Les défis de l’Enseignement catholique à Paris
Paris Notre-Dame du 30 mars 2023
La direction de l’Enseignement catholique de Paris s’apprête à publier un document de référence à destination de son personnel et du grand public sur les enjeux des années à venir. Enquête sur ces défis que certains établissements ont déjà commencé à relever.
Par Mathilde Rambaud

« La catholicité pour l’Église, c’est une éducation, c’est quelque chose qui ne se réalisera qu’à la fin, a rappelé le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille (Bouches-du-Rhône), aux participants du congrès de l’Office international de l’éducation catholique réunis le 1er décembre dernier dans la cité phocéenne. [...] Ce travail de récapitulation se prépare et nous y sommes associés dans la vocation de l’Église à la catholicité. C’est-à-dire recueillir pour l’épanouir tout l’effort spirituel de l’humanité. Et l’école catholique est une école à vocation de catholicité. Elle accueille tout, pour l’épanouir. » Un programme qui résonne avec la démarche engagée par la Direction diocésaine de l’enseignement catholique (DDEC) de Paris, il y a plusieurs mois déjà.
« Nos enseignants étaient demandeurs d’un document pour stimuler leur réflexion et partager une base de réponse commune sur certains enjeux identifiés », explique Jean-François Canteneur, directeur diocésain de l’Enseignement catholique de Paris depuis 2015. Fruit de cette réflexion menée avec les directeurs d’établissement de la capitale ? Un document de réflexion à paraître en avril [1] mettant en lumière quatre principaux enjeux qui, sans que leur liste soit exhaustive, sont qualifiés de « prioritaires » par la direction diocésaine parisienne. « Pour chacun d’eux, nous avons essayé d’identifier des établissements moteurs, des pistes d’action et des illustrations pour stimuler la réflexion en partant de ce qui est déjà mis en place sur notre territoire », précise Jean-François Canteneur.
Premier enjeu : l’évolution démographique, qui touche l’enseignement privé comme public. Depuis 2015, la natalité est en chute libre en France avec un peu moins de 720 000 naissances en 2020-2021 contre plus de 780 000 cinq ans plus tôt (source : DDEC Paris/Insee.fr). « Nous pensions, jusqu’à présent, cette baisse liée à la crise sanitaire, confie le responsable diocésain. Maintenant nous savons que cette évolution est durable et va nécessiter de nous y adapter ensemble. » Régis Bergonier, directeur du groupe scolaire Saint-Vincent-de-Paul (13e), a vu ses effectifs s’effondrer avec une perte de 300 élèves – du primaire au supérieur – entre les années scolaires 2017-2018 et 2022-2023, passant de 2057 à 1753 inscrits, soit une baisse de plus 15 %. Face à ce constat, le chef d’établissement avance : « Des rapprochements entre lycées – pouvant aller jusqu’à la fusion – pourraient permettre une offre plus cohérente avec la réforme du Bac et, par la même occasion, générer grâce à cette mutualisation des économies qui profiteront aux familles. » Et le directeur d’inviter : « Même si la décision peut être parfois douloureuse, nous, chefs d’établissement, ne devons pas oublier que nous sommes au service de notre diocèse et non pas seulement de notre établissement. »
Un accueil inconditionnel
Autre enjeu : la crise des abus dans l’Église qui touche aussi son réseau éducatif. Dès lors, comment redonner à l’école catholique la crédibilité nécessaire à son action ? « Nous rencontrons deux types de publics, explique Jean-François Canteneur : les premiers se demandent s’ils peuvent encore faire confiance à l’Église ; les seconds sont des personnes très engagées qui se demandent, elles, si l’Enseignement catholique est encore catholique. » Comme le souligne le responsable, la prévention des abus ne peut pas se contenter de cloisons vitrées et d’affichettes rappelant des principes essentiels : « Le pape François le dit, il nous faut sortir de cette “culture de l’abus” et en briser les racines. » La question de la parole est devenue centrale dans les établissements parisiens. Comment en faire des lieux où chacun prend le temps de la parole ? « Nous vivons dans une société où tous peuvent trouver en quelques secondes sur leur téléphone les réponses à toutes leurs questions ; quel que soit le sujet, prenons le temps de l’échange et du débat avec celui qui pense différemment », invite Jean-François Canteneur.
Car indépendamment du nombre d’élèves accueillis, un autre enjeu pour les établissements parisiens est de poursuivre leur accueil inconditionnel. « Nous n’oublions pas notre vocation d’ouverture à tous », confie le directeur de la DDEC. Soulignant l’étymologie grecque de catholique qui signifie « universel », celui-ci précise : « Sans renier notre foi et nos valeurs, nous sommes par définition dans une dimension d’ouverture et de témoignage. » Loin de nier « l’enjeu de vivre avec des gens différents de soi », cette différence peut s’avérer être une force, comme à Passy Saint-Honoré, (16e). La particularité de cet établissement ? « Nous accueillons tout le monde, que les élèves soient valides ou handicapés – 10 % de nos 1 000 élèves sont d’ailleurs en situation de handicap, explique Richard Lablée, le directeur. Nous n’appliquons aucune sélection si ce n’est celle de l’ordre d’arrivée des dossiers. » Chaque année, plusieurs centaines d’entre eux doivent ainsi être refusés faute de places. « Avec notre accueil tous azimuts, chaque élève a son parcours personnalisé : filière générale ou technologique, en horaires classiques ou aménagés, à temps plein ou en alternance, en parcours sportif, artistique, musical, etc. » En résumé, « c’est la différence de chaque élève qui fait le ciment de notre école ». Cet accueil inconditionnel nécessite une adaptabilité accrue du personnel éducatif et encadrant « qui est peut-être davantage soulagé qu’ailleurs de voir les vacances arriver ! », reconnaît Richard Lablée.
Mieux écouter le terrain
Comment faire pour redonner aux élèves et au personnel éducatif ce goût de l’école ? C’est l’ultime enjeu de cette réflexion diocésaine. « Une plus grande écoute du terrain est primordiale, reconnaît Jean-François Canteneur. Depuis 2015, je découvre de plus en plus de professeurs porteurs d’initiatives qui n’attendent que la possibilité de les mettre en place. » Dominique Deconinck, directrice de l’école de la Trinité (9e), loue l’impact de son centre de loisirs ouvert à 60 de ses 300 élèves de la maternelle et du primaire : « Cet accueil offre aux enfants la possibilité de vivre l’école autrement en leur permettant d’investir le lieu différemment, d’y vivre une expérience positive avec des consignes et des adultes qui ne sont pas les mêmes que les autres jours de la semaine. » Si l’on n’y prend pas garde, ajoutet- elle, « le temps scolaire n’est régenté que par une succession d’horaires et d’enchaînements d’activités. Au centre de loisirs, il existe une forme de souplesse qui fait vivre les choses différemment ». Et cette expérience est tout autant bénéfique pour les adultes encadrants qui ont l’opportunité de développer un regard neuf sur les élèves qu’ils côtoient au quotidien.
Autre piste de réflexion : renouer avec le terrain et stimuler la réflexion des premiers concernés. Pari réussi avec la mise en ligne, par la DDEC de Paris en janvier 2023, d’une revue annuelle consultable gratuitement en ligne, Le Maître intérieur [2]. « Nous avons souhaité faire entendre la voix du terrain – qu’il s’agisse de parents, enseignants, philosophes, etc. – sans aucun barrage ni aucun tri parmi les textes reçus, précise Jean-François Canteneur. Nous voulions les inciter à exprimer ce qui les anime et les inspire au quotidien afin que d’autres, en les lisant, soient à leur tour invités à se questionner et à prendre conscience de leur propre intériorité. » Prochain numéro à paraître en janvier 2024 autour d’un thème central : Quelle liberté pour l’école ?
[2] Document à retrouver sur https://www.lemaitreinterieur.org

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