La Parole sous le signe

Paris Notre-Dame du 25 février 2021

Bravant l’isolement de la pandémie, les fidèles sourds et malentendants parisiens viennent recevoir la parole de Dieu au cours d’une messe en langue des signes française (LSF) qui leur est dédiée deux fois par mois en plein cœur de Paris. Courte plongée dans cette communauté fervente, au silence habité par le sens.

© Mathilde Morandi

Il faut s’inscrire en avance et la jauge est toujours atteinte. Un dimanche sur deux, une vingtaine de fidèles sourds ou malentendants se retrouvent rue Saint-Jacques, dans la chapelle du premier étage de l’Institut national des jeunes sourds (5e). Du gel à l’entrée, un masque obligatoire, chacun prend place sur des chaises espacées les unes des autres pour marquer une distance sanitaire. De près comme de loin, les regards se croisent, les mots jaillissent sous les doigts et fusent d’un bout à l’autre de la salle. C’est tout un réseau de signes silencieux et animés qui se tisse et abolit la distance. En temps normal, entre cinquante et quatre-vingts fidèles malentendants assistent à ces messes signées mises en place depuis une dizaine d’années par la pastorale des Sourds du diocèse de Paris. Slalomant entre les fidèles qu’il salue avec chaleur, le P. Paul Diemert, aumônier régional des sourds, monte vers l’autel célébrer la messe, secondé par une interprète en LSF. Seul prêtre bilingue de Paris, ses paroles, plus articulées, accompagnées de gestes et d’expressions en LSF, donnent un éclairage incarné aux mots de la liturgie. « Jésus » ainsi se traduit par un signe qui montre avec le majeur l’emplacement des stigmates sur chaque main. Avec « amitié », les doigts recourbés des deux mains se rejoignent sur le cœur. Pour cet entendant qui invite à « se plonger dans le monde des sourds », « célébrer la messe demande une grande présence physique, car c’est toute la personne qui est là », assure-t-il en ajoutant qu’il est toujours « ému » par la grande capacité de tous à se concentrer. L’un après l’autre, les lecteurs qui signent la Bible se succèdent face à l’assemblée.
À leur gauche défi lent les textes de la liturgie sur un écran projeté, pour permettre aux malentendants qui ne maîtrisent pas bien la LSF de suivre.

Livia, jeune maman d’un bébé dont elle prépare le baptême s’avance pour lire un psaume qu’elle a préparé en amont en regardant une vidéo. Son beau profil tourné vers le ciel, elle s’adresse à Dieu d’abord et entonne avec des gestes amples, où il semble qu’elle donne et reçoit en même temps : « Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures. » Elle témoigne après la messe : « Il semblait que Jésus était là avec moi. Cela apporte paix et sagesse de pouvoir lire devant une assemblée. C’est important de comprendre et parler la parole de Dieu. » Equipée d’un masque transparent pour permettre la lecture labiale, appui visuel dont le masque classique prive les malentendants, Agnès Khouas-Petit s’avance vers l’autel pour les annonces. De ses longs doigts fins et le visage rayonnant, elle dit espérer comme beaucoup que le pèlerinage prévu à Lourdes (Hautes-Pyrénées) ait toujours lieu cette année. Pivot depuis deux ans de la pastorale des Sourds au sein du vicariat pour les personnes handicapées, la jeune femme œuvre pour la meilleure inclusion des fidèles dans les paroisses de Paris. « Nous aurions aussi besoin que des prêtres se forment à la LSF pour pouvoir communiquer directement avec les personnes sourdes, célébrer les messes en LSF et faciliter l’accès aux sacrements », encourage-t-elle avec un immense sourire.

Mathilde Morandi

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