La fête de Noël pour les chrétiens
Quelques méditations du cardinal André Vingt-Trois extraites d’homélies de Noël.
Pour les chrétiens, la fête de Noël célèbre la naissance de Jésus, reconnu dans la foi comme Fils de Dieu, le Sauveur attendu, annoncé par les prophètes. En hébreu, « Jésus » signifie « Dieu sauve ». Dieu s’est fait homme – c’est le mystère dit de « l’incarnation » - et il a partagé en tout la condition humaine. Ainsi, en Jésus-Christ, se trouve unis la nature humaine et la nature divine : il est simultanément « vrai homme et vrai Dieu ».
Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe de minuit. Noël 2012
(…) Le Pape nous a invités à vivre une année de la foi, à franchir ensemble la porte de la foi, comme nous l’avons fait symboliquement à l’instant en entrant dans la cathédrale. C’est le Christ qui est Lui-même la porte (comme il nous le dit dans l’évangile de saint Jean), la porte par laquelle nous accédons à la victoire de l’amour sur l’indifférence, à la victoire de la vie sur la mort.
La porte ouverte est la brèche par laquelle le Sauveur entre dans notre monde et, avec lui le salut vient briser le cycle clos de la fatalité. Désormais, l’homme n’est plus abandonné au pouvoir de la mort, l’homme ne peut plus être négligé, il est devenu un être précieux puisque Dieu l’a aimé au point de prendre chair pour le sauver. Aucun homme ne peut plus être abandonné au bord du chemin, car tout homme est appelé à entrer dans la vie de Dieu et à être reconnu comme un frère, puisque Jésus s’est fait son frère.
C’est une espérance extraordinaire qui vient crever la chape de plomb des malheurs humains, « le joug qui pesait sur nos épaules ». Nous ne serons jamais plus des condamnés en sursis, nous sommes devenus des « sauvés » en puissance, des vivants, des bienheureux. Si nous n’étions pas habités par cette certitude que l’amour puissant et miséricordieux du Père prend lui-même en main notre avenir en Jésus, comment pourrions-nous nous réjouir et faire la fête ? Quel goût d’amertume sur nos lèvres si nos banquets et nos friandises n’étaient qu’un ersatz de joie pour nous faire oublier la réalité ! Quels lendemains pâteux et tristes, si nous ne pouvions croire au signe qui nous est donné : « un nouveau-né emmailloté dans une mangeoire » !
Nous sommes ici au cœur même du mystère de l’Incarnation. Notre foi, c’est de reconnaître la puissance de Dieu, révélée en son Messie, dans la faiblesse de cet enfant nouveau-né. En Israël, soumis aux Romains, beaucoup rêvaient d’un messie de gloire qui viendrait avec la toute-puissance divine balayer les ennemis d’Israël. Ils attendaient que Dieu sauve son peuple à mains fortes et à bras étendus. Ils n’imaginaient pas que Dieu nous aime au point de vouloir nous sauver en respectant et en sollicitant notre liberté et notre conversion.
Le Messie, dont témoignent les évangiles, n’est pas une star ou un puissant de ce monde, c’est un enfant emmailloté dans une mangeoire. A qui ce signe peut-il parler ? Sans doute pas aux esprits en quête d’un « nouvel âge » de la religion, séduits par le goût des spiritualités indéfinies qui flattent nos bons sentiments sans jamais demander que notre liberté soit sollicitée ni que nous changions de vie. Finalement ils aiment mieux un Jésus superstar, Robin des Bois de la religion qu’un véritable envoyé de Dieu, Dieu lui-même fait homme.
Ce nouveau-né peut-il parler à nos esprits façonnés par une culture qui a peur des enfants. Une naissance peut-elle être une bonne nouvelle quand l’attente d’un enfant est devenue une hantise identifiée à une catastrophe grave dont on doit se prémunir par tous les moyens et se débarrasser quand ce malheur n’a pu être évité ? Ce nouveau-né peut-il être vraiment accueilli par une culture qui transforme les enfants en bien de consommation au service des désirs des adultes ?
Pour reconnaître le signe de l’enfant nouveau-né, nous devons nous convertir. Non seulement abandonner nos fantasmes sur un salut magique qui nous éviterait toute responsabilité, mais encore changer notre regard sur la vie telle que nous la recevons et que nous devons en assumer la responsabilité. (…)
– Lire l’homélie Mgr André Vingt-Trois lors de la Messe de minuit 2012
Homélie de Mgr André Vingt-Trois - Messe de minuit. Noël 2006
(…) Pour beaucoup, les fêtes de Noël sont un temps d’oubli des dures réalités de la vie quotidienne. Même si on parle moins de la "trêve des confiseurs", on a tendance à vivre ces derniers jours de l’année comme un temps entre parenthèses qui nous apporte un peu de douceur et de chaleur. Malheureusement cette possibilité d’oublier, ne fût-ce que durant quelques jours, les contraintes quotidiennes n’est pas offerte à tous. Elle n’est pas donnée à ceux qui sont les victimes de notre société : ceux qui n’ont plus de travail, plus de logement, parfois plus de nourriture. Elle n’est pas donnée à ceux qui sont abandonnés dans l’isolement de la vieillesse solitaire ou de la maladie grave. Elle n’est pas donnée aux prisonniers entassés dans nos prisons. Elle n’est pas donnée aux enfants privés de leurs parents ou écartelés entre plusieurs foyers. Elle n’est pas donnée à celles et à ceux que la misère ou la violence ont chassés de leurs pays. La liste pourrait être longue encore de tous ceux qui ne peuvent participer à la fête que par le désir ou la nostalgie.
Si j’ai d’abord voulu évoquer ces situations de détresse, ce n’est pas pour assombrir notre fête ou teinter notre joie de mauvaise conscience. C’est parce que le récit de la Nativité nous montre comment la naissance de Jésus a été marquée par les mêmes contraintes et les mêmes misères : "Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune." Comment pourrions-nous fêter la naissance du Christ d’un cœur léger quand tant d’hommes et de femmes ne trouvent pas leur place dans la maison commune de notre société ?
En cette nuit sainte, je veux vous partager l’espérance que Dieu met au cœur des croyants : nous ne sommes pas appelés à oublier les malheurs de cette vie ni à nous réfugier dans un Noël de Disneyland. Nous sommes appelés à affronter les réalités du monde et à espérer parce qu’elles ne pourront pas submerger la puissance de l’amour manifesté en Jésus-Christ.
Quelle est donc notre espérance ce soir ? Une espérance de paix et de joie. Cette paix et cette joie nous sont données réellement, non pas parce qu’elles escamoteraient les difficultés de chacune de nos existences comme par un coup de baguette magique, mais parce qu’elles nous sont offertes avec l’assurance que "Jésus-Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes." C’est par sa grâce que nous sommes rendus capables de surmonter nos faiblesses, nos lâchetés et notre indifférence envers nos frères. C’est par la grâce de cette sainte nuit que nous sommes entraînés à pardonner, à nous réconcilier et à mettre en œuvre la charité de Dieu, son amour pour les hommes. Il fait de nous "un peuple ardent à faire le bien" pour "vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux. "
En cette nuit très sainte, frères et sœurs, laissez l’amour de Dieu manifesté en la naissance de Jésus toucher vos cœurs et vos esprits, laissez-vous remplir de la douceur de cet amour et laissez cette douceur changer votre regard sur votre vie, sur le monde et sur vos frères. Ne boudez pas la joie de la Nativité, mais laissez-la faire de vous des témoins de l’espérance et de l’amour.
– Lire l’homélie Mgr André Vingt-Trois lors de la Messe de minuit 2006
– Voir les horaires des veillées et des messes de Noël à Paris