« Rejoindre les situations humaines de ceux qui ne nous demandent plus rien »

Paris Notre-Dame du 5 août 2025

« L’Église doit être missionnaire ou elle ne sera plus rien en ce monde. […] Une foi qui ne se propose pas et ne se partage pas est une foi qui se dessèche et qui n’intéresse plus, même les croyants. » Ainsi s’exprimait Mgr Vingt-Trois dans sa lettre Notre mission à Paris, publiée les premiers jours de son épiscopat parisien, ajoutant, quelques lignes plus loin, cette formule que personne n’a oubliée : « Nous devons chercher, dans notre travail pastoral habituel, comment nous pouvons rejoindre les situations humaines de ceux qui ne nous demandent plus rien. » L’exhortation à cet élan missionnaire – pour lequel il avait défini quatre champs prioritaires, à savoir, la famille, la jeunesse, la solidarité et l’éthique – est le fil rouge de son ministère à Paris, en témoigne l’organisation des Assises de la mission, en 2008 et 2009, et les trois années placées sous le sigle de « Paroisses en mission », de 2009 à 2012, avec, comme point d’aboutissement, l’opération Avent 2014 qui permettra de déployer plus de 500 projets missionnaires durant le mois de décembre 2014. Son dernier programme pastoral diocésain, de 2015 à 2018, s’appuiera toujours sur la mission, autour des axes « Annoncer, partager, transmettre ». Entretien avec Mgr Bruno Lefèvre Pontalis, curé actuel de St-François- Xavier (7e), qui fut vicaire général du diocèse de Paris 2012 à 2016.
Charlotte Reynaud

22 novembre 2014 à Notre-Dame de Paris. Fête d’ouverture de l’Avent 2014. Mgr André Vingt-Trois remet aux paroissiens envoyés en mission une lanterne et un baton de pèlerin.
© Trung-Hieu Do

Paris Notre-Dame – Que retenez-vous de vos quatre années comme vicaire général du diocèse de Paris, de 2012 à 2016 ?

Mgr Bruno Lefèvre Pontalis, curé actuel de St-François- Xavier (7e), fut vicaire général du diocèse de Paris 2012 à 2016.
© D.R.

Mgr Bruno Lefèvre Pontalis – Trois éléments m’ont particulièrement marqué. Mgr Vingt-Trois avait une connaissance unique et fine du clergé parisien – dont il était lui-même issu – et je dirais même de chaque prêtre. Comme vicaire général, j’ai beaucoup travaillé avec lui sur les nominations et j’ai découvert combien il sentait ce qui conviendrait ou non pour chacun, qui accepterait ou refuserait. Je me souviens d’une des premières nominations que j’avais proposée, il m’avait dit : « Tu peux toujours lui proposer, il refusera. » Et c’est ce qu’il s’est passé ! Il posait un regard, très attentif, de père. La deuxième chose qui m’a beaucoup marqué est évidemment la finesse de son analyse des situations ecclésiales, sociales. Il abordait toujours les questions qui paraissaient de prime abord bloquées par un angle nouveau, original, intéressant et pertinent, avec une grande liberté de parole. Et une profonde humilité : il ne cherchait pas à se mettre en avant. Quand on l’écoutait, on avait l’impression d’être intelligent tant sa pensée était puissante et claire. Et le troisième élément est la confiance totale qu’il avait en ceux qu’il avait choisis comme collaborateurs. Alors, bien sûr, on discutait avec lui de ce qu’on lui proposait mais il nous faisait une confiance absolue. Pour un collaborateur, c’était vraiment très agréable.

P. N.-D. – Sur quels sujets avez-vous particulièrement collaboré avec lui ?

B. L. P. – Il m’avait notamment confié l’opération Avent 2014, qui s’est d’ailleurs poursuivie quelques temps après. L’objectif était de réveiller l’aspect missionnaire en chaque chrétien. Le cardinal Vingt-Trois était très attentif à la mission et l’une de ses phrases clefs, bien connue, était : « Rejoindre les situations humaines de ceux qui ne nous demandent plus rien. » Il avait à cœur de rejoindre les gens qui n’attendaient plus rien de l’Église, ceux qui étaient du troisième voire du quatrième cercle. Si ses trois principaux axes pastoraux étaient la famille, la jeunesse et la formation, celui de la mission a également été l’un des points d’attention qu’il a d’ailleurs reconduit pendant plusieurs années. Je me souviens de la genèse du Congrès mission en 2015. Après avoir rapporté le projet de Raphaël Cornu-Thénard, l ’initiateur, l’archevêque silencieux fût dans un premier temps, un peu sur ses gardes. Il n’aimait pas qu’on lui force la main sur un projet ou pour une décision. Mais il a laissé cette initiative de la part de fidèles laïcs se faire puis, après un certain temps, il a ratifié cet élan et a encouragé sa mise en œuvre, sûr qu’il était des enjeux missionnaires pour le diocèse et pour l’Église aujourd’hui.

P. N.-D. – Ces dernières années, il s’était retiré à la Maison Marie-Thérèse...

B. L. P. – Le cardinal Vingt-Trois n’était pas un homme mondain et n’aimait pas trop se montrer. Il était d’une grande humilité et préférait rester en retrait. Malgré la maladie, il continuait à s’informer sur ce qui se passait dans le diocèse et avait beaucoup de recul sur nombre de sujets. Il avait à mon sens choisi d’entrer à la Maison Marie-Thérèse car il aimait le clergé parisien. C’était sa famille, vraiment. L’Église de Paris était sa famille.

Propos recueillis par Mathilde Rambaud

Article de Paris Notre-Dame – 5 août 2025

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