Les origines du Jubilé
Tous les 25 ans, l’Eglise catholique invite ses fidèles à une « Année Jubilaire« , aussi connue sous le nom d’Année Sainte. Il s’agit d’une tradition s’inspirant Livre du Lévitique dans l’Ancien Testament (Lévitique 25:8-13). Aujourd’hui, nous sommes invités à vivre une démarche jubilaire tel un pèlerinage.
Si aujourd’hui il est devenu commun d’employer terme « jubilé » pour définir l’anniversaire ou la célébration d’un événement joyeux, dans l’acception chrétienne, celui-ci prend un sens plus spécifique. En effet, pour l’Église catholique, le jubilé est une période spéciale (généralement une année) de grâce, de miséricorde et de renouveau spirituel où les croyants sont invités à se tourner vers Dieu et renouveler leur engagement de foi.
Dans l’Ancien Testament
C’est dans l’Ancien Testament que l’on trouve l’origine du jubilé. Après avoir reçu les Dix Commandements sur le Mont Sinaï, Moïse annonce, parmi une série de lois cultuelles, au peuple hébreu que tous les 50 ans sera proclamée une « année jubilaire » :
« Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Ce sera pour vous le jubilé : chacun de vous réintégrera sa propriété, chacun de vous retournera dans son clan. Cette cinquantième année sera pour vous une année jubilaire : vous ne ferez pas les semailles, vous ne moissonnerez pas le grain qui aura poussé tout seul, vous ne vendangerez pas la vigne non taillée. Le jubilé sera pour vous chose sainte, vous mangerez ce qui pousse dans les champs. En cette année jubilaire, chacun de vous réintégrera sa propriété. » (Lv 25,10-13)
Dans la tradition hébraïque, le jubilé représente ainsi une année de libération et de renouvellement communautaire, marquée par l’annulation des dettes, la libération des esclaves, la restitution des terres à leurs anciens propriétaires et le repos des cultures pour favoriser leur régénération. Ainsi, l’année jubilaire symbolise un retour à l’égalité et à la justice, en termes social et économique, ainsi qu’un rappel de la primauté de Dieu sur les activités humaines et de sa miséricorde. Cette année était vue comme sacrée, un temps pour la terre de se reposer et pour les gens de se consacrer à Dieu et à la famille.
D’où vient le mot « jubilé » ?
Pour annoncer le début de l’année jubilaire, et donc le Jour de l’Expiation, les Hébreux sonnaient un coup de trompette taillée dans une corne de bélier, nommée « yôbel ». Les origines de « jubilé » sont donc différentes du verbe « jubiler » (du latin jubilare) qui signifie « pousser des cris de joie »).
Dans le Nouveau Testament
Dans le Nouveau Testament, Jésus reprend et accomplit l’esprit du jubilé antique en incarnant un message de libération, de guérison et de miséricorde divine. Dans l’Évangile de Luc (4, 16-21), Jésus, lisant le passage d’Isaïe 61, déclare devant l’assemblée de la synagogue de Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable [de grâce] accordée par le Seigneur. » Puis il ajoute : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »
Par cette déclaration, Jésus se présente comme le Messie attendu qui inaugure une ère de salut et de libération. Allant au-delà des prescriptions sociales et économiques du jubilé hébraïque, Jésus propose un jubilé spirituel universel, où le pardon des péchés et la guérison des âmes sont accessibles à tous.
Le premier Jubilé de l’ère moderne : L’année sainte de 1300
Le premier Jubilé officiel a été institué par le Pape Boniface VIII en 1300. En décembre 1299, une rumeur se répand dans l’ensemble de la chrétienté selon laquelle le pape Boniface VIII accorderait une rémission totale des péchés à tout pèlerin se rendant à la Basilique Saint-Pierre de Rome durant l’année du centenaire. Pour contrer les violences qui font rage à cette époque dans toute l’Europe, le pape se rallie à la rumeur et proclame l’an 1300 « Année Sainte ». Les pèlerins à Rome sont tellement affluents (l’on compte notamment l’écrivain Dante et le peintre Giotto), que Boniface VIII accorde l’indulgence plénière l’année entière et institue la tenue d’un jubilé tous les cent ans.
Adaptation de la temporalité jubilaire : de 50 à 25 ans
Après le transfert du siège pontifical à Avignon, de nombreuses demandes sont formulées pour que le deuxième jubilé soit avancé à 1350 au lieu de 1400, ce que le pape Clément VII accorde. Mais la règle des 50 ans est à nouveau modifiée par Urbain VI qui l’abaisse ensuite, en 1389, à 33 ans. Ce changement symbolise l’imitation du cycle de la vie du Christ, ce qui renforce le lien entre la célébration du jubilé et l’exemple de la vie de Jésus, le Sauveur. Ce raccourcissement est également motivé par l’afflux constant de pèlerins qui manifestent une forte demande spirituelle et un désir de participer plus fréquemment à ces années de grâce. Finalement, c’est en 1470 que le pape Paul II fixe la fréquence des jubilés à 25 ans, permettant ainsi à chaque génération de fidèles de participer à cet événement de grâce.
Le dernier jubilé de l’an 2000
Le dernier jubilé en date est celui de l’an 2000. Décrété par le pape Jean-Paul II, il s’est tenu du 24 décembre 1999 au 6 janvier 2001, afin de marquer le passage au nouveau millénaire ainsi que la célébration de l’Incarnation du Fils de Dieu, Jésus-Christ, deux mille ans auparavant. Mettant l’accent sur le pardon et la réconciliation entre les peuples, le Jubilé de l’an 2000 a attiré des millions de pèlerins à Rome, marquant un moment de communion mondiale pour les chrétiens autour du renouveau de la foi et de l’appel à une humanité unie. Le pape Jean-Paul II y associa les jeunes en les invitant à vivre les JMJ à Rome à l’été 2000.
Aujourd’hui
Au fil des siècles, des pratiques et symboles spécifiques ont été associés aux Années Jubilaires, tels que l’ouverture de la Porte Sainte à la Basilique Saint-Pierre à Rome, ce qui symbolise l’ouverture d’un nouveau chemin vers le salut.
En plus des jubilés « ordinaires », célébrés tous les 25 ans, peuvent se tenir des jubilés « extraordinaires », en fonction de circonstances exceptionnelles. C’est le cas par exemple de l’année 2015-2016 (« Jubilé de la Miséricorde »), proclamée sainte par le pape François, et célébrant le cinquantenaire de la clôture du concile Vatican II.
Aujourd’hui, le pape François nous invite à vivre ce Jubilé comme un temps de grâce, un moment favorable pour restaurer la relation entre nous, frères et soeurs, et avec Dieu. Ainsi, pendant cette année jubilaire, les baptisés peuvent obtenir l’indulgence plénière accordée par le Pape.