Messe autour de Mgr Michel Aupetit
Le vendredi 10 décembre 2021, une messe a été célébrée à Saint-Sulpice afin d’entourer et remercier Mgr Michel Aupetit.
Le 2 décembre 2021, le pape François a accepté de Mgr Michel Aupetit la remise de sa charge d’archevêque de Paris.
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Homélie de Mgr Michel Aupetit
Vendredi 10 décembre 2021 – 2e semaine de l’Avent – Année C
Messe autour de Mgr Michel Aupetit à Saint-Sulpice (6e)
– Is 48,17-19 ; Ps 1 ; Mt 11,16-19
Quelle lucidité du Seigneur sur la condition humaine toujours insatisfaite. Jean-Baptiste est un ascète, on le traite de possédé. Jésus mange et boit, c’est un glouton et un ivrogne. Quelle est l’explication de ce cœur partagé ? Quelle compréhension de cette frustration permanente de l’humanité ? Jésus ne répond pas à cette question, il se contente de parler de la sagesse de Dieu qui révèlera Jean-Baptiste comme le plus grand des enfants des hommes et Jésus comme son Fils bien-aimé.
Nous essayons souvent de plaire aux hommes en essayant de dépasser leurs contradictions pour gagner leurs suffrages, comme on le voit actuellement pour l’élection présidentielle. Ce n’est pas ce que fit Jésus. Jésus n’est pas un politique qui essaierait de naviguer habilement entre les membres de la famille des grands prêtres, les saducéens, et les pharisiens rigoureux et légalistes. Non ! Il est libre ! Libre de la liberté que lui donne sa relation d’amour à son Père. Libre pour le salut de l’humanité et non pour peaufiner la gloire passagère que pourrait lui donner ses contemporains. Cette tentation il l’a déjà repoussée au désert quand Satan lui proposait tous les royaumes de la terre.
Jésus ne témoigne que de l’amour du Père. Cela le rend infiniment libre. L’amour rend libre mais fait prendre des risques. Risque d’aller manger chez les pécheurs : pour les sauver ! Risque de se laisser laver les pieds par une femme de mauvaise vie : pour la sauver ! Risque de révéler son identité divine en pardonnant les péchés du paralytique : pour le sauver ! Risque de parler seul à seul avec une étrangère, une samaritaine : pour la sauver ! Risque d’ouvrir le Ciel à un bandit crucifié à ses côtés : pour le sauver ! C’est un scandale dites-vous ?
L’amour est un risque, un risque permanent. Si nous restons barricadés dans des principes de précaution spirituelle, la question sera de savoir si nous aimons vraiment, si nous aimons comme Jésus.
L’amour est ordonné au salut. Nous ne sommes là que pour manifester ce salut offert par notre Seigneur Jésus-Christ. Nous devons prendre le risque d’aimer comme Jésus pour ouvrir tous nos frères au salut.
La seule question qui se pose : croyons-nous au salut ? Croyons-nous vraiment à la vie éternelle ? Sommes-nous persuadé que Dieu va venir, que Dieu va nous combler, que Dieu voit plus loin que nous ? Les chrétiens savent qu’ils ont un avenir, que leur vie ne finit pas dans le néant. Ai-je la passion de l’éternité ? Quels sont mes rêves ? Mes horizons ? Serait-ce la réussite professionnelle ? Un amour humain épanoui ? Une santé parfaite ? Hélas, nous le savons bien, beaucoup de personnes ne connaissent pas cette félicité et ceux qui ont la chance de la vivre ici-bas savent que la mort nous oblige à poser la question ultime : à quoi bon ?
Mais ce goût d’inachevé nous ouvre à une espérance. Le Christ a suivi notre chemin, il est descendu dans le royaume de la mort et l’a vaincue. Ce Messie, attendu et décevant pour ceux qui l’attendaient seulement pour ce monde-ci, a fait resplendir sa résurrection. Il nous a ouvert un avenir, nous fait entrer dans l’éternité. Avec lui, s’est ouvert un passage. C’est cette espérance qui est la caractéristique des croyants.
Cette perspective ne nous fait pas fuir le monde. Au contraire, elle nous stimule, nous encourage à construire ici-bas un monde juste et fraternel car la vie sur terre est un prologue, un temps donné pour apprendre l’alphabet divin (François Favreau). Cet alphabet divin enseigné par le Christ, c’est l’alphabet de l’amour. Toute notre vie ici-bas consiste à apprendre cet alphabet pour nous faire entrer dans un amour au-delà de tout, qui est l’éternité de Dieu. En réfléchissant à ce beau mot de mon ante-prédécesseur à Nanterre, je me dis qu’il faut l’apprendre tout entier. La lettre A pourrait être simplement l’amour de soi qui est sans doute le plus évident. La lettre B pourrait être l’amour de nos parents quand ils nous aiment dès notre naissance. La lettre C serait sans doute l’extension de cet amour dévolu à nos amis. Finalement, l’ABC de cet alphabet semble facile. Mais il faudra aller jusqu’à la lettre Z qui, je le crois, consiste à aimer ses ennemis comme le fit Jésus. Devant le mystère du mal et de la haine, c’est le seul remède. Et ce qui permet de comprendre les mots de cet alphabet et de faire de sa vie une page d’évangile, c’est l’amour de Dieu. On se méprend souvent sur ce qu’est une vie réussie et une vie ratée. Une vie réussie, c’est l’accomplissement de cet apprentissage de l’alphabet divin qui nous prépare à la vie, la vie en abondance, celle pour laquelle j’ai donné personnellement ma vie au Seigneur et à son Église.
Nous attendons le retour du Christ qui achèvera et accomplira toute chose dans l’amour. Il y a 2000 ans, hélas, certains n’ont pas reconnu le messie qu’ils attendaient. Nous, ne fuyons pas sa présence, ne ratons pas son Retour.
Il vient au monde au cœur du peuple de Dieu, au creuset de la foi des fidèles qui manifestent par leur baptême le Royaume déjà là, comme les personnes consacrées expriment par leur état de vie le Royaume à venir, au service desquels les ministres ordonnés font advenir et transmettent les dons de Dieu. Oui, c’est dans le secret de tous les cœurs que Dieu vient au monde. C’est là que je l’ai cherché et que je l’ai trouvé dans le cœur des plus vulnérables. Deo gratias.