Vigiles de la fête du Christ-Roi

Le samedi 25 novembre 2023, à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, Mgr Emmanuel Tois, évêque auxiliaire de Paris, a présidé les Vigiles de la fête du Christ-Roi.

Remplaçant Mgr Laurent Ulrich, dans son homélie il a ouvert la démarche “Les sacrements : don de Dieu, source de vie fraternelle”, pour les années 2024 et 2025 : « une réflexion qui passe par des catéchèses accessibles destinées au peuple de Dieu dans une perspective missionnaire. »

Homélie de Mgr Emmanuel Tois

Je voudrais vous parler, histoire vraie, d’une petite Léana qui, il y a quelques années, venait, de dimanche en dimanche, recevoir la sainte communion en choisissant soigneusement de communier auprès du vicaire qui l’avait préparé à la première communion. Elle lui disait, de dimanche en dimanche : « c’est ma 8e communion » tout bas avant de recevoir le corps du Christ. Puis, « c’est ma 9e communion ». Et ainsi de suite, se souvenant que le vicaire en question avait insisté sur le fait de recevoir le Saint-Sacrement pour la première fois en appelait d’autres, et appelait à vivre de dimanche en dimanche, de plus en plus intimement le fait que Jésus est le pain vivant descendu du Ciel. Mais la petite Léana a été troublée parce qu’il y avait dans sa classe, un petit Jérémie, qu’elle ne voyait plus à l’église depuis le jour de sa première communion. Elle avait bien compris qu’il lui avait été pénible de tenir jusque-là. Elle avait entendu les parents du petit Jérémie lui dire : « Écoute, tiens jusqu’à la première communion, et après ce sera fini ».

Souvent, les prêtres sont confrontés à ces questions-là. Souvent, devant le sacrement de l’Eucharistie, ou devant les autres sacrements, par exemple le baptême… Et que dire de la confirmation ou du sacrement de réconciliation… Souvent, une question se pose qui est la question de la conscience sacramentelle et qui est aussi la question de la foi. Et il arrive que tel ou tel de nos frères prêtres se désespère de cela.

Parfois aussi, mais n’est-ce pas, au fond, la même question, des curés de paroisse se disent : « mais comment se fait-il que telle personne que je vois à la messe si souvent le dimanche, et même en semaine, semble si peu préoccupée de la vie de sa communauté, disparaissant avant même la bénédiction finale et esquivant toute tentative d’approche ? »

La question des sacrements est une question importante qui ne se pose pas que dans ces termes-là. Nous savons bien, et c’est une joie, que nos communautés comptent de plus en plus d’adultes qui demandent les sacrements de l’initiation chrétienne. Ils sont de plus en plus nombreux.

C’est donc pour réfléchir à toutes ces questions que notre archevêque a demandé que s’engage dans le diocèse une réflexion qui passe par des catéchèses accessibles destinées au peuple de Dieu dans une perspective missionnaire. Réfléchir à frais nouveaux sur ce que sont les sacrements. En se laissant enseigner par ce que l’Église a à nous dire des sacrements. Il vous l’aurait dit bien mieux que moi ce soir, s’il n’avait pas été empêché, bien malgré lui, de venir le faire. Mais vous vous souvenez certainement de la manière dont il a annoncé cette démarche dans son homélie de la messe chrismale. J’en cite un extrait : « On ne peut pas nier qu’il y ait un aspect médicinal et nourricier, personnel, des sacrements. Il y aussi un aspect d’appartenance dans la participation aux sacrements. Mais seuls, ces deux critères ne suffisent pas : l’un peut tourner notre foi vers une religion très individuelle, l’autre peut être desséchant, administratif même. »

Depuis lors, depuis la Semaine sainte et la messe chrismale, une réflexion s’est engagée, menée à la demande de notre archevêque, par trois théologiens : le chanoine Gilles Drouin, le père Vincent Guibert et madame Frédérique Poulet. Tous trois théologiens, je l’ai dit, qui pourraient nous proposer différentes étapes dans les mois et les années qui viennent. Je parle au conditionnel car les choses sont encore très ouvertes. Mais une phase numéro deux pourrait consister à déployer la catéchèse dans les paroisses, les communautés et les mouvements. Suivie d’une phase numéro trois qui serait plus diocésaine, qui serait une phase de célébration et d’enseignement.

Mais il est important que ces deux phases soient précédées d’une phase préparatoire qui commence maintenant et qui consistera à bâtir les deux autres à l’aide de personnes ressources.

Voilà ce que, en célébrant les vigiles du Christ, Roi de l’univers, ce vers quoi nous nous engageons, ce soir : le début de cette phase préparatoire pour une phase paroissiale et une phase diocésaine. Il est heureux, je crois, que le lancement de la première de ces trois phases ait lieu en la solennité du Christ, Roi de l’univers.

L’an dernier, pour célébrer le Christ, Roi de l’univers, nous avons contemplé, dans l’Évangile selon saint Luc, Jésus en croix, tourné en dérision, qui déclare au bon larron repenti : « Amen, je te le dis, aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis ». L’an prochain, méditant en saint Jean le questionnement d’un Pilate intrigué par la royauté de Jésus, nous entendrons le Christ nous dire que s’Il est roi, cette royauté ne vient pas de ce monde. Et cette année, nous l’avons entendu par la page d’Évangile qui vient d’être lue en saint Matthieu, une page qui nous annonce le Jugement dernier lors du retour de Jésus en gloire : nos regards et nos consciences ont été invités à se tourner vers l’examen de notre vie fraternelle et le soin que nous portons ou pas à tous ces plus petits que nous.

Voilà de quoi, je crois, ancrer dans l’écriture la direction que nous donne notre archevêque. Je cite à nouveau son homélie de la messe chrismale : « Sans ignorer ces deux aspects, [l’aspect personnel, nourricier et médicinal et l’aspect communautaire, l’aspect d’appartenance, deux aspects] qui font du ministère apostolique un service des communautés chrétiennes pour leur entretien et leur croissance, il nous faut indiquer à nouveaux frais et dans des catéchèses accessibles, le sens du mystère qui nous est confié. Dieu s’est fait l’un de nous et Il a souffert et Il est mort pour nous. Et Il est vivant pour conduire tous les hommes vers Son Père et vers Son royaume. »

Oui, le Christ veut nous conduire vers Son Père et vers Son Royaume et pour ce faire, il exerce Sa royauté. Mais la solennité du Christ Roi nous rappelle que la royauté de Jésus n’est pas de ce monde, qu’Il ne l’exerce pas par la force, qu’Il est venu pour servir et donner Sa vie, et que cette royauté est un service enraciné dans l’Eucharistie.

Il est beau de relever que dans l’Évangile selon saint Luc, c’est au cœur de la Cène que Jésus déclare : « Moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert ».

Chers frères prêtres, j’ai été frappé au cours de notre échange à Lourdes sur ce sujet : vous savez, mes amis, que les prêtres de Paris, 317 je crois d’entre eux, ont passé quatre jours très fraternels à Lourdes la semaine précédente. Cette question a été évoquée entre eux. Sans trahir de secret, j’ai été frappé par le bref débat qui s’est instauré entre nous à propos du nom que l’on pourrait donner à cette démarche initiée par notre archevêque alors que nous était présenté un titre ainsi rédigé : « Les sacrements : don de Dieu, source de vie fraternelle ». Certains indiquaient préférer que l’on désigne les sacrements comme don de Dieu, source de vie éternelle.

En écoutant saint Paul tout à l’heure nous parler d’unité dans la foi, nous parler de connaissance de Dieu, nous parler de l’état de l’homme parfait, en écoutant saint Augustin nous rappeler l’onction que nous avons reçu, nous dire que tous, nous sommes Christ en un seul Christ, je me disais que peut être les sacrements étaient les deux. Source de vie éternelle, mais aussi source de vie fraternelle, comme le Christ nous dit qu’est un seul commandement : l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

Que l’Esprit-Saint, pour ce débat comme pour tant d’autres qui vont survenir, guide notre démarche. Qu’Il inspire Son Église. Amen.

Mgr Emmanuel Tois,
évêque auxiliaire de Paris

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