
Hélas, la 3D est la seule dimension qui se soit ajoutée à l’histoire originelle. Toutes les autres ont disparu. Dès les premières images, les couleurs qui se veulent oniriques aboutissent à des compositions criardes et disgracieuses. La fantaisie évacue la poésie. Les mouvements de caméra sont gratuits, le foisonnement trop bouillonnant, les acteurs sans sentiments, les dialogues sans contenu et les pistes du scénario sans issues. Tout en prétendant critiquer les parcs d’attraction (ruse ultime des studios Disney à l’endroit du politiquement correct), la version de Burton ne fait que revisiter le vrai film avec le clinquant, les exagérations et les raccourcis d’un parcours de parc Disney. Le spectateur, embarqué sur des rails, va de coup de poing visuel en surprise technique sans jamais vraiment vibrer.
À la réflexion, le responsable n’est pas seulement l’hybris d’un réalisateur incapable de s’effacer derrière ses personnages. C’est aussi le cadre mental d’une culture nourrie au jeu vidéo et incapable d’affronter le temps qui passe. Un bébé est séparé de sa mère ? Il la retrouvera trois fois. Un soldat revient manchot des combats ? Il gravira un chapiteau avec son seul bras et l’allégresse d’un boy scout. Un éléphant doit apprendre à voler ? Il le fera sans efforts, par une série de trucs surgis du hasard et de la nécessité. Rien n’est unique, rien n’est définitif, tout est répété [1]. Pas de perte possible. Pas d’émotion durable [2]. La fin l’illustre platement, qui pourrait ouvrir sur le thème de la traversée et de la rencontre et qui se précipite vers le retour à une nature fantasmatique et primordiale. Pauvre bébé éléphant, si rentable à décliner qu’il ne peut même pas grandir.
P. Denis DUPONT-FAUVILLE
28 avril 2019
[1] Y compris les thématiques : alors que deux enfants orphelins doivent s’occuper d’un orphelin, il n’en surgit aucune autre solidarité ou espérance que la simple superposition des faits. Comme un miroir sans reflets.
[2] Ce qui se rapproche le plus d’une émotion est sans doute le premier regard de l’œil bleu de l’éléphanteau. Prodige technique, assurément, mais qui ne renvoie à rien.