« Marie se leva et partit en hâte » (Lc 1,39)
En ce mois de mai, tourné vers Marie, l’attitude de la Vierge Marie décrite par saint Luc après le départ de l’Ange Gabriel et choisie comme thème pour les JMJ de Lisbonne, mérite d’être méditée et imitée dans nos vies, à travers trois termes : le chemin, la vie et le temps.
Notre Dame de la Visitation,
Toi qui partis vers la montagne rejoindre Elisabeth en hâte,
Conduis-nous nous aussi à la rencontre de tous ceux qui nous attendent
Afin que nous leur annoncions l’Evangile vivant :
Jésus Christ, Ton fils et notre Seigneur !
Nous nous hâterons, sans nous laisser distraire et sans retard,
Dans la disponibilité et la joie.Nous avancerons sereinement car qui apporte le Christ apporte la paix,
Sûrs que le plus grand bien-être vient du bien-agir.
Notre Dame de la Visitation, par ton intercession,
Lors de ces JMJ nous porterons le Christ, comme toi-même tu le fis.
Permets que ces journées soient un temps de témoignage et de partage,
De fraternité, d’action de grâce,
Et une occasion d’aller vers ceux qui vivent encore dans l’attente.
Avec toi, nous parcourrons ce chemin d’unité
Pour que notre monde lui aussi soit uni
Dans la fraternité, la justice et la paix.Notre Dame de la Visitation, aide-nous à porter le Christ à tous,
Obéissant au Père et dans l’amour de l’Esprit.
L’attitude de la Vierge Marie décrite par saint Luc après le départ de l’Ange Gabriel mérite d’être méditée, scrutée et même imitée dans nos vies. Pour nous y aider, voici trois termes : le chemin, la vie et le temps, faisant résonner les harmoniques de ce thème : « Marie se leva et partit en hâte » (Lc 1,39).
1. Première résonance : le chemin
Le récit de l’Annonciation se clôt avec le départ de l’Ange Gabriel. Saint Luc écrit : « Alors l’ange la quitta » (Lc 1,38). Ce départ va être suivi d’un autre départ : celui de la Vierge Marie. A son tour, elle se met en route et prend le chemin de la région montagneuse de Judée. La jeune femme, qui vient d’accepter de devenir la mère du Sauveur, prend une décision concrète : celle de se déplacer. Elle est « la première en chemin » comme nous aimons parfois le chanter. Son « oui » enclenche un dynamisme qui l’a fait sortir de chez elle et la met sur le chemin. Ce dynamisme de la Vierge Marie, le Pape veut le communiquer aux jeunes. Marie, la jeune femme de Nazareth, leur est présentée comme modèle d’une jeune adulte qui sort de chez elle, prend une décision et s’élance sur le plus beau des pèlerinages : le chemin de la Vie.
Se pose évidemment la question du but et des moyens : Où partir ? Pourquoi partir ? Comment y aller ? Ces questions résonnent dans l’esprit des jeunes adultes et sont loin d’être anodines. Chez la Vierge Marie, elles trouvent des réponses dans la suite du récit. Marie part pour partager sa joie, la communiquer et ainsi glorifier Dieu qui fait des merveilles en elle, comme elle le dira dans son Magnificat. Son « oui » a une portée missionnaire.
Notons que la Vierge Marie connaît sans doute déjà ce chemin. Certainement qu’elle ne se rend pas chez sa cousine Elisabeth pour la première fois. Mais ce chemin n’en comprend pas moins quelques difficultés puisqu’il passe par une région montagneuse précise saint Luc dans la suite du verset. La décision de Marie n’est donc pas celle de la facilité. Alors qu’elle est tout juste enceinte, elle prend le risque de se mettre en route sans se laisser déstabiliser par ce qui pourrait rendre la route plus difficile. Il semble bien que ce soit l’Amour de Dieu qui la presse à être « la première en chemin ».
Ayant consentie à accueillir la Bonne Nouvelle en elle, Marie se met donc en route. Cette attitude mariale, le Pape François en a fait l’un des premiers appels de son pontificat. Dès la publication de La Joie de l’Évangile, il a demandé à tous les membres de l’Église de sortir et de se mettre en mouvement. Cela se confirme dans ses propres décisions de visiter des pays pas forcement chrétiens et en lançant dans toute l’Église un parcours synodal.
Cet appel à cheminer et à péleriner, le saint Père semble le proposer plus explicitement encore aux jeunes puisque ce thème des JMJ de 2023 s’inscrit dans la continuité de celui de 2019 au Panama. Les jeunes avaient alors médité la réponse de la Vierge à la demande de Dieu relayée par l’Ange : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole ! (Lc 1,38) ». Une continuité et une cohérence sont donc proposées entre ces deux grandes éditions des JMJ, ce que confirment d’ailleurs les thèmes des JMJ diocésaines des années 2020-2023 (Voir fiche pédagogique à ce sujet). Durant ces trois années, les jeunes sont invités à péleriner en écoutant la voix de Dieu qui les pousse à se lever et à suivre les chemins qu’il a préparés pour eux comme il le fit pour Marie.
2. Deuxième résonance : la vie
Saint Luc ne le dit pas explicitement, mais le lecteur le comprend aisément : cette jeune femme qui se lève et part en hâte, est enceinte. Marie est en effet au tout début de sa grossesse : l’enfant est encore imperceptible. Et pourtant Marie porte déjà en elle toute la Vie en plénitude. Dans son humanité, avec sa fragilité et ses limites, elle porte Dieu : elle est théophore, l’Arche nouvelle ou encore le tabernacle vivant par excellence.
Par l’amour et l’attention de sa mère, cet enfant va se déployer, grandir et se développer. Peu à peu, il va se transformer mais également transformer celle qui le porte. La présence de la vie divine en l’homme est une présence transformante. C’est l’œuvre de la divinisation. De même que Marie va changer physiquement, spirituellement, psychologiquement par le mystère de la Vie et de la fécondité qui se déploie en elle, celui qui vit de Dieu est progressivement « travaillé », « renouvelé », « régénéré » dans toutes les dimensions de son être par le dynamisme de cette vie divine qui l’imprègne. C’est peut-être là une occasion de réfléchir sur ce mystère que nous vivons depuis notre baptême et sa pénétration dans tous les aspects de notre existence : par le bain du baptême et plus encore par le sacrement de l’eucharistie, nous sommes porteurs de la présence de Dieu : une présence dynamisante et transformante.
Ce dynamisme suscité par l’accueil de la vie de Dieu en soi, saint Luc l’explicite en écrivant « Marie se leva ». Ce verbe vient du terme grec « anastasis » désignant la Résurrection et l’éveil à une nouvelle et éternelle. Dans le récit biblique nous sommes pourtant encore loin du matin de Pâques. Cependant saint Luc suggère déjà qu’en accueillant Jésus dans sa vie, dans son intimité, dans ses désirs les plus profonds, Marie vit par anticipation du mystère de la Résurrection. Jésus, simplement présent dans le sein de sa mère, l’a fait déjà vivre de la vie en plénitude. Une sorte de mise en abime de la vie se dessine : Marie fait vivre Jésus et Jésus fait vivre sa mère. Il devient la Vie de la vie de Marie et lui communique un dynamisme, une puissance et une énergie nouvelle : la vie surnaturelle.
Peut-être qu’il est bon de se rappeler que cette communication a été déclenchée par la rencontre du projet de Dieu avec une liberté humaine, disponible et pleine de confiance envers son Seigneur et ses messagers : « Voici la Servant du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1,38)
3. Troisième résonance : le temps
Aux deux premières résonnances, une troisième peut venir s’ajouter. L’idée de « chemin » et de « vie » renvoient également à l’idée de progression, d’évolution et d’avancement patient dans le temps. On quitte alors l’immédiateté et l’instantanéité pour entrer dans une approche renouvelée du temps. Une approche particulière du temps est la troisième résonnance suggérée ici par le thème des JMJ de 2023.
Saint Luc qualifie le dynamisme qui habite Marie. Il écrit qu’elle « partit en hâte ». Ce dernier terme vient du grec « spoudê » qui exprime l’idée d’empressement et de célérité. Son emploi chez saint Luc est rare mais pas unique si on se réfère à son emploi sous d’autres formes grammaticales. On le retrouve comme verbe ou comme adverbe à propos des bergers qui se hâtent d’aller voir l’enfant de la crèche (Lc 2,16) ainsi qu’à deux reprises dans le récit de la rencontre entre Jésus et Zachée (Lc, 19 5.6). Cette idée d’empressement n’a pas de connotation négative. Il ne s’agit pas d’agir de façon bâclée ou agitée mais au contraire d’accomplir sa mission avec un empressement du cœur, c’est-à-dire avec un vif désir de le faire avec sérieux, implication et sans hésitation. Autrement dit, la Vierge n’est pas pressée comme l’est le voyageur qui court pour attraper son train. Chez elle, il n’y a ni panique ni anxiété ! Elle agit « en hâte » car elle est déterminée à faire ce qu’elle a à faire avec sérieux et sincérité. Cette juste hâte exprime la prise de conscience que c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le kairos. Là encore, il y a là une piste de réflexion sur l’engagement, le don de soi et l’action sans tergiverser. Cette hâte fait écho au « aussitôt » avec lequel les premiers disciples répondent à l’appel du Maître : « laissant leur filet, ils le suivirent » (Mt 4,22).
Marie apparaît ainsi comme étant une jeune femme bien ancrée dans le temps. Elle est consciente que celui-ci lui offre maintenant une occasion à saisir. Plutôt que de mener ses réflexions sur son avenir en restant chez elle, elle se lève et part en hâte. C’est peut-être également là l’expression de son pragmatisme : elle a le sens des priorités et sait organiser son temps en fonction des événements de la vie. Le temps de la grossesse qui s’étale sur neuf mois la pousse à envisager des longs déplacements qu’elle peut faire plus facilement maintenant que plus tard. Marie est ainsi présentée comme celle qui accueille le temps de façon sereine et voit en lui des occasions à saisir. Habitée par la joie de l’Incarnation qui déjà travaille en elle, elle sait que c’est aujourd’hui le temps du salut, c’est pourquoi elle se lève et part en hâte.
Plus d’informations
– jmjparis.org