Vladimir Ghika, prince devenu prêtre

Paris Notre-Dame du 4 septembre 2025

Ils sont Parisiens, mais peu connus pour la plupart. Paris Notre-Dame consacre sa série d’été aux cinq saints parisiens dont les reliques sont présentes dans le nouvel autel de Notre-Dame de Paris. Dernière figure : Vladimir Ghika, prêtre diocésain, mort en martyr du communisme en Roumanie en 1954.

© Archives Vladimir Ghika, Archevêché romano-catholique de Bucarest

De toutes les figures parisiennes dont les reliques ont rejoint le nouvel autel de la cathédrale, le bienheureux Vladimir Ghika est le seul qui soit mort en martyr… et sans doute celui qui était le moins prédestiné à faire partie de l’histoire du diocèse de Paris ! Né en 1873 à Constantinople, dans une famille princière roumaine, baptisé au sein de l’Église orthodoxe, il aurait dû, comme son père ou son frère, embrasser une carrière diplomatique ou politique. Mais Vladimir choisit finalement un autre destin : servir les plus pauvres, d’abord comme laïc puis comme prêtre du diocèse de Paris. Si la capitale fut le terreau de son cheminement spirituel, Rome – et plus spécifiquement la cellule occupée par saint Dominique en l’église Ste-Sabine – sera le lieu concret de sa conversion, en 1902, à l’âge de 28 ans. « Pour lui, il s’agissait d’ailleurs moins d’une conversion que d’un retour au cœur de la foi universelle, souligne Mgr Philippe Brizard, ancien directeur de l’Œuvre d’Orient, qui travaille depuis de nombreuses années à faire connaître la figure de Vladimir Ghika. “Je ne suis pas devenu catholique. J’ai agi pour devenir un meilleur orthodoxe”, rappelait-il souvent. » Véritable pont entre l’Orient et l’Occident, il sera toute sa vie mû par le désir profond de l’unité entre catholiques et orthodoxes. Mais lorsque, très rapidement, il souhaite devenir prêtre, le pape Pie X refuse et lui confie une mission singulière : rester laïc et travailler au rapprochement des chrétiens.

« Le grand vagabond apostolique »
Ce n’est qu’en 1923, à l’âge de 50 ans, que Vladimir est finalement ordonné prêtre pour le diocèse de Paris par le cardinal Guillaume Dubois. Exception rare, il est dispensé du séminaire en raison de son parcours intellectuel, universitaire et spirituel. Autre privilège : il reçoit du Saint-Siège la faculté de célébrer la messe dans les deux rites, latin et byzantin. D’un caractère entier, parfois vif, il alliait, d’après ceux qui l’ont connu, fermeté et délicatesse, toujours tourné vers la charité concrète. Proche de Jacques et Raïssa Maritain, Vladimir Ghika s’inscrit dans le grand courant intellectuel catholique du début du XXe siècle ; mais son charisme est surtout pastoral : être disponible pour ceux qui souffrent, accompagner les mourants, rejoindre – déjà ! – les périphéries de la capitale. Pendant seize ans, il exerce son ministère à Paris : à la « chapelle des Étrangers », rue de Sèvres, auprès des Russes et des réfugiés d’Europe centrale ; à Villejuif, où il fonde une chapelle dans des baraquements de fortune auprès des plus pauvres ; à Montmartre, où son souvenir reste vivace. « Si je devais résumer Vladimir Ghika en quelques mots, confie Mgr Brizard, ce serait la charité à la manière de saint Vincent de Paul. » Son style pastoral est celui d’un homme en mouvement constant, « un modèle de prêtre séculier, disponible à tous, à tout », poursuit Mgr Brizard. Pie XI le surnomme « le grand vagabond apostolique », tant ses voyages missionnaires se multiplient, du Japon à l’Australie, en passant par l’Afrique et l’Amérique latine.
Son destin bascule en 1939, lorsqu’il part en Roumanie rejoindre sa famille pour l’été. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale l’empêche de revenir en France. Avec l’accord de l’archevêque de Paris, le P. Ghika choisit, malgré le danger, de rester auprès de la communauté catholique roumaine pendant toute la durée du conflit puis l’installation de la dictature communiste. En 1952, à l’âge de 78 ans, il est arrêté, accusé de haute trahison en raison de ses relations avec le Vatican et de ses origines royales. Battu, humilié, torturé, il meurt d’épuisement à la prison de Jilava en avril 1954. Béatifié en 2013 à Bucarest, il est honoré aussi bien par l’Église catholique que par le patriarcat orthodoxe roumain. Et si le régime communiste l’aura empêché toute sa vie de revenir en France, une relique y a finalement trouvé demeure, au sein même de la cathédrale Notre-Dame de Paris dans laquelle Vladimir Ghika avait été ordonné prêtre un siècle plus tôt.

Mathilde Rambaud

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