La vulnérabilité d’un Dieu fait bébé
Dans son best-seller Deux petits pas sur le sable mouillé, Anne-Dauphine Julliand raconte un Noël vécu dans une joie profonde [1], malgré la maladie tragique de sa fille âgée de trois ans. Elle revient sur cette expérience forte.
Comment avez-vous pu être heureuse ce soir de Noël ?
Quand on est malheureux, englouti dans son chagrin, ce qui éprouve le plus n’est pas le malheur, mais le bonheur imposé. C’est pour éviter un Noël glauque à notre fils Gaspard que nous avions accepté que
ma belle-famille vienne chez nous. Mais intérieurement, ce projet ne m’enthousiasmait pas du tout, car je savais que je devrais faire un effort pour faire semblant d’être joyeuse. Or, c’est le Noël le plus incroyable que j’ai jamais vécu. Ce soir-là, nos soucis, nos chagrins ont été balayés. Comment ? Je crois que je me suis laissé faire, que j’ai été portée par ce moment. Je me suis sentie proche de la Vierge Marie devant la vulnérabilité de Jésus tout bébé. J’ai ainsi été invitée à
accueillir la vulnérabilité de Thaïs avec une tendresse, une douceur toute particulière.
Avez-vous gardé cette joie lors des Noëls qui ont suivi ?
Oui, je retrouve cette magie intacte à chaque Noël. Même le suivant qui a eu lieu à quelques jours de la mort de Thaïs, survenue le 20 décembre. Devant la crèche, j’ai ressenti cet état d’abandon, de joie confiante. Noël est toujours pour moi une journée à part, que je revis
avec la même intensité.
Que diriez-vous à des personnes qui souffrent à l’approche du 25 décembre ?
J’aurais envie de leur dire de vivre l’instant de Noël sans compromis, en étant le plus présents possible, en se laissant gagner par la joie. S’il y a un jour de l’année où il faut essayer de s’abandonner dans la confiance, c’est celui-là. Même si cela est difficile, je leur dirais
d’essayer de vivre Noël comme des enfants.
Pourquoi plus spécifiquement à Noël qu’à un autre moment ?
Car Noël est une fête particulière pour tout le monde, qui met en valeur le plus faible, le plus petit. Et cela fait du bien d’accepter cette fragilité, cette vulnérabilité, de faire, quelles que soient les composantes extérieures, cette expérience profonde du bonheur. Je pense qu’au fond, rien ne peut empêcher ce bonheur de l’abandon, cette sérénité, cette joie.
Propos recueillis par Ariane Rollier
[1] En page 137 de son livre-témoignage publié aux éditions Arènes (mars 2011)
et déjà vendu à plus de 150 000 exemplaires.