Lourdes
Jessica Hausner
Paris Notre-Dame du 21 juillet 2011
Une guérison « miraculeuse » suscite la surprise et le doute. Comment rendre compte de l’inexplicable ? C’est le défi auquel s’est confrontée la cinéaste autrichienne Jessica Hausner, dans un film dominé par la composition de Sylvie Testud. Sortie le 27 juillet. Critique du père Denis Dupont-Fauville.
Une vision « décalée » du sanctuaire marial
Un groupe autrichien arrive à Lourdes en pèlerinage. À la frontière entre excursion touristique et démarche religieuse, opportunité de sortie pour les malades et de dépaysement pour ceux qui les accompagnent, la variété des démarches et des dévotions n’exclut pas la solidarité.
Or, l’une des malades se trouve guérie. Christine, clouée dans un fauteuil par une sclérose en plaques, récupère l’usage de ses membres après un passage aux piscines. Elle n’est pas la plus croyante, ni la plus malheureuse, ni la plus isolée des pèlerins. Comment expliquer cela ? Pourquoi elle ? La guérison durera-t-elle ? Sera-t-elle reconnue – et par qui ? Tout l’intérêt du film réside dans ces questions, souvent occultées par les croyants eux-mêmes et traitées avec une grande honnêteté par Jessica Hausner. Le plus étonnant dans un miracle n’est sans doute pas qu’il ait lieu,mais qu’il se heurte à nos propres convictions sans pouvoir les faire évoluer. Toute la gamme est ici décrite, du prêtre qui tente de rendre compte de l’événement tout en le relativisant jusqu’aux deux commères vexées de n’avoir pu deviner ce qui arriverait, en passant par la croyante à la foi du charbonnier, l’infirmière préoccupée par la gent masculine, la chef de groupe généreuse et névrosée, sans oublier les médecins. Tous applaudissent, aucun ne bouge.
Le spectateur lui-même doit choisir. À cet égard la dernière séquence, où la miraculée, épuisée par une soirée dansante au cours de laquelle elle a refusé de s’asseoir, consent à se remettre dans son fauteuil roulant pour regagner sa chambre, est symptomatique. Le "miracle" est-il terminé après une embellie passagère, ou la faiblesse est-elle assumée après l’illusion de la facilité ? Il ne s’agit pas de relire les choses à la lumière de la foi, mais d’accueillir, chacun à sa manière, une réalité où la foi fait son œuvre. La croyance, ici, ne constitue pas une échappatoire, mais une exigence qui expose chacun au regard des autres.
Au centre, Sylvie Testud réussit une composition bouleversante de sobriété. Son personnage ne joue ni à la dévote, ni à la sceptique, ni à la sainte. Femme lucide et discrète, venue pour voir autre chose que sa maladie, elle ne comprend ni son mal ni sa guérison, mais les vit avec intensité. La caméra reste à son niveau, presque toujours horizontal, à scruter les démarches et les expressions, n’esquissant une contre-plongée que près du rocher de la Grotte ou lors d’une adoration à la basilique souterraine.
Au total, le film fournit une vision "décalée" du sanctuaire de Lourdes. Sans éviter les problématiques attendues, il les met en perspective de façon surprenante ; la ville animée nous est montrée par de longs plans silencieux ; les dialogues, bien que tournés en français, reflètent une mentalité plus autrichienne qu’hexagonale. Mais, comme dans la belle scène où une vieille pèlerine empoigne le fauteuil de l’héroïne pour se précipiter au premier rang de l’adoration eucharistique, traversant l’océan des fidèles silencieux avant que le prêtre porteur de l’ostensoir passe devant elle sans la voir, il est bien des façons d’approcher le mystère. • P. Denis Dupont-Fauville
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