« Ainsi soient-ils »
Paris Notre-Dame du 11 octobre 2012
Série française en huit épisodes de 52 minutes pour la première saison, « Ainsi soient-ils » est diffusée sur Arte à partir du 11 octobre. Une série fiction qui raconte l’histoire de cinq séminaristes, dont publicité est faite jusque dans les stations de métro. Le P. Denis Dupont-Fauville a décrypté pour Paris Notre-Dame les ressorts de cette production qui montre un visage de l’Eglise très éloigné de sa réalité.
Avant même sa diffusion, cette mini-série « fait le buzz ». Des affiches provocantes ont envahi le métro, des réseaux sociaux réagissent. Enfin une fiction qui nous décrit un séminaire de l’intérieur, avec ses aventures humaines et ses secrets cachés… Au-delà là des effets d’annonce et de promotion, que nous montre exactement cette œuvre ?
Commençons par un détail, qui n’a rien d’anodin dans une production à gros budget. Lorsque nous voyons ce qui fait le cœur de la religion chrétienne (et donc de l’espérance des jeunes héros), c’est-à-dire la célébration de la messe (dès le premier épisode) ou la confession, nous assistons à un simulacre erroné. Ni les paroles de la consécration, ni celles de l’absolution ne sont exactes. Même s’il est du droit le plus strict des auteurs de ne pas fréquenter les sacrements, il suffirait de deux clics sur le web pour rectifier l’erreur. Alors, pourquoi ? La seule explication qui nous vienne est la suivante : comme beaucoup de turpitudes vont être étalées, l’Église ne pourra réagir en disant qu’on l’attaque ; car ce qui nous est montré n’est pas l’Église, – y compris dans son aspect le plus public –, mais l’image de l’Église telle qu’elle serait perçue par nos contemporains. Si cette image est déformée (et les exemples « objectifs » abondent), ce n’est donc pas la faute de la production, mais celle d’une Église nous dira-t-on trop peu visible ou trop peu audible.
Dès lors, nous sommes conviés à une série de « projections », avec un assemblage de personnages, de situations et d’images qui franchissent souvent les bornes de la caricature. Les personnages : les séminaristes cherchent tous plus ou moins à se fuir (l’assassin, le financier, les homosexuels), les formateurs sont de grands névrosés, la conférence des évêques un préau pour ambitieux, les cardinaux des monstres de volonté de puissance, le pape un vieillard fasciné par le vaudou (est-ce un rêve ?) et sous la coupe d’une gouvernante experte en camomille. Entre une formation décalée [1] pour des candidats aussi généreux qu’immatures et menteurs, l’obsession de l’argent, du pouvoir et du sexe à tous les échelons, et des scènes relevant tantôt du voyeurisme (pas un ébat amoureux ne nous sera épargné) tantôt de l’imagerie sulpicienne (des prêtres et des évêques portant calotte dans la rue !), la mécanique s’enchaîne, créant parfois le suspense mais jamais d’intérêt réel envers les protagonistes de l’action.
Bien sûr, au milieu d’une multitude d’allusions plus ou moins décryptables, quelques vrais problèmes sont posés : quels critères pour un discernement spirituel aujourd’hui ? Comment faire le partage entre l’idéalisme et l’illusion ? Quelle maturation possible pour une génération privée de repères depuis l’enfance ? Comment l’Église peut-elle concrètement servir les pauvres (et lesquels) ? Mais le tout dans une absence d’espérance proprement glaçante : si le premier épisode s’ouvre sur un supérieur de séminaire annonçant tristement à ses jeunes qu’ils choisissent une voie impossible, le dernier se referme sur le retour de chacun à sa réalité ou à son mensonge ultime : « rien n’a changé », nous explique-t-on. Le monde et l’Église se réduisent à une série de réponses convenues, où les compatissants aident les mineurs à avorter, où les appareils de la Chine et du Vatican se rencontrent dans leur culte du secret, où les jeunes vraiment généreux portent le Che sur leur teeshirt et le keffieh autour du cou.
« Ainsi soient-ils » : faut-il souhaiter qu’il en soit ainsi ? Ici, nous rejoindrons sans doute l’intention des producteurs : Dieu nous en garde ! • P. Denis Dupont-Fauville
[1] Des séminaristes sans devoirs de théologie et sans directeurs spirituels : là encore, le décalage est moins entre le monde et le séminaire qu’entre le séminaire et l’image qui nous en est donnée !