Les Parisiens émus aux larmes par le pape

Paris Notre-Dame du 31 janvier 2019

Samedi 26 janvier [2019], point d’orgue de l’édition des Journées mondiales de la jeunesse au Panama, le pape François a salué personnellement la délégation parisienne. Un moment fort pour les JMJistes qui en sont ressortis affermis et confortés dans leur foi.

De notre envoyée spéciale au Panama, Isabelle Demangeat

© GLB / Paris Notre-Dame

La stupéfaction envahit les visages. Victor fait glisser ses mains sur ses joues. Adeline laisse planer un sourire béat sous ses grands yeux bleus. Anne-Laure ne retient pas ses larmes. Et pourtant, Anne-Laure, c’est le genre de filles « un peu froide, qui ne pleure pas. Jamais ». Mais, ce samedi 26 janvier au petit matin, devant la cathédrale Santa Maria la Antigua de Panama, impossible de résister.

L’instant n’a duré que quelques minutes. Avant de consacrer le nouvel autel de la cathédrale, le pape François a salué la délégation de JMJistes parisiens. Décision prise deux jours auparavant. « Sans doute que le livre de Mgr Benoist de Sinety, vicaire général du diocèse de Paris, Il faut que des voix s’élèvent – Accueil des migrants, un appel au courage (Flammarion), a joué un rôle », remarque le P. Camille Millour, vicaire de St-Antoine des Quinze-Vingts (12e). Ce livre-même que le pape a salué, jeudi 24 janvier, dans son discours aux évêques d’Amérique centrale. « Par ailleurs, une dizaine de néophytes ont été emmenés par le diocèse. Cela a pu le toucher », poursuit le prêtre accompagnant un groupe de jeunes du 12e arrondissement.

Des mots simples prononcés par un homme simple

Prévenus à la dernière minute, les quelques deux cents jeunes parisiens, levés aux aurores, attendent patiemment, sous un soleil de feu, derrière une barrière en métal. Après plus de dix jours passés, pour certains, en terre panaméenne, ils ont tenu à revêtir leurs plus beaux vêtements pour rencontrer le pape. Matthieu a même sorti une chemise, un peu froissée, de son sac. L’instant est solennel. Claire brandit déjà sa pancarte en carton où est inscrit, en capitales : « Papa Francesco, svp, priez pour la guérison de Victoire et sa famille. Merci !! ». « Victoire est ma nièce, confie la kinésithérapeute de 26 ans. Elle a trois mois. On vient de lui découvrir une maladie du sang. »

Anne-Laure récite un Ave Maria pour que le pape s’arrête devant elle. Justement, il arrive. La foule, réunie sur la place de la cathédrale, est en liesse. Doucement, la papamobile circule tout autour de la place avant de s’arrêter devant les marches de la cathédrale et les Parisiens fous de joie. Tout sourire, le pape descend. Accueilli par Mgr de Sinety, il s’arrête devant Anne-Laure et Victor, les salue, continue de tendre ses mains le long de la barrière, prévient, par un « pouce levé » qu’il a remarqué la pancarte de Claire et revient vers Anne-Laure et Victor. Là, d’un geste tendre, il leur demande de se calmer avant de prononcer, en français : « Priez pour moi, priez pour moi. J’en ai besoin. Mon travail n’est pas facile. »

« Ce sont des mots simples prononcés par un homme simple, remarque Victor. Mais cela m’a bouleversé. J’ai pris conscience que nous, catholiques, sommes une seule et même famille. Et que le pape a besoin de nous. Comme nous avons besoin de lui. » À Sixtine, chef de projet dans le secteur du luxe, âgée de 24 ans, ces paroles ont fait reprendre conscience « que la mission du pape était énorme ». Elle précise : « En tant que chef de l’Église catholique, il endosse une grosse responsabilité sur les âmes du monde. » Responsabilité qu’Anne-Laure a pu lire derrière les traits, fatigués, du Saint-Père. « Je lui ai promis que je le porterai dans ma prière », sourit l’étudiante en dernière année d’école de commerce à Grenoble (Isère). À 23 ans, Anne-Laure a vécu avec le diocèse de Paris, à Panama, ses premières JMJ. « Je me suis toujours trouvé des excuses pour ne pas y participer, confie-t-elle. Mais, cette année, je dois faire face à des choix importants de vie, notamment au sein de ma vie professionnelle. » Tiraillée entre une éthique de travail et cette crainte de « se faire rattraper par l’argent », Anne-Laure ressentait le besoin de se renforcer dans ses valeurs... et sa foi. « Étant entourée de quelques amis anticléricaux, ce n’est pas toujours facile de ne pas se laisser envahir par les doutes. » Si elle a conscience que ceux-ci ne s’effaceront peut-être jamais totalement, elle ressent aujourd’hui « une conviction beaucoup plus grande ». « En me parlant, le pape m’a fait un grand cadeau, explicite-t-elle. Je dois le lui rendre. Je n’ai plus le choix. Je dois m’engager dans une association, trouver un travail qui ait un sens. Maintenant, je n’ai plus le droit de ne pas croire, de garder le Christ pour moi. » La remarque est identique chez Victor qui annonce avoir pris la décision de se faire accompagner spirituellement.

Ces réactions pourraient paraître, pour un oeil extérieur, idolâtres, absconses. « Certains pourraient même dire “ils ont perdu la tête de vouloir toucher la main du pape !”, réagissait le P. Jean-Baptiste Arnaud, délégué épiscopal pour les jeunes adultes à Paris et vicaire à St-Germain des Prés (6e), dans son homélie lors de la messe qu’il présidait à l’issue de la rencontre. Mais, en tant que successeur de Pierre, le pape nous rattache au Christ lui-même, explique-t-il. Le rencontrer, le toucher permet d’entrer dans la contemplation du mystère de l’Église. Comme Pierre, sa mission est d’affermir la foi des croyants. » Et l’enjeu, auprès des jeunes, est de taille. Comme le rappelait l’archevêque de Panama, Mgr José Domingo Ulloa Mendieta, dans son homélie de la messe d’ouverture des JMJ, mardi 22 janvier : « Nous attendons beaucoup de votre part, car nous sommes pleinement convaincus que les véritables protagonistes des changements et des transformations qu’exigent l’humanité et l’Église sont entre vos mains, dans vos capacités, dans votre vision d’un monde meilleur. » Ce samedi soir, les jeunes de Paris ont décidé de transformer leur vigile de JMJ en la consacrant au pape François. Histoire de commencer, en priant, à transformer l’Église.

Ce qu’a dit le pape François lors de la messe de clôture, le 27 janvier

« Chers jeunes, vous n’êtes pas l’avenir mais le maintenant de Dieu. Il vous convoque et vous appelle dans vos communautés et vos villes à aller à la recherche de vos grands-parents, de vos aînés ; à vous lever et à prendre la parole avec eux et à réaliser le rêve que le Seigneur a rêvé pour vous. Pas demain, mais maintenant, parce que là où se trouve votre trésor sera aussi votre coeur (cf.Mt 6, 21) ; ce qui vous fait tomber amoureux atteindra non seulement votre imagination mais aussi affectera tout. Ce sera ce qui vous fera lever le matin et vous poussera dans les moments de lassitude, ce qui brisera le coeur et ce qui vous remplira d’étonnement, de joie et de gratitude. Sentez que vous avez une mission et tombez-en amoureux, cela décidera tout (cf. Pedro Arrupe, S.J., Nada es más) »
 Le texte intégral est disponible sur vatican.va.

JMJ 2019 au Panama