Les séminaristes formés au cœur de la ville

Paris Notre-Dame du 28 janvier 2016

C’est l’un des plus grands séminaires de France. Actuellement, quatre-vingt-huit hommes suivent la formation en lien avec le Séminaire de Paris. Comment sont-ils préparés à devenir prêtre ? À quoi ressemble leur quotidien ? Enquête.

La prière tient une place centrale dans la vie des séminaristes. Ici, l’oratoire de la Maison Saint-Roch (1er).
© Œuvre des vocations

Ce n’est pas une formation comme les autres. Le temps du séminaire permet, d’une part, d’authentifier l’appel de Dieu pour les candidats au sacerdoce et, d’autre part, de les préparer intérieurement à accueillir la grâce du sacrement de l’ordre : « Il opère un réel changement, comme tout sacrement », souligne le P. Stéphane Duteurtre, supérieur du Séminaire de Paris. Le P. Antoine Vidalin, formateur au Séminaire de Paris, précise : « Le rôle des formateurs est essentiellement d’aider les séminaristes à acquérir une liberté chrétienne, c’est-à-dire la capacité de se donner à Dieu pour faire sa volonté. Certes, elle est importante pour tout chrétien. Cependant, pour un futur prêtre, c’est d’autant plus crucial qu’il aura pour mission d’aider ses paroissiens à grandir dans cette liberté. » Un magnifique projet. Qui requière, toutefois, du temps et de la maturation. La formation au séminaire dure ainsi six ans. Et, à Paris, elle est nécessairement précédée d’une année de fondation spirituelle à la Maison Saint-Augustin (12e) qui « engage plus profondément dans une vie de prière régulière, engagée et consistante », détaille le P. Duteurtre. Actuellement, ils sont vingt-deux hommes à la Maison Saint-Augustin et quatre-vingt-huit liés au Séminaire de Paris (dont la majorité sont envoyés par le diocèse de Paris, et une quinzaine par d’autres diocèses de France et du monde).

Une fois poussée la porte du séminaire, les candidats au sacerdoce plongent dans une formation riche et complète, à la fois spirituelle, intellectuelle, pastorale et humaine. Au cœur de la ville. Cette situation est l’une des spécificités du Séminaire de Paris, érigé en septembre 1989 par le cardinal Jean-Marie Lustiger : les candidats vivent en communautés de taille restreinte, installées à proximité de N.-D. de Paris et de l’École Cathédrale (5e), et composées chacune de huit à dix séminaristes, de différentes promotions, et de deux prêtres formateurs. Ces « maisons » sont actuellement au nombre de huit. Le P. Vidalin est prêtre adjoint de la Maison Saint- Roch (1er) : « C’est une sorte de famille et non une colocation, nous prions et célébrons la messe ensemble tous les jours. La charité fraternelle permet d’unifier la vie des séminaristes, qui courent le risque de se disperser entre leurs multiples sollicitations. » Pour le P. Duteurtre, il est précieux que le séminaire soit en ville, « même si c’est souvent source de fatigue », car « cela apprend à assumer et à penser la présence de l’Église au cœur de la vie des hommes et à se préparer à vivre la mission d’évangélisation de manière intégrale ».

Activités variées

Les séminaristes sont loin de rester assis tous les jours sur les bancs d’une classe. Leurs activités sont variées entre les temps de prière, les cours, le travail personnel, les missions pastorales, les rencontres communautaires et aussi… le sport. Dans le quotidien des séminaristes, la prière tient une place centrale. Pendant deux heures et demie à trois heures par jour, ils se consacrent à l’oraison personnelle, à la messe, aux Laudes, aux Vêpres ou encore à la lectio divina. « Il s’agit de se laisser conformer au Christ Bon Pasteur », résume le P. Duteurtre. Et cette relation au Christ doit irriguer l’ensemble des activités du séminariste.

Assimiler la Parole de Dieu

Les études à la Faculté Notre-Dame, qui fait partie du Collège des Bernardins (5e), rythment une bonne partie des journées des séminaristes. Outre les cours magistraux, ils y suivent, aux côtés de religieux et de laïcs, des « séminaires », comprenant des travaux en groupes avec un professeur (prêtre, consacré ou laïc), des prises de positions personnelles d’étudiants, ainsi que des reprises des professeurs. Cette spécificité pédagogique accompagne vers une appropriation personnelle de la foi chrétienne. L’enjeu de ce travail ? Apprendre à « recevoir et assimiler la Parole de Dieu, consignée dans l’Écriture Sainte ou portée par la Tradition de l’Église, pour pouvoir en rendre compte d’une manière personnelle », souligne le P. Duteurtre. Au programme : philosophie, Ancien et Nouveau Testament, théologie fondamentale, théologie morale, droit canonique, grec, hébreu, latin, histoire de l’Église, etc. Pour le P. Vidalin, professeur à la Faculté Notre-Dame, l’étude de la philosophie est loin d’être anodine : « C’est l’expression d’une recherche de Dieu par l’homme, elle dit quelque chose des aspirations de la raison humaine. Par ailleurs, elle confronte à des pensées autres que celle de l’Église. Un futur prêtre ne doit pas les craindre mais au contraire être capable de les discuter et de se laisser enseigner par les questions qu’elle pose, pour y apporter la sagesse de l’Évangile. »

Plusieurs heures par semaine, les séminaristes mettent aussi la main à la pâte. Ils se voient chacun confier une mission pastorale, comme l’animation d’un groupe de catéchisme ou la visite de personnes malades dans un hôpital. C’est une bonne manière pour eux de comprendre de l’intérieur les enjeux de l’annonce de l’Évangile, et de découvrir la beauté et la simplicité de la vie d’une communauté chrétienne. Quant à la formation humaine, qui a pour but de construire des personnalités équilibrées et libres, elle se réalise à travers toutes leurs différentes activités. En particulier dans les « maisons », comme l’explique le P. Vidalin : « C’est un vrai lieu de conversion où l’on essaie de vivre la charité fraternelle. » Comment la formation est-elle adaptée au vécu et à la personnalité de chacun ? Chaque séminariste rencontre tous les quinze jours ou trois semaines son père spirituel et son tuteur d’études. Les prêtres qui vivent avec eux sont aussi disponibles pour des échanges personnels. « Il ne s’agit pas de former des hommes parfaits, tient à souligner le P. Vidalin. La grâce de l’ordination saisit l’ensemble de l’être d’une personne. Notre souci est de présenter au sacerdoce des hommes qui assument pleinement ce qu’ils sont, aussi bien leurs qualités que leurs faiblesses. » • Céline Marcon

Plus d’informations sur le site www.seminairedeparis.fr

Une semaine type d’un séminariste

 Chaque jour : Laudes ; messe ; une heure de prière personnelle ; Vêpres ou Complies.
 Chaque semaine : 15 à 17 heures de cours et autant de travail personnel ; une demi-journée d’activités apostoliques ; temps de sport.

Témoignage
Le P. Augustin Bourgue, formé au Séminaire de Paris, ordonné en 2013

« Pour accomplir au mieux ma mission actuelle de vicaire à St-Lambert de Vaugirard (15e), je m’appuie, entre autres, sur mes sept années de formation à la Maison Saint-Augustin et au Séminaire de Paris. Elles ont été un lieu de conversion spirituelle. J’y ai vécu des expériences fondatrices qui me permettent aujourd’hui de mieux accompagner des personnes, par exemple en étant plus humble sur mon rôle. Lorsque j’enseigne la foi chrétienne, lors des homélies ou de conférences, je m’appuie sur les connaissances apprises lors de mes cours au séminaire pour veiller à tenir des propos plus équilibrés et justes. Concernant ma relation avec les autres, j’ai beaucoup grandi grâce à l’expérience de la vie communautaire avec des séminaristes et des prêtres dans une maison du séminaire. Elle a été un lieu d’apprentissage concret de l’amour, par exemple sur le sens du service ou du pardon, qui m’aide aujourd’hui à mieux transmettre l’amour de Dieu. Chaque jour, je continue à découvrir le sens de ma mission de prêtre. Je garde en tête quelques questions, reçues de mes formateurs, et que je me repose régulièrement pour garder le cap : mon célibat est-il vraiment consacré, c’est-à-dire donné ? Est-ce que je collabore réellement avec le Seigneur ? Suis-je à l’écoute de l’Esprit Saint ? etc. » • Propos recueillis par Céline Marcon

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