Les ordinations : une journée de fête pour l’Eglise à Paris
Paris Notre-Dame du 1er juillet 2010
C’est en présence de 10 000 personnes, sous un soleil de plomb et dans une atmosphère très recueillie que neuf hommes, âgés de 28 à 43 ans, ont été ordonnés prêtres par l’archevêque de Paris, dans la matinée du 26 juin.
Au terme de la neuvaine de prière pour les vocations et pour les prêtres, le grand rassemblement diocésain clôturant l’Année sacerdotale a été un véritable succès. Par la participation des catholiques des différents quartiers de Paris et par la qualité de la liturgie à Notre-Dame, mais aussi grâce au moment de pique-nique convivial qui a suivi la cérémonie. Retour sur cette journée de fête.
« Thomas de Boisgelin… », « Me voici ! ». C’est par cet échange émouvant de paroles que la cérémonie des ordinations s’est ouverte devant Notre-Dame, à 9h30, le samedi 26 juin. L’assemblée de fidèles, constituée de délégations venues des différentes paroisses de Paris, de nombreuses familles, de groupes de jeunes et d’enfants, mais aussi du clergé parisien, attendait depuis un moment, recueillie, sur le parvis et dans la cathédrale. Cette année, le temps était particulièrement clément et la foule très nombreuse : les 8 000 chaises étaient occupées et un certain nombre de personnes assises sur des murets, ou debout le long des barrières délimitant le parvis. Des bandanas de couleur couvraient les têtes des participants, qui disposaient également de livrets et des écrans géants pour suivre de près la célébration et mieux connaître chaque ordinand.
Un rassemblement coloré
Autre originalité : le chœur diocésain était non seulement constitué des choristes parisiens, mais aussi d’un certain nombre de chorales des communautés étrangères, invitées tout spécialement à l’occasion du grand rassemblement clôturant à la fois l’Année sacerdotale et la première année de « Paroisses en mission ». Enfin, parmi les évêques concélébrant, se trouvaient l’évêque vietnamien de Tanh-hoa, Mgr Joseph Nguyen Chi Linh, qui devait recevoir la promesse d’obéissance de l’un des neufs ordinands issu de son diocèse, Joseph Nam, et l’évêque de N’Djaména au Tchad, Mgr N’Gartéri Mayadi.
L’appel de l’archevêque
« Thomas, Nicolas, Grégoire, Nathanaël, Thierry, Thierry, Joseph, Luc et Sébastien, célébrer votre ordination sacerdotale au cours de ce rassemblement diocésain n’est pas une manière de relativiser l’événement exceptionnel que vous vivez aujourd’hui, au contraire. C’est au cœur de ces communautés que votre vocation personnelle a pris corps, c’est pour le service de ces communautés que vous êtes ordonnés et que le Christ appelle chacun d’entre vous et vous consacre ». Les paroles prononcées par l’archevêque de Paris dans son homélie depuis le podium sur le parvis ont retenti avec une intensité particulière. Mentionnant les difficultés rencontrées par l’Eglise dans l’année écoulée – la révélation du mal qu’ont fait un certain nombre de ses membres, pour lequel il a demandé pardon, mais aussi les critiques venant d’une société n’acceptant pas toujours les valeurs du christianisme ou encore la crise économique –, Mgr Vingt-Trois s’est voulu résolument positif. Avec verve et fermeté, il a à la fois rendu grâce pour « ces hommes que le Christ a choisis et appelés pour “être avec lui et partager sa mission pastorale” », et demandé aux catholiques de Paris de ne pas faillir à leur mission. « Que chacune de nos communautés, – et spéciale ment nos assemblées dominicales –, soit un flambeau d’espérance dans la grisaille des jours », a-t-il lancé, sous de chaleureux applaudissements.
Une grande ferveur
C’est dans une grande ferveur que la célébration s’est poursuivie, particulièrement lors de la litanie des saints, rejoignant le cœur de nombreux fidèles. Après avoir promis obéissance à leur évêque, les neuf nouveaux prêtres se sont prostrés devant l’autel, avant de recevoir l’imposition des mains de 500 prêtres de Paris réunis autour d’eux. Après, quoi, les mains ointes par l’archevêque, ils ont reçu calice et patène, ainsi que leur chasuble, signe de leur sacerdoce. Une fois la communion distribuée et l’envoi en mission donné par Mgr Vingt-Trois, les neuf ordonnés ont remonté rayonnants la nef de la cathédrale, arrivant sur le parvis sous les vivats d’une foule enthousiaste.
De la convivialité
La fête ne s’est pas arrêtée là. Loin s’en faut. Après la messe, un grand pique-nique était prévu dans le square Jean XXIII. Sandwichs, jambon, brioches et boissons, offerts par différents partenaires du diocèse, ont été pris d’assaut par les participants. Une initiative très appréciée, et permettant aux différents communautés de se retrouver, sous les airs joyeux des chorales des communautés étrangères qui se relayaient au kiosque et en différents lieux du jardin entourant la cathédrale. Un temps convivial qui a duré plusieurs heures, pendant lequel les jeunes prêtres ont donné leur bénédiction à ceux qui la souhaitaient. Une façon de commencer leur nouveau ministère, qui devait se prolonger dès le lendemain par la célébration de leurs premières messes, dans différentes paroisses de la capitale. • Ariane Rollier
Neuf moments-clés pour l’ordination de neuf nouveaux prêtres
Pour revenir sur chaque moment fort de la célébration des ordinations, Paris Notre-Dame a fait appel à deux témoins : le P. Stéphane Mayor, ordonné prêtre pour le diocèse l’an dernier, et Édouard Chapellier, frère aîné de Nicolas, l’un des ordonnés.
– Édouard Chapellier, 32 ans, aîné de quatre enfants, avocat, marié, père d’un enfant.
– P. Stéphane Mayor, 38 ans, nommé vicaire à Ste-Marie des Batignolles (17e) à partir de septembre. Depuis son ordination, il poursuivait ses études.La procession d’entrée
P. Stéphane Mayor :
« Cela ressemble à toute autre procession, à cela près que les ordinands s’arrêtent à côté de la délégation qui les accompagne, au milieu de la foule sur le parvis. Les prêtres vont s’asseoir devant les portails, alors que les évêques entrent dans la cathédrale et avancent jusqu’à l’autel, à l’intérieur. L’an dernier, je ne voyais pas tellement la foule : j’étais concentré sur le Seigneur. Entouré de personnes de ma délégation que je connaissais très bien puisque je les avais choisies, je sentais qu’elles me portaient. »Édouard Chapellier :
« Dans sa délégation, Nicolas a voulu inviter une Sœur, missionnaire de la charité. Un choix très symbolique : notre petite sœur, Agathe, est au noviciat de cette congrégation à New York, c’était un moyen de l’associer à notre célébration. Malgré la distance, elle était présente à nos côtés ! »« Me voici »
Édouard Chapellier :
« Quand j’ai entendu Nicolas répondre avec fermeté depuis le parvis, j’ai vraiment senti la force de sa présence alors que je me trouvais à l’intérieur de la cathédrale. Cela montre une adhésion profonde et volontaire à l’appel de Dieu ! »P. Stéphane Mayor :
« Quand le Seigneur invite les prophètes à le suivre, il les appelle par leur prénom et ils répondent : “Me voici.” Symboliquement, pour l’ordination, c’est la même chose : l’Église, par la voix de son archevêque, propose aux ordinands de la rejoindre. Ils font le maximum de ce qu’un homme peut faire pour Dieu, car ils n’ont à offrir qu’eux-mêmes. Cette réponse, c’est le plus grand pas que j’ai eu à faire de ma vie. »Les promesses
P. Stéphane Mayor :
« Les cinq questions posées par l’archevêque représentent les charges qui attendent le prêtre. Il y a d’abord un engagement à l’obéissance envers son évêque, puis la promesse d’enseigner et de célébrer les mystères du Christ. La question qui invite à prier ressemble à celle qui est posée à l’occasion du diaconat, mais j’y vois une nouvelle dimension avec la prière pour les péchés du monde, charge spécifique du prêtre. Après avoir accepté de s’unir au Christ, signe d’un renoncement total, on va encore plus loin : en promettant de “vivre en communion avec l’évêque et ses successeurs dans le respect et l’obéissance”, on reconnaît que notre liberté individuelle vaut moins que le service que l’on promet d’accomplir. »Édouard Chapellier :
« Cette dernière question m’a le plus marqué. Au moment où Nicolas répondait, j’ai réalisé qu’il offrait sa vie à 100% à l’Église. Dans la vie chrétienne, l’obéissance au Christ existe, mais ce n’est certainement pas aussi net et aussi marqué au quotidien. Par exemple, j’ai pu choisir dans quel cabinet d’avocats je voulais travailler, alors que Nicolas, lui, ira là où on l’appellera. »Le veni creator
P. Stéphane Mayor :
« À travers ce chant, on rappelle que c’est bien l’Esprit Saint qui porte notre ordination. Ainsi, l’assemblée s’associe aux ordinands qui traversent la cathédrale. On a besoin de la force de l’Esprit pour aller jusqu’au bout. Quand je remontais la nef, l’an dernier, je ne me rendais pas compte de ce qui se passait autour de moi, mais je voyais très bien la croix dorée, en face de moi, vers laquelle je marchais sereinement. »Prostration
P. Stéphane Mayor :
« À terre, l’ordinand s’en remet à Dieu et aux saints à travers la litanie. L’ensemble de la cathédrale – les colonnes, les vitraux représentant l’Eglise du ciel, les laïcs, les ministres et l’archevêque représentant l’Eglise de la terre – soutient les futurs prêtres. À travers la litanie des saints, on sent que l’on n’est pas arrivé jusque-là uniquement par notre volonté mais aidé par une force supérieure. L’an dernier, allongé à terre, je me sentais entièrement porté par l’Église. Un grand silence intérieur m’avait envahi. »Édouard Chapellier :
« Le geste de l’“adoration complète” est rendu encore plus fort par cette litanie des saints. L’ampleur de ce chant donnait presque l’impression physique que les saints étaient avec nous, dans la cathédrale. Quand j’ai entendu le nom de saint Jean-Marie Vianney, j’ai réalisé que c’est un des modèles que Nicolas devra suivre plus particulièrement désormais. C’est un appel à la sainteté ! »L’imposition des mains
P. Stéphane Mayor :
« Dans le Nouveau Testament, l’imposition des mains est un signe apostolique pour envoyer quel - qu’un en mission pour Dieu. L’évêque partage ainsi sa charge pastorale avec l’ordinand, qui entre alors dans la fraternité du sacerdoce. Ce geste est particulièrement significatif ; quand les conditions sont précaires, par exemple pour les églises clandestines, on peut se passer de tout le reste, sauf de l’imposition des mains et de la prière d’ordination. »Édouard Chapellier :
« À ce moment-là, le silence s’est fait et on n’entendait d’abord que le bourdon résonner. J’ai été marqué par l’imposition des mains par tous les prêtres présents : la diversité de leurs visages et de leurs âges, certains souriants, d’autres extrêmement recueillis. À cet instant précis, j’ai pris conscience que mon frère était intégré à une nouvelle famille, le presbyterium. »Chasuble et étole
P. Stéphane Mayor :
« Y a-t-il un signe plus visible qu’un vêtement pour montrer au monde entier notre appartenance à la prêtrise ? L’aube, le col romain ne sont pas réservés aux prêtres, mais la chasuble l’est. Cela nous fait aussi entrer dans la prière eucharistique car c’est un vêtement liturgique qui nous conduit déjà vers la célébration de notre première messe. »Édouard Chapellier :
« Quand chaque nouveau prêtre a mis sa chasuble, aidé par son parrain, j’y ai vu la dimension du service de l’autre. Le parrain me semblait signifier ainsi : “Je me dévêts pour t’accueillir, afin de manifester que tu es désormais prêtre à mes côtés”. Il résume bien que le nouveau prêtre n’est pas seul pour remplir cette mission. »Les autres rites complémentaires
P. Stéphane Mayor :
« En inscrivant un signe de croix dans la paume de notre main avec le saint-chrême, en nous remet tant la patène et le calice, l’archevêque nous prépare à cette réalité quotidienne : célébrer la messe. Le fait d’y assister tous les jours est déjà dans notre vie, mais être le célébrant est vraiment autre chose. »Édouard Chapellier :
« Le rite qui m’a le plus touché est l’onction des mains. J’ai eu l’impression que mon frère prenait une dimension quasi sacrée : désormais, ses mains ointes vont consacrer, elles vont bénir… »Les premières bénédictions
P. Stéphane Mayor :
« L’an dernier, un de mes confrères m’a donné l’accolade à la fin de la messe et m’a dit : “Félicitations, Père”. Là, j’ai vraiment réalisé que j’étais prêtre pour la vie. C’est le regard des autres – celui des fidèles et de nos confrères – qui nous fait comprendre que nous sommes entrés dans le sacerdoce. Devenir prêtre est un acte très personnel mais pas individuel. Un père qui n’est pas reconnu comme tel est malheureux, c’est aussi vrai pour nous. On a beau mourir de chaud pendant les bénédictions après la messe, on sent tout l’amour des croyants envers nous. »Édouard Chapellier :
« À l’issue de la célébration, je me suis senti profondément heureux pour Nicolas, car c’est un aboutissement pour lui, après toutes ces années. En même temps, je ne peux m’empêcher de ressentir une sorte d’inquiétude : il ne s’engage pas dans une vie facile ! C’est l’aîné qui parle, et qui prie pour que tout se passe bien pour son petit frère ! »
Réalisé par Anna Latron et Sophie Lebrun