Fête de quartier, fête de paroisse : réflexions du Père Thierry de l’Épine, curé de Saint-Roch

L’église Saint-Roch ne manque pas de fêter d’une manière originale avec tout son quartier et les artisans de proximité, la fête de Saint-Honoré, à qui elle est également dédiée.

La célébration actuelle de la Saint-Honoré, qui rassemble la paroisse et son quartier me semble, d’année en année, répondre à l’attente des habitants d’un quartier spécifique par son histoire religieuse et humaine, riche de mémoire, tout autant que par sa réalité sociologique aujourd’hui plus diversifiée qu’il n’y paraît.

La Saint-Honoré n’est pas une fête isolée dans la vie chrétienne et sociale de notre quartier : je l’ai inscrite au sein de trois autres fêtes exprimant un “Savoir-être et faire pour un savoir-vivre” sur ce quartier pour rompre l’anonymat et la solitude de bien de nos contemporains dans la Ville.

L’âme d’un quartier

Paris a besoin de fêtes locales et villageoises. Elles ne manquent pas ! Les “vendanges” de Montmartre, pour n’en citer qu’une, sont bien de ce genre. Ces fêtes de quartier répondent à un besoin de concrétiser une convivialité locale, de rejoindre ses racines sans être déracinés dans un quartier anonyme.

Celles du quartier entre l’Opéra, le Palais Royal, le Louvre et les Tuileries apportent un “plus” parce qu’elles sont, à l’initiative de l’Eglise, autour de l’église Saint Roch dans son quartier, envoyée pour le rassembler.

Vivre dans le quartier autour de la rue Saint-Honoré, c’est tout autant que dans d’autres quartiers, vivre au cœur d’un secteur chargé de mémoire et d’histoire cultuelles et culturelles, et, plus que tout autre probablement, son histoire est synonyme, certes de violences et de misères, mais aussi de grandeur de témoins de la foi et “d’arts”, ne serait-ce que par l’imposante et vivante présence du Grand Louvre et des Jardins des Tuileries.

Malgré bien des évolutions, un certain nombre de familles, et peut-être plus qu’ailleurs dans Paris, résident dans ce quartier depuis plusieurs générations. Les grandes demeures, les anciens hôtels particuliers, et même d’autres maisons plus modestes restent encore des biens familiaux, qui, avec le temps et la valeur du m², se sont transformés en co-propriétés familiales, aussi bien rue de la Sourdière, rue Danièle Casanova, rue de Rivoli que rue Saint-Honoré près de la rue des Bons Enfants, pour évoquer quelques exemples que je connais. Les familles, leurs jeunes, mariés ou non, sont marqués par l’âme de ce quartier.

Comme en sont imprégnés, pour d’autres et raisons et simultanément, ceux qui viennent pour leur profession travailler pendant des années sur ce quartier dans les institutions publiques, privées et artisanales. J’observe un attachement à ces réalités culturelles et sociologiques, qui dépasse, de beaucoup, une participation régulière à la vie de l’Eglise et même à une adhésion de foi. Je peux citer bien des témoignages reçus au quotidien, dans notre mission sur le terrain, de personnes très attachées à la “symbolique spirituelle et culturelle” de Saint-Roch qui les touche bien au-delà de l’esthétique de l’édifice. Autre exemple : lorsque des professionnels de la BNP Paribas, pour la majorité d’entre eux, aujourd’hui, jeunes cadres venant de tout Paris et au-delà, se réunissent pour une messe mensuelle, à l’heure du déjeuner suivi d’un repas pour échanger, ils disent ne pas travailler que “dans des bureaux” ou un “siège social” : ils sont installés sur “la place du marché Saint-Honoré” ou dans le proche voisinage : cela veut dire quelque chose pour eux, une présence d’une mémoire “prestigieuse” de notre Église dans la France et l’Europe, au fil des siècles, à garder et rendre vivante aujourd’hui.

La Fête Saint-Honoré et son église

Parler de la rue Saint-Honoré, c’est évoquer un certain style de vie que l’on relie à des personnalités religieuses, artistiques et politiques célèbres mais aussi à des emplacements riches d’histoire et de culture : place Vendôme, rue de la Paix, le Palais Royal, place André Malraux et place Colette.

Parler de Saint-Honoré, c’est évoquer d’abord le boulanger pâtissier au coin de la rue de Castiglione, qui, au XVIe siècle, donna le nom à la rue Saint-Honoré, lequel saint devint, dès les origines, le patron secondaire de l’église Saint-Roch, lors de son édification en 1653.

Parler également de “Saint-Honoré”, c’est immédiatement évoquer un gâteau et, par-là, une pâtisserie, un produit de gourmandise raffinée, excluant la goinfrerie à s’en rendre malade et à ne penser qu’à soi-même ! C’est aussi évoquer un “art de vivre”, un “savoir faire” : travailler, c’est bien davantage que gagner sa vie.

La Saint-Honoré est une fête d’Église, mais aussi une fête “professionnelle” : l’occasion de multiples contacts avec les paroissiens, des résidents pratiquants ou non, mais aussi avec des non résidentiels, professionnels ou touristes, insérés ou aimant venir ou revenir sur ce quartier aux enseignes reconnues : on vient “chez Julien”, on vient “chez Gargantua”, pour ne parler que de quelques artisans gourmands !

Saint Honoré : la fête d’un saint évêque

L’évêque d’Amiens du VIe siècle, dont la mémoire chrétienne attribue le miracle de conversion de ses fidèles au moment d’une Consécration du pain et du vin, devint, au XIe siècle, le patron sous l’égide duquel se mit la profession des boulangers. Il est à l’origine d’une église Saint-Honoré sur ce quartier de Paris, détruite depuis.

Le quartier autour de la rue Saint-Honoré était celui des terres dépendant de l’évêque de Paris, “la Ville l’Évêque” qui, au XVe siècle était le seul à avoir droit aux fours boulangers (interdits dans la cité en raison des dangers d’incendie). Le blé arrivait directement de Picardie, devenait farine dans les moulins (cf. la rue des Moulins voisine), puis devenait pain. Le minotier de cette époque, qui a donné son nom à la rue Gaillon voisine et sa famille édifièrent une chapelle, puis une église, proche de la nôtre, pour des travailleurs qui résidaient à l’époque sur de vastes terrains maraîchers. Comme il était picard, il choisit tout naturellement, comme nom patronymique de l’église, l’évêque d’Amiens. C’est ainsi que le saint évêque devint le patron des minotiers, des boulangers et enfin des pâtissiers.

L’église détruite a laissé, non loin de là, place à une église “royale”, voulue par les artistes et habitants proches du Palais Royal, inaugurée par Anne d’Autriche et son fils Louis XIV : elle prit le nom de Saint-Roch, en mémoire des pestiférés du quartier inhumés dans le cimetière sur lequel est construite, depuis 1653 notre église dédiée à Saint Roch, ce saint médecin des pestiférés du XIVe siècle et cet évêque saint Honoré pour les raisons évoquées ci-dessus.

Et c’est ainsi que le village Saint-Roch-Saint-Honoré rejoint ses racines chrétiennes et peut s’en souvenir autour d’une fête et d’un gâteau, lequel se promène dans ses rues pour appeler à une prière de merci à Dieu : cette fête réunit tout un quartier durant une ½ journée conviviale qui commence à 16h par un goûter sur la place du Marché Saint-Honoré pour se terminer, après une messe solennisée, par un dîner d’un “village-famille” sur le passage Saint-Roch.

Père Thierry de l’Épine, curé de Saint-Roch.

Chrétien au cœur de Paris